À TABLE Avec Alain Espeisse, ancien footballeur du Nîmes Olympique
Rien de mieux que de se retrouver autour d’un bon repas pour discuter à bâtons rompus. Le principe de cette rubrique est des plus simples : une personnalité gardoise choisit un restaurant qui lui tient à cœur et on discute de tout et de rien... Ancien footballeur du Nîmes Olympique de 1983 à 1993, Alain Espeisse, devenu chef d’entreprise, est resté un amoureux du centre-ville de la cité des Antonin. C’est d’ailleurs au bar-restaurant Le Victor Hugo qu’il a accepté notre invitation pour ce nouvel épisode de À table. Un entretien réalisé en octobre 2021 dans le cadre du numéro 28 d'Objectif Gard, le magazine.
Quand on demande à Alain Espeisse où on va aller s'attabler, la réponse est simple, claire, rapide et elle vient du cœur : "Au Victor !" Le Victor, c'est le bar-restaurant le Victor-Hugo à Nîmes. Ce Lunellois est arrivé à Nîmes à l'âge de six ans où il logeait du côté de la Placette, au 7 de la rue Bec de Lièvre. Un quartier populaire, un secteur qui lui ressemble. "J'ai tout fait à Nîmes, y compris au club où j'ai pris ma première licence de foot." Le voilà enfin Nîmois ! En bon Nîmois, il sait qu'ici il faut voir et être vu.
Être en terrasse, c'est la vie nîmoise. Casquailler, cancaner, rempeler, prendre la vie du bon côté. Pourquoi le Victor Hugo ? "C'est emblématique, c'est le bar. Nicolas et son frère benjamin sont des gens qui font bouger Nîmes depuis x années. Je viens ici depuis une quinzaine d'années. Je trouve que l'endroit est magique. Quand j'arrive sur Nîmes je viens ici et je me sens comme à la maison !" Un lieu où d'autres anciens footballeurs aiment se retrouver et où ce passionné sait qu'il peut parler ballon rond.
Un simple bar qui fait une restauration tout aussi basique. Un lieu sans fioritures mais avec beaucoup d'humain. "Les endroits guindés, ce n'est pas pour moi. Ponctuellement, aller manger dans un gastro, c'est cool mais je préfère les petites brasseries où tu rencontres des gens de tous les horizons et milieux." Les restaurants étoilés ne sont pas trop sa came : "Ici, au Victor, tout me plaît car on voit du lycéen et du costard-cravate en passant par le maçon." Entre arènes et Maison carrée, forcément, toute la ville passe. "Oui, tout Nîmes passe devant alors on regarde et tu es obligé de croiser des gens que tu connais, c'est le côté sympa. Tu bois un verre, quelqu'un met la sienne, tu mets la tienne et tu as passé un excellent moment."
"Je mange juste pour vivre"
Plus qu'un bar, pour Alain, le Victor est un village dans la ville. C'est tout un microcosme avec ses histoires quotidiennes qui se retrouve ici. Comme Jean-Bouin ou les Costières pouvaient l'être à une certaine époque. "Le café, ici, il l'a bu à presque toutes les heures !", s'écrie au loin Nicolas Delprat, le patron des lieux. D'ailleurs il n'y a pas eu que les cafés. "On a fait quelques soirées ici avec Nico. J'ai vécu pas mal de belles choses avec d'anciens joueurs. L'Amicale vient constamment... C'est dur de sortir un moment marquant, il n'y a que ça !"
Le décor est planté, les passants passent, s'arrêtent, le saluent, l'embrassent, repartent. Ici, pas de chichi. Mais à venir manger au Victor, il faut choisir sur une carte restreinte. Cela ne semble pas déranger Alain, bien au contraire. "Ici et pendant des années, c'est Aziz El Ouali (ancien coéquipier d'Alain Espeisse au Nîmes olympique, NDLR) qui était en cuisine alorsn quand j'arrivaisn j'avais des plats à la carte. Il me faisait des salades que j'aimais. C'est le luxe avec les potes en prime."
La famille Delprat passe au grand complet comme les grains d'un chapelet autour d'une main. Bien sûr qu'on parle foot, évidemment. Alain est sponsor du club d'Uchaud où joue l'un des Delprat. Il est aussi partenaire de l'Amicale des anciens du Nîmes olympique. Et même sa carrière de footballeur terminée, Alain continue de faire beaucoup de kilomètres avec sa société IAE Deal, une société de fabrication et de destruction d'archives pour les entreprises.
En quinze jours, il était sur la Côte d'Azur, dans le Limousin, dans le Massif central, dans les Alpes, à Paris et enfin, le revoilà à Nîmes. Il apprécie donc ces moments dans sa ville d'adoption. Et quand n'est-il de ses petits plaisirs culinaires ? "Je mange juste pour vivre", avoue-t-il. Pour ce dernier, un repas convivial doit toujours démarrer par un rituel bien sudiste.
"Je ne me prends pas la tête avec les codes"
"Tout commence par l'apéro ! C'est la base, sans ce petit verre, le repas serait très fade. Pour le vin, c'est grâce à mon oncle qui m'a fait découvrir ce monde. Un bon rosé piscine, un Valcombe de chez Nico, j'adore !" Cet ancien sportif de haut niveau n'a bu sa première bière qu'à 31 ans et n'a pas apprécié. Avec le temps, il est devenu un amateur de vin : "En rosé et depuis je m'y connais un peu. Pour le rouge, je suis en période de découverte." En revanche, il n'apprécie pas le blanc tout comme les alcools forts. Souvent, on se dit qu'avec un bon vin on ne peut manger qu'un bon repas. Tout dépend ce qu'on appelle un bon repas car pour Alain, un bon repas c'est avant tout un repas en bonne compagnie.
"Mieux vaut manger un sandwich avec ceux que tu aimes plutôt que dans un bon restaurant en face d'un con." Fidèle à ses valeurs, l'ancien milieu apprécie la simplicité surtout à table. "Déguster ce n'est pas mon truc. Je ne me prends pas la tête avec les codes. J'aime les restaurants où quand tu arrives tu ne sais pas ce qu'on va te servir. J'aime la cuisine de nos parents." Enfant, les souvenirs d'Alain proviennent de la table de sa grand-mère où il se rendait le mercredi : "C'était du riz, version paella, avec du poulet toutes les semaines et pour le goûter, elle me faisait toujours du pain perdu."
Allez, on passe à table. Au fond du bar et alors que l'équipe qui est au service déjeune, on nous laisse la place. Un autre rosé piscine avec des glaçons et Alain jette brièvement œil sur la carte qu'il connaît par cœur. "Un steak à cheval, bleu et avec des frites !" Des frites ? Oui, Alain ne se restreint pas. Enfin, c'est plus compliqué que ça. "Je ne me prive pas des moments que je dois vivre et que j'aime vivre. Tous les soirs je peux faire l'apéro mais le lendemain je me mets à la diète. Je suis toujours en train de me toucher le ventre. J'ai du gras mais je n'ai pas le sac à dos devant ! Pourtant, je ne fais pas de sport, je suis une grosse feignasse."
"Les joueurs avaient commandé tous les plats de la carte"
Si l'homme de 56 ans n'est pas un grand mangeur, il concède ne pas être non plus un grand cuisinier. "Le seul truc que je sais faire, c'est la sauce de la salade. Elle est exceptionnelle, tout le monde me demande de la faire." Il sait au moins quel poste il occuperait s'il faisait partie d'une brigade. Et forcément des repas avec le Nîmes Olympique il en a connu et un l'a particulièrement marqué. "La première fois que je suis parti en stage avec le groupe professionnel, le coach était Marcel Domingo. Tu pouvais manger ce que tu voulais et les joueurs avaient commandé tous les plats de la carte. Il y avait du magret de canard et du vin rouge. Plutôt qu'un repas de sportifs, ça ressemblait plus à un banquet de communion. C'était un truc de fou", se souvient-il avec sourire.
Une époque, en 1984, où la nutrition des footballeurs n'était pas autant surveillée qu'aujourd'hui. "On ne faisait pas attention, moi le premier et j'ai compris pourquoi chaque année j'avais un claquage. Après j'ai été plus sérieux et moins blessé." Et si le goût du pain perdu d'antan lui tient encore le palais en haleine, son péché mignon est le flan. "Je suis capable d'en dégommer un entier." Ces futurs compagnons de table sont prévenus.
Anthony Maurin, Norman Jardin et Corentin Corger
Important ! Cet article est extrait d'Objectif Gard, le magazine. Rendez-vous chez votre marchand de journaux pour acheter le dernier numéro, sorti vendredi. Découvrez le sommaire en cliquant sur le module ci-après :