Publié il y a 9 ans - Mise à jour le 13.01.2015 - coralie-mollaret - 3 min  - vu 502 fois

FAIT DU JOUR Abdallah Zekri : "Il faut arrêter de demander aux musulmans de s'excuser"

Abdallah Zekri, le président de l'observatoire contre l'islamophobie et membre du bureau du CFCM. Photo : Coralie Mollaret / Objectif Gard.

Le Nîmois et président de l'observatoire contre l'islamophobie du CFCM nous livre son analyse suite aux attentats qui ont secoué la France ces derniers jours. 

ObjectifGard : Hier les Français et les Gardois se sont mobilisés en masse pour dénoncer les actes terroristes. Vous y avez participé. Qu'est-ce que vous avez voulu montrer ?

Abdallah Zekri : J'ai marché à Nîmes où nous étions réunis dans notre diversité, quelle soit politique ou religieuse pour défendre la liberté d'expression et dénoncer le terrorisme. J'ai montré avant tout que j'étais un citoyen français qui aime son pays et défend ses valeurs.

ObjectifGard : Comment la communauté musulmane réagit face à ces attentats ?

Abdallah Zekri : Les musulmans ont condamné ces actes criminels qui portent atteinte à leur religion. L'islam ne véhicule pas des valeurs de haine et n'appelle pas au meurtre !

ObjectifGard : En 2008 vous avez déposé plainte contre certaines caricatures de Charlie Hebdo… 

Abdallah Zekri : Nous avons choisi le recours judiciaire. Nous trouvions choquants et insultants deux dessins de l'hebdomadaire : la caricature montrant Mahomet avec une bombe sur la tête et celle du prophète avec les mains sur le visage qui disait "C'est très dur d'être aimé par des cons".  Nous avons été déboutés et nous avons accepté le verdict. Nous n'avons ni sombré dans la propagande, ni dans les discours d'insultes et de haine.

Photo : Thierry Garcia, animateur France Bleu Gard Lozère.

ObjectifGard : On a le sentiment que notre société demande aux musulmans de se dissocier de ces actes. N'est-ce pas la preuve qu'ils n'ont pas tout à fait trouvé leur place dans notre communauté nationale ?

Abdallah Zekri : Bien sûr ! On va toujours demander aux musulmans de se désolidariser, aux imams de pratiquer un "islam de France". Il n'y a qu'à nous que l'on demande cela ! Il faut arrêter de demander aux musulmans de s'excuser. Ces terroristes  auto-proclamés musulmans ne représentent qu'1% et de plus, 40 % de ceux qui partent combattre à l'étranger sont des convertis. Il faut arrêter de faire des amalgames.

ObjectifGard : Durant ces trois jours, on a vu un véritable "sursaut républicain". Quelles conséquences politiques vont avoir les attentats selon vous ?

Abdallah Zekri : Regardez, les messages politiques de rassemblements et d'unité nationale ont été très forts. Alors je ne suis pas devin, mais depuis quelques jours nous n'entendons plus parler des échecs de François Hollande… Nous écoutons ces discours politiques à travers lesquels il fait figure de grand rassembleur.

Objectifgard : A Beaucaire nous avons vu une France divisée… Le FN pourrait gagner des voix ?

Abdallah Zekri : Il n'y a eu des incidents qu'à Beaucaire ! Et c'est avec des militants du FN et des gens issus de la diversité qui n'acceptent pas que le maire qui les représente soit FN. Si Marine Le Pen n'avait pas été présente, je pense que cela ne se serait pas produit.

Dimanche lors du rassemblement nîmois. Photo : Eloïse Levesque

Objectifgard : On a vu des images terribles de ces terroristes qui se revendiquent d'Allah… Comment analysez-vous ce phénomène ?

Abdallah Zekri : Avant le terrorisme était importé, aujourd'hui ce sont des ennemis de l'intérieur. Cela devient inquiétant. Je connais beaucoup de familles dont le fils ou la fille a été embrigadé via les réseaux sociaux. Il y a ces filles qui refusent de me serrer la main parce que je suis un homme, ou ces garçons qui traitent leur mère de mécréante. Ces jeunes ne vont pas à la mosquée. Si on devait réfléchir sur les causes, il y a d'abord le chômage, la pauvreté mais surtout le sentiment de rejet et le racisme véhiculé dans certains discours politiques.

Objectifgard : Comment peut-on lutter contre le terrorisme selon vous ? 

Abdallah Zekri : C'est très difficile. A mon niveau, je pense que les responsables religieux devraient créer un site internet pour livrer des messages.

Au niveau législatif, j'entends parler de déchéance de nationalité : c'est stupide ! Ces jeunes sont nés en France, ont grandi ici. Ils n'ont qu'une nationalité. On va les mettre où si on leur enlève leur nationalité ? Le conseil constitutionnel ne l'acceptera jamais alors arrêtons de jouer sur ce terrain là.

Le véritable problème aujourd'hui, c'est de savoir ce que l'on va faire d'eux. Certains sont partis combattre le régime de Bachar-Al-Assad en Syrie et se retrouvent entre les mains des islamistes. D'autres pourraient très bien demander à rentrer en s'excusant et perpétrer des attentats sur notre sol. Le sujet est complexe, je pense qu'il faut l'étudier au cas par cas. La police sait le faire. Je lui rends d'ailleurs hommage pour son efficacité et son dévouement.

Propos recueillis par Coralie Mollaret

Coralie Mollaret

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