Publié il y a 21 jours - Mise à jour le 22.08.2024 - François Desmeures - 3 min  - vu 3287 fois

FAIT DU JOUR Au Vigan, la commune veut assurer la pérennité d'un fonds religieux d'où émerge "L'Encyclopédie"

L'une des pages de gravure de "L'Encyclopédie" admirée par Denis Sauveplane, Camille Haumont et Éric Poujade

- François Desmeures

La commune du Vigan est propriétaire, depuis 1995, d'un fonds littéraire, principalement religieux, dont la moitié est antérieur au XVIIIe siècle. Sans qu'on sache vraiment comment, une première édition complète de L'Encyclopédie de Diderot et D'Alembert fait partie des 1 200 ouvrages. La municipalité évalue actuellement l'état sanitaire de la collection et souhaite, à terme, rendre les ouvrages disponibles aux chercheurs, voire même exposer les tomes de planches de L'Encyclopédie. Un projet au long cours. 

L'une des pages de gravure de "L'Encyclopédie" admirée par Denis Sauveplane, Camille Haumont et Éric Poujade • François Desmeures

Sous la lampe de poche de Camille Haumont, quelques moisissures apparaissent, mais peu au final. La restauratrice et conservatrice du patrimoine se sert d'un long coton-tige pour effectuer un prélèvement afin d'analyser la nature du spore. Entourés d'armoires de livres anciens, dans la salle du conseil municipal du Vigan, deux élus et la chargée de mission d'Occitanie Livre et Lecture n'en perdent pas une miette. 

Camille Haumont effectue un prélèvement pour analyse de la moisissure • François Desmeures

Mardi 20 août, les conseillers municipaux Denis Sauveplane (délégué à la culture) et Éric Poujade attendaient impatiemment Camille Haumont, donc, restauratrice de la société Page à Page, et Blandine Delhaye, chargée de mission coopération entre bibliothèques et patrimoine écrit dans la structure publique Occitanie Livre et Lecture. Deux expertes souhaitées pour se pencher sur un fonds documentaire littéraire de 1 200 ouvrages et en révéler l'état sanitaire. 

Blandine Delhaye (à gauche) et Camille Haumont entourent Denis Sauveplane devant l'une des bibliothèques qui contient les ouvrages du fonds • François Desmeures

"Le fonds provient de deux pasteurs du Vigan de la fin du XIXe siècle, de la famille Colombier, explique Éric Poujade, par ailleurs professeur d'histoire. Il a été constitué par des dons et des achats." La commune l'a finalement acquis en 1995, dans une sorte d'accord à l'amiable avec l'église protestante, pour aider au financement de la restauration du temple. 

Camille Haumont donne un premier coup d'oeil aux livres, dans la salle du conseil municipal • François Desmeures

La majeure partie du fonds est constituée de textes religieux : bibles et nouveaux testaments, épîtres et histoire "des trois premiers siècles", etc. "À la fois catholiques et protestants, précise Éric Poujade. Avec, d'ailleurs, une représentation de toutes les branches du protestantisme." Et, au milieu, surgissent les tomes de L'Encyclopédie, dont les dix derniers furent édités en 1765, date de l'édition de l'exemplaire possédé par la commune. "On ne sait pas d'où elle vient", commente l'élu viganais. 

François Desmeures

Outre cette pépite, les livres les plus anciens datent de la seconde moitié du XVIe siècle, la moitié est antérieure au XVIIIe siècle. "Maintenant, il s'agit de sauver la collection, de la stocker, de la conserver, et de la rendre accessible aux chercheurs." On en est encore loin, même si les deux expertes dépêchées mardi ne montrent pas une grande inquiétude sur l'état sanitaire des ouvrages. Un nettoyage s'impose, un stockage sécurisé, mais l'alerte n'est pas nécessaire. 

"Il n'y a pas de précipitation à restaurer, l'intégrité physique des ouvrages est respectée"

Camille Haumont, conservatrice et restauratrice du patrimoine

"Depuis deux ans, on a carte blanche pour faire... ce qu'on peut", sourit Denis Sauveplane. Car le souhait d'exposer L'Encyclopédie au troisième étage du château d'Assas semble déjà avoir fait long feu, en raison du coût des travaux nécessaires aux rénovations. En vendant le fonds, la société protestante avait demandé qu'il soit conservé au musée Cévenol. Mais les conditions ne sont pas réunies, la proximité de l'Arre reste peu conseillée pour la conservation des documents. Et le musée a, lui aussi, besoin de travaux. La médiathèque du Pays viganais, au deuxième étage du château d'Assas, semble la plus indiquée à conserver les 1 200 ouvrages. 

Les deux expertes sur l'un des ouvrages les plus abîmés • François Desmeures

Mais depuis 30 ans, ceux-ci restent dans la salle du conseil municipal et ses coulisses, répartis dans en peu moins de dix armoires, partiellement à l'abri de la lumière. "On pense tout de suite à la restauration des documents, mais ça coûte beaucoup d'argent, annonce préalablement Camille Haumont aux deux élus. Il faut d'abord les stocker dans un bâtiment où on peut gérer le climat, l'apport de lumière, qui altère les supports de façon irréversible. On évalue tous les risques extérieurs avant d'arriver à l'objet." 

L'état actuel du troisième étage du château d'Assas, loin de recevoir "L'Encyclopédie" • François Desmeures

Blandine Delhaye insiste : il faut avant tout effectuer un récolement précis des ouvrages, alors que 742 côtes existent bien sur un inventaire papier dont l'original a été égaré, mais que 1 200 livres habitent les étagères des bibliothèques. D'autant que Camille Haumont rassure rapidement les élus. "Il n'y a pas de précipitation à restaurer, l'intégrité physique des ouvrages est respectée. Le document est sec, poursuit-elle en ouvrant un tome de gravures de L'Encyclopédie, les moisissures ne peuvent pas se développer." Un petit aspirateur mécanique professionnel semble être la solution la plus urgente ainsi que la formation de deux personnes, au moins, à son utilisation.

"Les Oeuvres de Platon" côtoient "La Vie des Saints" • François Desmeures

Autre urgence, le stockage, notamment des éditions les plus prestigieuses comme L'Encyclopédie, dans des boîtes adaptées. En attendant mieux. Avant même que le fonds soit bien connu, "on a déjà une quinzaine de demandes de consultation par an de la part de chercheurs", relate Éric Poujade. Mais, même si vient une aide de la DRAC lors de certaines étapes, il faudra encore un certain temps avant que le fonds puisse être réellement étudié, et éventuellement dévoilé au public. "Nous n'avions pas réalisé que c'est le fonds entier qui présente de l'intérêt", partage Denis Sauveplane avec les deux expertes. Qui ne l'ont pas contredit. 

Des tomes de "L'Encyclopédie" • François Desmeures

François Desmeures

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