Publié il y a 10 h - Mise à jour le 03.03.2025 - Erwan Robert et Romain Fiore - 4 min  - vu 408 fois

FAIT DU JOUR Interdiction des puffs jetables : buralistes, marché parallèle, quelles conséquences ?

Vendre ou d'offrir gratuitement des puffs jetables est désormais interdit.

- Image d'illustration

Les cigarettes électroniques jetables dites « puffs » ont été officiellement interdites depuis le mardi 25 février, sur fond de dépendance à la nicotine. Les buralistes vont devoir appliquer la loi.

L’usage de la puff dans le Gard va-t-il s’essouffler ? C’est une probabilité depuis l’interdiction de la mise en vente de ces cigarettes électroniques jetables. Cette décision vient de rentrer en vigueur, après l’adoption unanime du texte de loi au Sénat, le 13 février dernier. « Sont interdites la détention en vue de la vente, de la distribution ou de l'offre à titre gratuit, la mise en vente, la vente, la distribution ou l'offre à titre gratuit des dispositifs électroniques de vapotage (...) qui sont préremplis avec un liquide et ne peuvent être remplis à nouveau, qu'ils disposent ou non d'une batterie rechargeable », peut-on lire. Tendance chez les adolescents, les puffs jetables représentent un danger de santé public car elles rendraient les consommateurs, parfois très jeunes, dépendants à la nicotine. Chez un buraliste bagnolais, l’un des deux vendeurs ne s’affole pas et compte jouer le jeu : « On n’a plus le droit d’en vendre donc on attend de voir si les commerciaux les reprennent ou nous proposent autre chose à la place. Les gens vont partir sur les rechargeables. » Comme indiqué, les batteries rechargeables pourront toujours être achetées.

puffs-batterie rechargeables
Les batteries rechargeables de puffs seront toujours accessibles chez les buralistes. • E.R

« C’est une victoire »

Alors que le dispositif de vapotage à usage unique est prohibé, comment s’adaptent les vendeurs de cigarettes électroniques qui réalisent aussi leur chiffre avec ces produits attractifs pour la jeunesse ? Dans son commerce R-Concept, également à Bagnols-sur-Cèze, Gérard Champey considère que c’est une bonne décision et s’en explique : « Il y a eu une prise de conscience de la part des fabricants du monde de la vap’ », en reconnaissant « une facilité d’utilisation et une saveur qui est présente et séduisante. » Spécialisé dans la vente de cigarettes électroniques depuis plus de dix ans, le gérant souhaite aussi alerter sur l’accès à ses produits considérés comme néfastes pour la santé : « C’est une victoire. Cela évitera de rendre accessible les puffs au grand public. Il ne fallait pas la mettre au même niveau qu’un produit de consommation, car cela créé des dépendances. » Autre raison avancée pour interdire les puffs : le motif environnemental. Celles-ci sont constituées de plastique et contiennent une batterie au lithium non recyclable, devenant polluante. 

puffs jetables interdites
Un exemple de puffs autorisées à la vente.  • E.R

« C’est quelque chose que l’on nous enlève et que l'on vendait bien »

Contacté par nos soins, la présidente des buralistes du Gard est moins d’enthousiaste et reste sur ses gardes : « Je ne considère pas que c’est une bonne décision, car c’est quelque chose que l’on nous enlève et que l’on vendait bien, mais on doit se plier aux directives. » Pour que le message passe mieux, Ghislaine Mezoyer a misé sur la prévention : « Il faut que les clients s’y habituent. J’ai expliqué aux clients que nous avions un système aujourd’hui, pareil que la puff, que l’on recharge. En revanche, on ne veut pas en trouver ailleurs et les commander. Là, on ne sera pas d’accord », prévient-elle d’un ton ferme.

Sachant que l’accès à ces gadgets récréatifs s’est démocratisé : « Malheureusement dans mon commerce, quand il y avait des puffs, des jeunes me disaient : "Tu ne peux pas m’en vendre, mais je peux en trouver ailleurs, ne t’inquiète pas". Des jeunes ne fumaient pas de cigarette, mais ils ont commencé avec la puff. » 

cigarette électronique et puff
Les puffs et les cigarettes électroniques attirent par leurs goûts fruités et leur facilité de consommation. 

Dans cette interdiction des puffs jetables en France, c’est aussi tout un marché parallèle économique qui est affecté. Les buralistes comme les jeunes vont devoir s’adapter à cette nouvelle interdiction. Régulièrement consommés par les mineurs et les 18-25 ans, les puffs jetables sont devenus un effet de mode considérable qui a touché tous les collèges et lycées. Ces jeunes qui pouvaient se procurer des puffs dans les tabacs du coin ou sur les réseaux sociaux vont devoir désormais passer par un marché auxiliaire. 

Un vrai marché parallèle 

C’est le cas de Théo*, 15 ans, collégien scolarisé sur l’agglomération alésienne, qui est un consommateur depuis un an et demi de puff jetable ou rechargeable. S’il utilise les puffs depuis l’avènement et l’effet de mode du produit, le collégien s’est lancé depuis quelques mois dans la vente de puff aux particuliers par ses propres moyens. « Je me fournis dans deux épiceries sur Alès qui me font des tarifs moins chers car je prends en plus grosse quantité. Je revends principalement sur les applications Snapchat et Instagram où j’ai créé des comptes dédiés à la revente. » Si le collégien se forme une clientèle principalement via ses amis ou grâce au bouche-à-oreille, il attire plus large avec des jeunes pouvant aller de 13 ans jusqu’à 25 ans. 

« J’achète pour 170 € de commande les 20 puffs, ça me fait la puff à 8 € l’unité, et je les revends 15 € en moyenne. Je fais 130 € de bénéfice par mois. Ça me permet de me payer mes loisirs, comme aller manger au restaurant, au fast-food, m'acheter des habits ou aller voir des matchs de foot », avoue le collégien. Concernant l’interdiction qui est entrée en vigueur ce mardi 25 février, il était au courant, mais avoue que certains continueront à en vendre, lui y compris, même s’il connaît les risques. « C’est quand même bien qu’ils aient passé la loi, car c’était un vrai fléau chez les plus jeunes. C’est beaucoup mieux pour le futur et ce n'était pas bon pour la santé et l’image », concède Théo qui souhaite arrêter d’en consommer très prochainement. 

cigarette électronique
La cigarette électronique : une alternative ? 

Du côté des tabacs, c’était encore le flou le jour même de la mise en vigueur de la loi. Au Bistrot des copains situé sur la commune de Méjannes-lès-Alès au bord de la D981, c’est le moment de tout écouler. « On va finir ce qu’on avait en stock. Sinon il y a déjà certains fabricants qui nous les reprennent, et après c’est uniquement des puffs rechargeables qu’on va vendre, avance le gérant du bar-tabac. On avait anticipé que la loi allait prochainement passer, donc on n'avait pas acheté un stock en grande quantité, on a plutôt misé sur des rechargeables. »

Concernant ce marché parallèle sur les réseaux sociaux, le commerçant avoue faire face à une sacrée concurrence, « d’autant plus qu’ils vendent en général des puffs interdites, car elles ont un taux de nicotine trop élevé. Nous les buralistes, on n'a pas le droit d’en vendre avec un taux trop haut. » Étant situé au bord d’une départementale quasi uniquement accessible en voiture, le tabac n’a en conséquence que très peu de mineur dans sa clientèle, mais il a pu constater que le produit était aussi demandé par des adultes. 

*Le prénom a été modifié

Erwan Robert et Romain Fiore

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