SAINT-FÉLIX-DE-PALLIÈRES Malgré les travaux, la mine crache toujours autant de pollution
Alors que des appels ont été interjetés par Umicore contre la décision de justice qui condamne l'entreprise à exécuter des travaux de protection contre la pollution qu'elle a laissée, des analyses d'eau montrent que les espaces envisagés pour les travaux sont largement insuffisants au regard de l'étendue de la pollution. L'association ADAMVM, qui agit pour documenter et faire connaître la situation, tient son assemblée générale ce samedi. Elle constate que le confinement du crassier qui a été effectué, s'il imperméabilise celui-ci, n'a pas d'effet sur les eaux du ruisseau Aigues-Mortes qui partent au Gardon.
Une pollution qui n'en finit pas de se diffuser. Les années passent et le constat reste quasiment le même pour l'association pour la dépollution des anciennes mines de la Vieille montagne (ADAMVM), à Saint-Félix-de-Pallières, qui tente d'obtenir réparation environnementale et sanitaire de ceux qui ont tiré profit de la mine fermée en 1970. Un travail qui, faute de moyens et de temps disponible, est désormais consacré à l'information des citoyens.
Pour cela, l'association peut notamment s'appuyer sur l'expertise géologique d'André Charrière qui mène régulièrement, sur le terrain, étudiants ou encore scientifiques, qui ne peuvent que constater la pollution. Dont l'incidence est bien plus large que les seuls sites que doit traiter Umicore. "L'entreprise a été condamnée à exécuter des travaux sur quatre dépôts, détaille André Charrière : la digue, la Gravouillère, les Issarts et la zone du puits O de la mine Joseph." Ceci après avoir "sécurisé" le puits n°1, en bloquant ses accès. "Umicore a systématiquement interjeté appel."
Le coffrage du puits n°1, au niveau de la ligne de partage des eaux, a donc été achevé cet hiver. "C'est avant tout pour empêcher que les gens tombent, résume André Charrière. Quand avait lieu un pompage des eaux de la mine, elles sortaient ici." L'association aurait souhaité effectuer un prélèvement des eaux de profondeur avant la fermeture du coffrage. Mais ça na pas été possible, Umicore a rebouché les 80 mètres de chute avant un prélèvement.
"Comme dans toute forme d'exploitation, les cailloux sont balancés et laissés sur la plate-forme." Pour André Charrière, les zones prises en compte pour d'éventuels travaux couvrent une surface largement inférieure à la zone polluée. "Au départ, Géodéris devait protéger tout cet espace, explique André Charrière - en montrant l'ensemble de la plate-forme qui comprend les puits 0 et 1, ainsi que les Issarts - pour en empêcher l'accès. Au final, ça se limite au puits Issarts." Les Issarts, l'hypothèse veut que ce soit un ancien puits, signalé comme étant "90 mètres plus au sud que le puits n°1".
Sauf que, tout autour, le sol regorge de "fines de laverie, des résidus finaux ultra-toxiques, à la charge minérale hyper concentrée, plus des produits de traitement comme le cyanure de sodium, notamment. La plate-forme représente le début de l'exploitation. Ici, c'est le produit final après laverie", résume André Charrière. "On craint qu'ils ne protègent qu'ici, les Issarts. Or, la zone prise en considération est trop restreinte", inisiste Hélène Le Gallic, présidente d'ADAMVM, tout en faisant remarquer que les flaques d'eau à la couleur cuivrée subsistent même en pein été, même en pleine sécherese.
Entre 22 et 78 000 fois la norme en zinc
"D'autant qu'on trouve un autre cercle, poursuit André Charrière, pile 90 mètres plus au sud que le puits n°1. Est-ce celui-ci qui a été comblé, ou un autre ?" Ce cercle est appelé puits 0. Pour l'association, il faut a minima revenir à la solution de protection qui vise à grillager tout l'espace. D'autant que les analyses de sol, comparées aux normes référencées dans le rapport d'expertise judiciaire Duparc, de 2019, sont effrayantes sur la zone : entre 5 fois et 1126 fois le seuil de cadmium réglementaire, selon la zone de prélèvement ; entre 9 et 650 fois le seuil de plomb ; entre 22 et 78 000 fois la norme en zinc ; ou, encore, entre 9 et 270 fois le seuil en matière d'arsenic.
"Un système de filtration des eaux pourrait aussi exister", avance André Charrière. Avant que celles-ci ne partent vers le ruisseau de Paleyrolle, puis celui de l'Ourne, pour finir dans le Gardon d'Anduze, à proximité du pompage d'eau potable de Boisset-et-Gaujac...
Côté crassier, la digue de confinement, achevée en novembre 2021, n'a pas changé grand chose au niveau de pollution des eaux qui partent vers le ruisseau bien nommé Aigues-Mortes. "Avant, sous les trente mètres de fines de lavoir, il y avait un tuyau qui récoltait l'eau au point bas. Les analyses donnaient alors une acidité de PH 2, de la même qualité qu'à la mine Joseph." Dans son rapport de juillet 2023, l'entreprise Minelis concluait, à propos de la digue : "Les variations de qualité des eaux de surface et des sédiments semblent liées aux conditions climatiques de la région qui entraînent des changements soudains de régime hydrologique des cours d’eau". En clair, si l'eau est fortement tombée, la pollution est plus diluée.
Quand on ne cherche pas, on ne trouve pas...
Enfin, André Charrière rit jaune quand il se penche sur les analyses réalisées par Minelis sur la source du Bijournet, à l'ouest de la digue, qui s'écoule jusqu'à la Salendrinque. "Les travaux de réalisation de confinement de la digue, écrit Minelis, n'ont pas impacté la qualité des eaux de la source du Bijournet". Une qualité bien plus que médiocre à la base, d'où le sourire d'André Charrière. Car si les données concernant le cadmium ou l'arsenic sont corrects, "il n'y a aucun chiffre de la teneur en plomb, aucun chiffre sur le zinc..." Or, des analyses de 2017 montrent des dépassements importants en matière de cuivre, de manganèse, de fer, de cobalt, de nickel, ou encore d'uranium. Autant de matières à côté desquelles l'analyse de Minelis est passée.
"À la suite de la décision de justice, la préfecture a dit qu'elle ferait des analyses. Minelis doit en faire pendant trois ans", relève Hélène Le Gallic qui attend, en tant que présidente d'ADAMVM, la tenue d'un nouveau conseil de surveillace et d'information (CSI) de la part de la préfecture : le dernier a eu lieu en juillet 2023, après celui de mars 2022. Or, la préfecture s'était engagée à en organiser un tous les six mois, avec une intention pour novembre dernier. Mais il ne s'est jamais tenu.
L'association en parlera ce samedi après-midi, à 16h, à la salle communale de Saint-Félix. Elle souhaite continuer à diffuser de l'information auprès des populations sur les 43 hectares de dépôts miniers qu'accueille la commune, à assurer la veille sanitaire des lieux, tout en concentrant une partie de ses efforts sur la mine de Durfort, sur laquelle aucune information n'est diffusée. Et reste, évidemment, très attentive à la décision de la cour de cassation qui doit confirmer, ou pas, si l'État peut mettre en demeure l'entreprise de s'occuper des déchets qu'elle a laissés.
En fin d'assemblée générale, un fim-documentaire de Bernard Richard sur la lutte citoyenne autour de la mine sera diffusé.