Publié il y a 3 h - Mise à jour le 14.03.2025 - Thierry Allard - 3 min  - vu 72 fois

UZÈS Polluants éternels : « la position attentiste est inacceptable »

Jeudi soir, lors de la conférence sur les PFAS, à Uzès

- Thierry Allard

Une conférence sur les polluants éternels, et plus particulièrement le TFA, l’acide trifluoroacétique, produit à l’usine Solvay de Salindres, était organisée ce jeudi soir à Uzès par l’association Sorève, en partenariat avec Générations futures et le collectif Gard-eau-PFAS.

Les polluants éternels, aussi appelés PFAS, font régulièrement la Une de l’actualité, notamment locale. Et si on en parle, c’est aussi parce que Générations futures, ONG qui promeut les alternatives aux pesticides et aux polluants chimiques, a conduit des analyses dans le Gard, autour de l’usine Solvay de Salindres. Car dans cette usine, on produit de l’acide trifluoroacétique (TFA), utilisé dans l’industrie pharmaceutique et comme métabolite dans certains pesticides.

Et on en retrouve dans l’eau : ainsi, de septembre 2023 à juillet 2024, Générations futures a conduit des prélèvements dans l’eau à la sortie de l’usine de Salindres, et dans l’Arias, l’Avène et le Gardon. Et à la sortie de l’usine, 7 600 microgrammes de TFA par litre ont été découverts, « ce qui est énorme », commente Michel Tachon, de Générations futures. La valeur pour l’Arias est de 7 500 microgrammes par litre, et 3 900 microgrammes par litre dans l’Avène. Et dans l’eau du robinet, Générations futures a compté 18 microgrammes par litre à Moussac et 19 microgrammes par litre à Boucoiran-et-Nozières, alors que « le ministère de la Santé recommande de ne pas dépasser 10 microgrammes par litre », précise-t-il, tout en ajoutant que si la France ne dispose pas encore de valeurs sur les TFA dans l’eau du robinet, « elle prévoit de s’aligner sur les valeurs allemandes, de 60 microgrammes par litre. »

Si Générations futures a conduit ses propres analyses, c’est que « le TFA n’est pas analysé dans les forages d’eau potable », regrette Michel Tachon. En tout cas, il ne l’était pas en 2024 : « fin janvier 2025, surprise, l’Agence régionale de la santé a décidé de mener des analyses sur le TFA », retrace-t-il. Et l’ARS va détecter 37 microgrammes par litre dans l’eau du forage de Maisonnette à Moussac, « deux fois plus que ce qu’on avait trouvé ! », commente Michel Tachon. L’e long du Gardon, l'ARS en a détecté 25 microgrammes par litre dans le forage de la Grotte de Pâques, à Collias, ou encore 23 microgrammes par litre dans les eaux du forage du puits de la Gare, à Vézénobres. Cependant, « ils considèrent que ce n’est pas grave, car inférieur aux 60 microgrammes par litre », souffle-t-il.

Alors Générations futures et le collectif Gard-eau-PFAS interpellent à nouveau les pouvoirs publics. Car si la loi a changé sur les PFAS, les opposants veulent que la norme pressentie à 60 microgrammes par litre soit abaissée, et que le principe de pollueur-payeur soit appliqué pour mener les coûteuses démarches nécessaires à la dépollution de l’eau. Une pétition a été mise en ligne pour faire bouger les choses, car « la position attentiste est inacceptable pour nous », tonne Michel Tachon.

Un impact sur la santé ?

Si Générations futures se mobilise sur ce sujet, c’est que « sur l’impact sur la santé humaine, il y a beaucoup d’incertitudes, mais des études montrent que le TFA est toxique pour la reproduction », avance Michel Tachon, avant d’évoquer « un cluster de malades autour de Salindres », touchés par le glioblastome, une tumeur au cerveau. Les conséquences pour la santé inquiètent aussi des salariés de Solvay à Salindres, dont un opérateur de fabrication, Sophian Hanous, a écrit un texte lu jeudi soir. « Nous sommes quotidiennement exposés aux PFAS, nous sommes parmi les plus exposés, écrit-il. Mes collègues qui ont eu un enfant avec un problème de santé ou des fausses couches doivent savoir si c’est à cause de cette exposition. »

« Les PFAS passent dans le sang, et restent dans l’organisme très longtemps », affirme le directeur de recherches retraité du CNRS Laurent Emorine. Et d’après lui, qui s’appuie sur plusieurs études, c’est aussi le cas des PFAS à chaîne courte comme le TFA, pourtant censés être inoffensifs : « quelle que soit la longueur de la chaîne il peut y avoir un détournement, une inhibition du système de transport des anions, avec une intoxication rénale, hépatique ou sanguine », affirme-t-il. Les PFAS « dérèglent le glutathion, un des moyens de défense de l’organisme contre le vieillissement des cellules, donc contre le cancer », poursuit-il.

Pour lui, les cas de glioblastomes autour de Salindres pourraient être « en rapport avec l’exposition massive et quotidienne aux TFA et TA (l’acide triflique, ndlr) depuis plus de 40 ans. » Après avoir cité deux études scientifiques, Laurent Emorine affirme que les résultats « tendent à remettre en cause la prétendue innocuité des PFAS à chaîne courte comme les TFA et les TA. »

Alors Générations futures et le collectif Gard-eau-PFAS ne comptent pas lâcher l’affaire. « La loi votée en février est pour nous une première victoire, mais nous sommes au début d’une longue histoire », estime Michel Tachon.

Thierry Allard

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