ALÈS/NÎMES Cocktails de médicaments dans la sauce roquefort et viol : la victime pardonne à son agresseur
Tisane aux anxiolytiques et à l’hypnotique… Abusée par un ami cuisinier, une Gardoise porte plainte avant de revenir sur sa décision. Très croyante, elle lui accorde son pardon mais la justice décide de le poursuivre aux assises.
Un homme comparaît à partir de ce jeudi matin pour ''viol'' devant la cour d’assises du Gard. Un dossier pénal dénoncé par une femme victime qui, après avoir déposé plainte, n’a plus voulu témoigner. Elle a même retiré sa plainte et ne veut plus accabler son ancien compagnon de clergé. Elle n’a plus répondu aux convocations de la police et du juge d’instruction. Pourtant, son compagnon d’un soir est renvoyé devant les jurés gardois et risque jusqu’à 20 ans de réclusion.
Le dossier prend son origine le 19 février 2019. Si cette femme rencontre Thierry (*), 55 ans, au domicile alésien de ce dernier, c’est pour une noble cause : faire de l’apostolat. Une activité qui consiste à parler de religion catholique et essayer de convaincre une dame de confession musulmane de rejoindre l’assemblée de Jésus-Christ. Entre boisson et cannabis pour madame, le cuisinier et Élisa (*) parlent longuement de la religion catholique. Des paroles, des convictions dans la foi. Mais lorsque la troisième personne quitte la pièce, les deux amis sont face à face et la soirée débute autour d’un bon plat de poisson.
Une sauce roquefort qui va l’endormir
Un bon plat, vraiment ? Car ce cuisinier qui œuvre au sein d'une institution d’Alès concocte ce soir-là chez lui, une savoureuse sauce au roquefort en un tournemain. Mais sa commensale ignore les ingrédients utilisés à son insu. Du merlu à la sauce roquefort avec des médicaments écrasés au milieu : voilà le repas concocté par le maître queux puis ingurgité par la victime, qui aura également droit, en guise de digestif, à une tisane médicamenteuse à base de deux anxiolytiques et d’un hypnotique. L’homme ne se souvient pas du nombre de cachets utilisés pour l’occasion. Il a également beaucoup bu de vin mais lui n’a pas ingurgité de drogue et de médicaments.
Très rapidement, en guise de digestion, madame se sent mal, elle vomit, n’est plus dans son état normal. Il était prévu qu’elle dorme chez cet ami après la conversation évangélique, mais la rencontre va déraper. D’ailleurs, le mis en cause va dans le premier temps de sa garde à vue bien définir les circonstances de la survenue du rapport sexuel. Selon lui, son invitée était « consciente, mais dans un état second », comme « euphorique », dira-t-il aux enquêteurs. Sauf que la victime ne se souvient de rien. Elle constate le lendemain qu’elle a des ecchymoses au niveau des cuisses. Elle se sent mal, vaseuse, comme si elle avait été droguée. Son ami ne lui révèle rien et lui cache ce qui lui a fait perdre pied.
Déjà un viol similaire cinq ans avant ?
Cette femme va déposer plainte quelque jours plus tard après que son ami lui a avoué la vérité et la dérive lors de cette soirée. Elle affirme aux enquêteurs que cinq ans auparavant, elle avait déjà été violée par le même homme mais qu'elle lui avait pardonné. À l’époque, il avait utilisé des médicaments qui avaient endormi madame.
Mais ce coup-ci, elle veut porter plainte et dénonce donc les faits après avoir pris conseil auprès d’un curé qui dénonce les mœurs légères du mis en cause qu’il connaît. Une brebis égarée, selon lui. Un abus sexuel qui sera d’ailleurs avoué par le quinquagénaire, divorcé depuis plusieurs années.
La victime pardonne et retire sa plainte
Mais rapidement, en novembre 2019, la victime ne répond plus aux convocations de la justice, ni de la police, et refuse de rencontrer un expert psychiatre après cette agression. Elle retire même sa plainte à ce moment-là, en évoquant le « pardon » que l’on doit aux autres. Elle affirme lors du dernier contact avec les autorités que son copain a eu moment de faiblesse, mais qu’il « n’était ni violent ni méchant ». Le mis en examen, fort du revirement de la partie civile, estime par la suite n’avoir commis aucune violence, contrainte physique ou morale. Il considère même que, ce soir-là, madame avait exprimé du désir lors de la relation charnelle.
Pour la justice, il y a viol
La justice fait une lecture différente de l'examen de la situation puisque l’absorption de substances médicamenteuses combinée au cocktail explosif alcool et stupéfiants aurait rendu impossible le consentement éclairé de madame à cet acte sexuel. De plus, l’homme a reconnu dans ses premières auditions avoir totalement dérapé.
Un mis en examen qui n’était pas connu de la justice avant ce viol et qui a été placé en détention préventive de début janvier 2020, date de son interpellation par les enquêteurs, à la fin de cette année 2020. Une année de détention avant de retrouver la liberté sous contrôle judiciaire. Depuis maintenant plus de deux ans, cet homme est sous contrôle judiciaire. Un homme décrit unanimement par son entourage amical et familial comme « gentil » et « serviable ». « Un homme qui aime courtiser les plus démunis et les plus fragiles, qui n’a aucun ami », selon une source proche de l’enquête. Son employeur estime pour sa part que le cuisinier avait un rapport aux autres difficile, avec peu de souplesse et même des relations conflictuelles dans le cadre du travail.
Aucun antécédent judiciaire
« À 55 ans il va se présenter devant ses juges sans aucun casier judiciaire. Il n’a jamais fait parler de lui en termes de délinquance ou de criminalité », affirme maître Baptiste Scherrer, conseil du quinquagénaire impliqué. « Je déplore que la plaignante ne se soit jamais présentée devant un juge. Elle dépose une plainte, la retire, mais l’enquête, elle, se poursuit et nous n’avons dans ce dossier que les déclarations de mon client. Elle déclenche les foudres judiciaires en sachant pertinemment que même si elle retire sa plainte, l’enquête elle va continuer. J’espère que cette dame se présentera à l’audience des assises », ajoute le pénaliste nîmois. Les jurés gardois rendront leur verdict vendredi 14 avril.
Encadré
Un violeur avec un ADN féminin
C’est un homme qui va se présenter devant la cour d’assises du Gard, avec tous les attributs de son genre mais avec un ADN... féminin. Un ADN qui a tellement surpris les enquêteurs en charge de ce dossier de viol qu’ils ont demandé une seconde expertise scientifique car, en effet, comment imaginer qu’un homme soupçonné de viol puisse être doté d’un ADN féminin ? Et bien la réponse est scientifique et il ne s’agit que d’un problème génétique, rare, mais possible. On peut avoir des chromosomes féminins et avoir un corps d’homme.
(*) Les prénoms ont été modifiés