ASSISES La guerre des trafiquants à l’origine de la mort d’un adolescent
9 accusés devant la cour d'Assises du Gard, à partir de ce lundi matin. Un jeune de 17 ans est mort après une fusillade dans un quartier nîmois.
Il venait de fêter ses 17 ans. Abdelkader a été la victime d’une guerre sans merci à laquelle se livre les trafiquants de drogue pour imposer aux « concurrents » la loi du plus fort, mais aussi pour terroriser l’adversaire sur les points de deal. Neuf personnes sont jugées à partir de ce lundi 24 juin et pour toute la semaine devant la cour d’Assises du Gard. Ce meurtre est précurseur de la sanglante guérilla que se livrent les trafiquants nîmois depuis plus années dans les quartiers populaires nîmois.
Un adolescent tué en revenant du lycée
Le drame s’est noué en janvier 2021. Une Clio fait vrombir son moteur en arrivant au quartier du Mas de Mingue à Nîmes. À hauteur de l’avenue Monseigneur Claverie, elle ralentit. Le conducteur a le visage caché, le passager avant ouvre la vitre et une arme apparaît. Des coups retentissent alors que le véhicule suspect ne s’arrête à aucun moment. Une dizaine de tirs sont entendus. Un jeune, blessé au mollet, n’est que légèrement atteint. Son copain, avec qui il discutait près du bar du Diplomate s’écroule. Il est très grièvement atteint par une balle et décèdera quelques instants plus tard. Ce 25 janvier 2021, dans la nuit c’est la consternation. Abdelkader, qui venait de fêter ses 17 ans quelques jours auparavant est victime des règlements de compte liés aux stupéfiants.
Le début d’un engrenage tragique qui ne s’arrêtera plus. Une véritable guérilla qui ne va que s’amplifier dans les mois et les années suivantes. Avec des nombreux blessés, des morts dans tous les quartiers sensibles nîmois, mais aussi des tragédies avec des victimes collatérales qui étaient « au mauvais endroit au mauvais moment », comme le dira le copain de la victime tuée au Mas de Mingue ce soir d’hiver 2021 : « Il tirait dans le tas » !
Un conflit entre deux familles en toile de fond
« Il s’agissait en 2021 des prémices de ceux que nous connaissons aujourd’hui, avec la guerre entre différents clans de Nîmes et l’arrivée des Marseillais », souligne une source très bien renseignée dans le monde des stupéfiants. « À cette époque-là, il y avait un vrai conflit entre plusieurs frères qui tenaient les points de deal du Chemin d’Avignon et une autre fratrie du mas de Mingue. Des clans qui se connaissent et qui travaillaient ensemble jusqu’en mars 2020, date d’un carottage avec des trafiquants qui se sont sentis bernés, volés par leurs copains ...», affirme le même témoin. « À cette époque, les dirigeants du Chemin bas ont appelé à la rescousse des Marseillais pour lutter contre le Mas de Mingue, et c’est comme ça que le loup marseillais est entré dans la bergerie nîmoise », complète-t-il. Depuis les interpellations et enquêtes de la police ont permis de placer en détention de nombreux caïds… Des « anciens », des « chefs » qui essaient de garder le monopole mais qui sont contrés par de jeunes ambitieux originaires du quartier ou d’ailleurs, qui veulent eux-aussi se faire une place de choix dans le trafic. « Si l’on rajoute les marseillais qui se sont rendus compte que les stups rapportaient beaucoup à Nîmes, vous avez les ingrédients de la guerre actuelle », complète une source judiciaire.
Après le meurtre du quartier du mas de Mingue, les investigations commencent avec la recherche de la voiture suspecte qui a véhiculé les auteurs du crime, la fameuse Clio. Elle a été volée quelques jours avant au quartier du Bruèges à Alès et elle est retrouvée quelques minutes après les tirs mortels du 25 janvier au mas de Mingue, alors qu’elle circule à très vive allure au chemin de l’aérodrome de Courbessac. Ce véhicule sera calciné à cet endroit. Mais les caméras de vidéo de la ville repèrent dans le même laps de temps et dans le même secteur, une autre automobile, une Mégane. Cette voiture, également volée, quitte le chemin de l’aérodrome. C’est elle qui sera le fil conducteur de l’enquête. Elle tourne au Chemin bas. Une fois retrouvée, elle permettra d’isoler des ADN de plusieurs hommes originaires du Chemin bas et impliqués judiciairement dans le dossier de meurtre de l’adolescent et d’association de malfaiteurs.
Une clef USB pirate avec les voix des trafiquants
Un coup de théâtre relance l’enquête le 7 février 2022. Une clef USB qui est en fait un micro miniature se déclenchant à la voix, va être transmise aux autorités. Elle est remise par un dirigeant supposé du trafic et incrimine de nombreuses personnes connues pour le trafic de drogue au Chemin bas. Parmi les personnes renvoyées aux assises pour la mort d’Abdelkader, il y a de nombreuses voix reconnues sur cette clef. Des surnoms sont évoqués, « le Casté », « le Parigo », « Zak », « Chefard » ou encore « Bourriquet » ou « Bouchon".
Le procès d'Assises est prevu toute la semaine.
*Cet article est largement inspiré d’un papier diffusé et publié en mars 2024 dans le magazine Objectif Gard.