JUSTICE Accident avec un mort et une victime handicapée à 90 % : 6 ans de prison pour le chauffard alcoolisé et sous stupéfiants
Il est arrivé libre au tribunal et il n'avait jamais effectué un jour de détention pour cet accident mortel. Plus de quatre ans après les faits, ce mardi 5 novembre, le retraité est parti en prison pour six ans.
Dans quelques temps, parlera-t-on d'homicide routier au lieu d'homicide involontaire ? Une question d'actualité qui était à la barre du tribunal correctionnel de Nîmes, ce mardi. En l'état de la législation, la juridiction nîmoise a abordé une terrible affaire d'homicide involontaire et de blessures involontaires par conducteur.
"Parfois il y a tellement de circonstances aggravantes lorsqu'un conducteur prend le volant que l'on sait qu'il va y avoir un drame sur la route", estime maître Eva Fournier pour une partie civile. "Il prend sa voiture alors qu'il est ivre, et après il prend un rail de coke car il pense que la cocaïne fait redescendre son taux d'alcool", ajoute la pénaliste héraultaise. "Et puis, il arrive une hécatombe. Elle était prévisible", complète l'avocate.
Un véritable drame de la route car dans la voiture du chauffard, un prévenu retraité aujourd'hui âgé de 66 ans, se trouve sa compagne... Cette femme, âgée d'une quarantaine d'années, va devenir par sa faute handicapée à 90 %, alors que son ami passager décède...
Le conducteur fautif partait d'une soirée arrosée à Aigues-Mortes pour se rendre à Alès histoire de continuer la fiesta. Sauf que sur la route départementale à hauteur de Codognan, ce 5 mars 2020 vers 19h, la tragédie se dessine... Il perd le contrôle de son véhicule. "J'ai roulé sur le bas-côté de droite sur l'herbe, du coup j'ai mis un coup de volant pour redresser et ensuite j'ai mis un second coup de volant et ma voiture est partie en travers. À partir de là, je ne me souviens de rien", affirme le mis en cause dès qu'il est entendu par les gendarmes. Dans son 4/4, le drame est visible avec son amie devenue "une poupée démantibulée" selon les termes d'un témoin blessé dans le véhicule que le chauffard vient de percuter. Car le conducteur fautif va violemment "défoncer" la fourgonnette d'en face qui, sous le choc, va avoir son capot réduit de 70 centimètres. Dans cette camionnette, trois blessés graves qui sont à l'audience pour raconter avec émotion et dignité cet accident qui a changé leurs vies.
"Un jeune peut faire des erreurs, mais à son âge ce n'est plus permis", lance à la barre la maman d'un jeune homme blessé dans le choc. Pour le papa de la femme handicapée à 90 %, les mots sont une souffrance quotidienne... "Ma fille ne marche plus, elle ne bouge plus que sa tête. Elle est alimentée, mais elle ne peut plus parler même si elle est consciente", raconte ce père de famille détruit par cet accident. "Elle a connu au total 20 heures d'opération, ma vie aujourd'hui est d'aller la voir trois fois par semaine dans un établissement spécialisé", poursuit-il. "L'expert, le docteur Benslima, estime qu'il y a un polytraumatisme gravissime avec un traumatisme crânien qui était d'emblée très grave. Il conclut à une absence totale d'autonomie", résume Jérôme Reynes, le président du tribunal correctionnel.
Mais si cette victime est dans un état gravissime, un homme est mort. Il était le passager du véhicule du chauffard. Son père s'avance et répond aux questions du président . "Pour moi c'est un meurtre, il a tué mon fils et a brisé une jeune femme à vie. Nous sommes détruits, j'ai pris perpétuité", décrit ce papa endeuillé. "Et après l'accident, il ne se cache pas sur les réseaux sociaux : il fait la fête, il boit", complète le père de famille bouleversé. "Et puis il témoigne à la télévision sans se cacher sur les lieux de cette tragédie, sur les lieux du drame alors que les victimes ne veulent pas parler car elles sont dévorées par le chagrin", plaide maître Jérôme Susini pour une victime, en faisant allusion à un reportage sur les accidents de la route diffusé sur une chaîne nationale.
Le mis en cause prévenu va échapper à la détention provisoire car nous sommes alors en plein confinement et que les prisons sont sous la menace du Covid. "C'est le dossier de la tristesse avec une trajectoire de vie brisée par une prise insensée de risques", dénonce le procureur Jean-Luc Vasserot en réclamant 5 ans de prison ferme et un mandat de dépôt pour le prévenu. "Des vies brisées par ce danger public", poursuit-il.
Le chauffard, lui, reconnaît ses torts : "Je suis responsable à 100 %. Je regrette et je demande pardon." Il affirme que depuis l'accident il ne vit plus de la même façon, il habite dans un village "paumé" loin de l'agitation.
"Je prends la parole après avoir entendu quatre réquisitoires, mais ce n'est pas l'émotion qui doit juger", essaie de convaincre maître Ludovic Para qui a la lourde tâche de défendre le fou du volant. "Il est dans la peine mais il ne parvient pas à l'exprimer à cette audience et il assume totalement sa responsabilité alors pourquoi vouloir en rajouter (...) Il faut une juste peine".
Arrivé libre à son procès et alors qu'il n'a pas connu un seul jour de détention provisoire dans ce dossier vieux de plus de quatre ans, le prévenu est arrêté à l'audience mardi soir à 20h. Il est reconnu coupable de cette tragédie routière et écope de 6 ans de prison.