NÎMES L’improbable récit du jeune chauffard qui se serait perdu à Pissevin
Dans les tribunaux, pour ne pas être pris en faute, certains prévenus s’accrochent à des versions tirées par les cheveux. Celle racontée par le jeune Karim valait le détour.
Sur le rôle du tribunal correctionnel de Nîmes, Karim est jugé pour un simple « refus d’obtempérer ». En clair, le jeune homme de 25 ans a refusé de s’arrêter quand les policiers lui ont demandé de le faire. Mais il faut le reconnaître, racontée ainsi, l’histoire est un peu fade. Alors, Karim va la pimenter et livrer au tribunal, ce mardi midi, un récit farfelu. Et bien que l’heure du déjeuner approche à grand pas, le tribunal ne semblait pas avoir assez d’appétit pour avaler autant de couleuvres.
Il est 0h40, ce 4 avril, quand les policiers nîmois aperçoivent un véhicule qui roule à vive allure et grille un feu rouge sous leurs yeux. Il n’en faut pas plus pour que les forces de l’ordre actionnent leur gyrophare en sommant le chauffard de s’arrêter. Mais celui-ci n’en tient pas compte et tente de semer les policiers en empruntant une première rue, puis une autre, avant de revenir sur ses pas pour finalement piler au niveau de la célèbre galerie Wagner, haut lieu du trafic de drogue du quartier Pissevin à Nîmes. Là, son passager prend la fuite en courant, tandis que les policiers, eux, sont victimes de jets de pierre. Ils parviennent toutefois à interpeller le conducteur, Karim, l’accusé du jour.
« Je n’ai pas entendu le gyrophare parce que la musique était trop forte », a-t-il déclaré aux policiers pendant sa garde à vue. Le juge, Jean-Michel Perez, ne se contente pas de cette version et insiste : « Un gyrophare, de nuit, on ne peut pas ne pas le voir ». Karim ne se démonte pas : « Oui, mais les policiers n’étaient pas à ma hauteur. Dès que je les ai vus, je me suis arrêté ».
À minuit, il fait monter un inconnu qui voulait aller à la Poste !
Le président fait la moue, mais s’attarde désormais sur le comportement suspect de son passager qui a pris la fuite. Karim prétend ne pas le connaître. Il aurait donc fait monter cet inconnu à plus de minuit dans sa voiture pour l’emmener… à la Poste. « Qu’est-ce qu’il allait faire à la Poste ? Elle était fermée », interroge le juge. « J’lui ai pas demandé », répond Karim. Mais le procureur, Éric Maurel, est taquin et regarde sur son téléphone la distance entre le lieu où Karim dit avoir fait monter l’inconnu et La Poste : « Il y a 130 mètres ! » Le prévenu est embêté, mais prétexte désormais s’être perdu : « Je suis du Chemin-Bas aussi ». Bref, rien ne tient la route… « Pour quelqu’un du Chemin-Bas, vous connaissez mal Nîmes », tacle le procureur.
Le président reprend : « Il y a des incohérences. Il nous faut des choses simples à nous ». Justement, le procureur fait très simple en demandant un an de prison avec mandat de dépôt. L’avocate de Karim, maître Victoria Morgante, tente bien « la relaxe » mais elle partait incontestablement de trop loin. Six mois de prison avec maintien en détention et certainement encore de belles histoires à raconter à sa sortie pour Karim.
Tony Duret