Publié il y a 7 h - Mise à jour le 16.03.2025 - Propos recueillis par Corentin Corger - 6 min  - vu 154 fois

FAIT DU SOIR Sébastien Ferra (directeur de la DDTM du Gard) « Il y a une augmentation des signalements, pas forcément des attaques de loup »

Sébastien Ferra, le directeur de la DDTM du Gard.

- Photo : François Desmeures.

Alors que des attaques de bétails ont été récemment signalées dans le Gard et que le loup est fortement suspecté, Sébastien Ferra, le directeur de la DDTM du Gard (Direction Départementale des Territoires et de la Mer) appelle à la prudence avant de tirer des conclusions hâtives.

Objectif Gard : pouvez-vous confirmer que les attaques signalées à Aigues-Vives, Saint-Dionizy et plus dernièrement dans le secteur de Pont-Saint-Esprit sont l’œuvre d’un loup ?

Sébastien Ferra : Pour l’instant, on parle de dommages parce qu’on n’est toujours pas certain que ce soient des attaques. Quand on parle d’attaque, forcément, on se dit inconsciemment « c’est le loup », alors que si on parle de dommage, ça laisse un peu l’incertitude et c’est peut-être plus juste. Sur les dernières attaques ou derniers dommages dont vous parlez pour l’instant, on n’a pas les résultats de l’expertise qui est conduite par l’office français de la biodiversité. D’abord, il faut que les éleveurs signalent très rapidement dès qu’ils découvrent des dommages. Car au-delà d’un certain temps, entre la putréfaction du cadavre et éventuellement l’attaque d’autres prédateurs, on n'est plus en mesure de réaliser l’expertise.

Cela veut dire que si un loup était vraiment à l’origine et qu’entre temps d’autres animaux sont passés par là, on ne peut plus le prouver ?

Exactement, il y a ça d’une part, et on a vu aussi l’année dernière ou il y a deux ans sur Sernhac un troupeau de brebis qui était trop dégradé. Ce qui ne nous permettait pas de distinguer si l’attaque était imputable au loup ou non. Notamment, on mesure la façon dont l’animal a dévoré la proie, mais surtout la façon dont il l'a tuée. Il y a des perforations qui sont faites au niveau de la trachée d’une certaine manière et d’une certaine profondeur qui montrent que c’est très probablement un loup qui l’a fait. Pour le cas du loup, il y a une manière de consommer qui est différente. Et puis, on peut avoir besoin, quand l’office français de la biodiversité recueille sur place à côté des dépouilles, des indices comme des crottes ou des poils. Ensuite envoyer ça à un laboratoire pour confirmer ou pas la présence d’un loup et non d’un gros chien, par exemple.

"C'est assez curieux d’avoir autant de déclarations d’attaque de loup, sachant qu’il n’y a pour l’instant qu’un seul cas statué"

Donc, en tout cas, à ce stade, on ne peut pas confirmer que sur les dernières attaques, ce soit bien le loup ?

Pour toutes les attaques postérieures au 19 février, pour l’instant, on n’a pas les retours.

Combien de temps faudra-t-il attendre ?

En général, il faut compter trois semaines, ça peut aller plus vite s’il y a un constat vraiment sans appel. Pour l’instant, on a huit expertises en cours concernant le Gard sur des animaux morts qui ont été tués par d’autres animaux et pour lesquels les éleveurs ont fait des signalements pour lesquels on se déplace. Là par exemple, il y a un constat qui a été fait sur Blandas il y a maintenant plus d’un mois. Où l’on n’a pas pu statuer sur la présence d’un loup ou non, donc on n’a pas pu statuer sur cette affaire.

Le fait qu’il y ait huit expertises en cours, c’est classique ou y a-t-il une augmentation sur la période actuelle ?

Depuis le début de l’année, il y a une augmentation des signalements, pas forcément des attaques, car il y a un seul constat qui a conclu à la présence du loup quasi certaine. Pour les autres, pour l’instant, c'est indéterminé, soit c’est en cours d’examens.

Sur l’attaque qui a été confirmée, où cela s’est-il passé et combien de bêtes ont été attaquées ?

Je n’ai pas le nombre de bêtes exactement, mais c’était à Saint-Bauzély au début du mois de janvier

"On a reçu l’année dernière 65 indices et seulement 15 ont été retenus"

Le loup est plus présent dans le Gard que lors des dernières années ?

L’année dernière, le nombre de dommages expertisés « loup non écarté » c'est-à-dire sous la responsabilité du loup, a augmenté de 60 % par rapport aux années précédentes (NDLR : 43 dommages dont 23 confirmés de la part du loup). Cette année, on est déjà à 18 déclarations de dommage. Mais pour l’instant, c'est assez curieux d’avoir autant de déclarations d’attaque de loup. C'est assez surprenant, sachant qu’il n’y a pour l’instant qu’un seul cas statué.

Quelle conclusion tirez-vous de ces chiffres ?

On ne sait pas trop, parce que normalement, le loup s’attaque essentiellement aux ovins et non aux bovins, c’est très rare. L’essentiel des victimes sont des brebis ou des béliers, qui sont faciles à attaquer. Donc, on ne sait pas trop et les analyses sont en cours.

Ainsi, ce qui vous met un peu sur la réserve, c'est le fait que là, sur les dommages pour l’instant constatés, c'est davantage sûr des veaux ? C'est ce qui vous met un peu le doute par rapport au loup ?

Il y a eu des veaux de signalé, mais c’est surtout qu’on est parti sur des bases élevées par rapport aux chiffres de l’année dernière.

Oui, d’ailleurs, comme vous le disiez sur 2024 + 60 %, donc en tout cas, il y a une présence proche ?

Disons qu’il y a des dommages, est-ce qu’ils sont liés au loup ou à une meute de chiens errants non identifiée. On installe des caméras, des pièges photos, etc. La détection se fait par les indices et les attaques. Pour les indices, ça va être des choses visuelles, quelqu’un filme un loup, des caméras filment le loup par exemple, ce qui aurait été vu dans la Vaunage. Les autres indices vont être des poils, des traces de pas, des déjections animales caractéristiques. Tout cela est expertisé par des experts aptes à analyser ces informations. On a reçu l’année dernière 65 indices et seulement 15 ont été retenus.

"L’année dernière, nous avons dépensé 200 000 euros pour protéger les troupeaux"

Il y a quand même une probabilité que le loup circule dans la Vaunage ?

Il est possible, car il a été vu et il doit maintenant se nourrir. C'est compliqué pour un loup de s’attaquer à des sangliers, même des petits. Il se nourrit plutôt du chevreuil ou de la brebis.

On a tout de même le sentiment qu’il y a un réel danger, je suppose que vous le voyez comme ça. Quel conseil vous pouvez donner aux éleveurs dans leur quotidien ?

Déjà, il y a l’État, avec l’Europe qui finance ces mesures de protection à trois niveaux. On peut financer l’achat de chien de protection, un « Patou » qui va être financé à 80 %. Tout le département est éligible à ce dispositif. Sur les communes dans lesquelles il y a eu des attaques, on peut financer également du matériel de protection comme des clôtures. On peut même financer un diagnostic de vulnérabilité pour les exploitations. Dans les communes où il y a des attaques de manière récurrente, on peut aussi payer du gardiennage, c'est-à-dire prendre en charge le salaire des bergers. L’année dernière, nous avons dépensé 200 000 euros pour protéger les troupeaux.

Ça veut dire que ces mesures-là où vous financez le salaire de gardien, c’est le cas pour des éleveurs gardois ?

Oui, ils peuvent demander un berger et l’on finance 80 % du salaire.

Est-ce qu’il y a un territoire, on pense forcément aux Cévennes, autour du Vigan, mais qui serait plus touché dans le Gard ou non ?

Sur le secteur de l’Aigoual, on a une meute installée dans le Gard, un couple avec ses petits. C’est le seul endroit dans le département dans lequel l’on a une installation pérenne et stabilisée d’une meute. Ailleurs, ce sont des animaux circulants qui sont solitaires. Un loup solitaire, il bouge, il est capable de faire plusieurs dizaines de kilomètres par jour, il est très mobile.

Que diriez-vous sur la situation actuelle ? Dans quel état d’esprit, vous êtes ? Avec les chiffres qui sont en hausse, les signalements qui augmentent. Comment vous allez aborder un peu la suite avec le printemps, avec les risques comme il va y avoir les transhumances, le fait que les bêtes soient un peu plus dehors. Comment vous prévoyez un peu la suite ?

Comme l’année dernière, nous allons conduire une réunion avec les éleveurs pour voir avec eux et leur faire part des zones dans lesquelles on a identifié le loup. De façon a ce qu’ils puissent prendre des mesures de protection si c’est souhaité. Et d’autre part, cela nous permettra aussi de faire des autorisations de tir de descente, c'est-à-dire donner l’autorisation à des éleveurs de tirer sur le loup pour protéger son troupeau. Cette réunion a pour but d’anticiper. Il y a des éleveurs gardons qui ont cette autorisation, 18 valides, mais aucun tir à ce jour. Mais cela rassure l’éleveur au cas où. Nous allons très prochainement recevoir les syndicats agricoles pour parler de ce sujet.

Propos recueillis par Corentin Corger

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