L'INTERVIEW Paul Efona Efona, nouveau pasteur évangélique de Nîmes : "La religion c’est avant tout créer du lien"
Le culte d’installation nouveau pasteur Paul Efona Efona a eu lieu samedi dernier pour les adeptes de l'Assemblée chrétienne baptiste de Nîmes où il a commencé son ministère le 1er septembre. Le Conseil national des évangéliques de France (CNEF) cherche en priorité à promouvoir l’identité et l’unité du protestantisme évangélique, et à encourager l’annonce de l’Évangile en France.
Objectif Gard : Vous êtes depuis peu le nouveau pasteur évangélique de Nîmes. Vous avez 43 ans, mais qui êtes-vous ?
Paul Efona Efona : Mon nom est bien Paul Efona Efona mais ne me demandez pas pourquoi, mes parents craignaient sans doute de perdre le patronyme et ils ont trouvé ce stratagème ! En France on connaît les noms avec la particule "de", le mien est Peul car je suis Français originaire du Cameroun et cela signifie "Efona fils de Efona". Je suis marié à Nadia avec laquelle nous avons quatre enfants. Je vis en France depuis un peu plus de 20 ans et, avant d’être pasteur à Nîmes, je l’ai été à Grenoble ces dix dernières années. Si on remonte un peu plus loin, c’est dans la région orléanaise que j’ai débuté.
Vous voilà Nîmois...
Moi qui arrive de Grenoble… Il fait chaud à Nîmes ! Et puis, regardez ici, je croyais ne plus revoir mes montagnes et qu’elles allaient me manquer mais quand on monte, ici, la garrigue est belle et verte. Je suis venu une fois à Nîmes parce que j’étais à Arles et qu’en cherchant une église baptiste j’ai trouvé, c’est incroyable, le centre Martin-Luther-King où nous sommes aujourd’hui et où j’ai vécu un culte sans penser que j’allais y être pasteur il y a une dizaine d’années. j’aime le projet que porte cette église nîmoise qui voit l’église comme une famille. Je veux qu’elle rayonne et qu’elle soit au service de la ville de Nîmes. La foi n’est pas incompatible avec l’engagement au sein du monde, nous avons quelque chose à apporter. Sinon, de Nîmes, j’apprends le vocabulaire et j’ai déjà vu quelques réboussiers, j’espère voir une pégoulade. J’ai découvert qu’on disait Costières de Nîmes et pas Cotières…
Comment la communauté vous a-t-elle accueilli ?
La nomination d’un pasteur dans nos milieux est simple. C’est une danse à trois d’une certaine façon. Une église saisit la commission des ministères pour recevoir un pasteur. Un pasteur fait la même chose avec la même commission et les discussions débutent sur du moyen terme - six, sept ou huit mois - pour voir si la mutation est possible. J’aspirai à me renouveler et à vivre autre chose ailleurs après dix années passées à Grenoble. J’avais apporté ce qui m’avait été proposé de vivre et que cela avait été reçu. On ne peut pas se mentir. Ici vous êtes dans un territoire qui a toujours vu ses pasteurs émerger localement. C’est la première fois qu’on va leur proposer un pasteur qui n’est pas directement issu de leurs rangs donc c’est une grande première. Nos profils correspondaient. Je suis là pour accompagner la dynamique, la coordonner, la renouveler, la développer, et l’animer. Il faut être honnête dans notre processus de discernement et prendre le temps. Comme pour faire un bon pot-au-feu ! Je suis venu plusieurs fois ici pour rencontrer mes futurs collaborateurs et l’assemblée générale extraordinaire a voté. Il faut avoir au moins 75% des voix pour que la décision soit la plus franche possible. Nous étions pratiquement à l’unanimité du vote donc je savais que j’étais le bienvenu.
Depuis quel âge voulez-vous être pasteur ?
(Rires) J’ai grandi dans une famille chrétienne. Mon papa, officier de gendarmerie qui est déjà décédé, était protestant baptiste, ma maman catholique. J’ai grandi avec le cadeau d’avoir deux chrétiens qui n’ont pas une même dénomination d’église mais qui ont appris à vivre au quotidien leurs valeurs de foi avec leurs enfants en se respectant. Vers l’âge de 15 ans j’ai désiré me préparer au baptême mais je ne rêvais pas du tout d’être pasteur… Je m’imaginais très bien colonel dans l’armée par ce que pour être général il fallait un décret et l’enfant ayant grandi au Cameroun que je suis savait qu’il en fallait un. Plus sérieusement je rêvais surtout de faire une carrière judiciaire dans les armées du Cameroun. J’ai passé quatre années en faculté de Droit puis, progressivement je me suis laissé interpelé par mes amis et proches qui me sentaient enthousiaste quand je parlais des paroles de Dieu. J’avais une mauvaise image du pasteur qui socialement ne représentait pas grand-chose, ça ne fait pas rêver. Moi je voulais des galons et des grades ! Et puis les églises sont financées par les dons des paroissiens et dépendre de cela m’était un peu insupportable. Je voulais être du côté de ceux qui donnent mais on est toujours des deux côtés. J’ai accepté, la mort dans l’âme, de m’inscrire en études de théologie mais pour être sûr que ça ne marche pas j’ai posé une condition à Dieu : en France ! Partout où j’avais posé ma candidature j’ai été pris alors voilà. Il me fallait un visa mais pour des études en théologie ç’aurait dû être difficile… Ça n’a pas été facile mais j’y suis arrivé après un parcours de cinq ans d’études et de deux ans de proposanat. j’ai eu la reconnaissance du ministère.
Quelle est votre église ?
Nous sommes une église, un rassemblement de croyants et fidèles, une église chrétienne. Nous trouvons notre filiation dans l’évangile du Christ que nous partageons avec beaucoup d’autres chrétiens. Nous sommes évangéliques, ce qui veut dire que nous sommes attachés à prendre la parole de l’Évangile comme une parole de vie qui nous inspire, qui nous motive et nous voulons être centrés sur cette bonne nouvelle car l’Évangile est une bonne nouvelle ! L’ADN de cette église est d’être à la fois dans une vocation spirituelle mais aussi toujours ouverte aux besoins de la ville pour pouvoir apporter humblement notre service.
Comment la communauté vit-elle sa croyance ?
Notre communauté est joyeuse, positive. Elle veut rayonner, partager ce qui pour nous est une bonne nouvelle. Nous sommes baptistes qui fait référence au baptême comme rite cultuel qui marque l’entrée dans l’église. Nous ne baptisons pas les enfants, nous baptisons les personnes qui ont fait une démarche personnelle d’éveil à la foi et de foi. C’est un choix et ces personnes demandent le baptême pour être admises comme membres de l’église locale. Le baptême les incorpore dans une réalité plus grande dont les contours nous dépassent. Nous voulons pour eux une démarche libre, consentie éclairée. Les protestants n’ont que deux sacrements donc ils sont importants. En tout cas il n’est jamais trop tard pour recevoir ce signe qui nous rappelle que nous sommes aimés de Dieu et du Christ.
Ici on chante, on danse. On est très libre d’exprimer sa foi...
On a de très bons musiciens ! Nos cultes sont toujours ouverts par une première partie de louanges où l’on remercie d’être là, dans un pays qui nous laisse vivre notre religion, merci à notre seigneur. Dire merci de ce que nous avons reçu comme cadeau depuis le dimanche précédent, apprendre à s’émerveiller de ce qui nous semble banal comme tout simplement se lever le matin... On chante notre joie de se retrouver et d’appartenir à un lieu qui nous aime. C’est joyeux. On a un dispositif de vidéo-projection qui permet à tout le monde de pouvoir suivre et s’approprier les paroles. Nous sommes une église qui encourage chacun à exprimer dans la confiance et dans la simplicité sa foi.
Vous devez donc essayer de bien vous faire comprendre ?
Le ministère pastoral est aussi celui de la parole, nous nous mettons au service de l’intelligibilité du texte biblique en sachant qu’il nous précède. Il faut le contextualiser mais il est vivant et nous rencontre. Cette rencontre, on ne peut jamais la prédire car c’est un événement. Ce texte raisonne dans notre société et nous l’appliquons à Nîmes comme ailleurs mais avec quelque chose de local en plus. Notre église n’est pas hors cadre ou hors sol, quand il y a des drames à Pissevin, nous prions. Nous sommes dans le même territoire. C’est un besoin que nous avons de vibrer pour tout cela.
Une cinquantaine de jeunes
Comment se passe le culte ?
Le culte réunit tous les fidèles, il est multigénérationnel, mixte, multiculturel… Mais on parlait de l’intelligibilité et là il faut faire attention car un enfant ne comprend pas forcément comme un adulte ou un adolescent, alors nous nous adaptons.
Comment font les jeunes ?
Il y a quand même une cinquantaine d’enfants et les plus jeunes ont plusieurs salles annexes qu’on peut moduler à notre guise. Une pour les enfants et une autre pour les ados, on a même une "bergerie" pour les 0-2 ans. On présente aux enfants la vie comme un voyage à travers l’histoire, par exemple, de la Bible. On leur fait découvrir pourquoi Dieu a créé le monde et pourquoi ils sont aimés de Dieu lui qui a un plan merveilleux pour eux. Pour s’occuper des différents âges chez les jeunes, nous avons une trentaine de personnes préalablement formées à cela. Nous ne sommes pas là pour faire de nos enfants des moutons de Panurge qui suivent, mais pour les éveiller à la vie, qu’ils questionnent le monde et cheminent en trouvant un sens à leur vie, peut-être grâce à l’Évangile de Dieu…
L’innocence des plus jeunes peut poser un problème car leur questionnement est sans filtre...
Oui, mais ce n’est pas un problème. Personnellement, je n’aime pas anticiper les réponses car cela voudrait dire que j’anticipe les questions. Nous devons être dans un dialogue, pas un monologue. Les enfants sont formidables en cela. Il y a de très bonnes questions, simples et pertinentes pour l’adulte qui doit trouver une explication juste pour la transmission du savoir ou des convictions chrétiennes mais aussi adapté à ce que l’enfant peut comprendre ou se représenter. Ce sont des éponges et on ne veut pas faire mal. Nos réponses sont fondées, on ne prend pas nos enfants pour des cruches ! c’est vraiment difficile mais nos équipes sont bien formées et très actives, je les remercie réellement.
Le fait d’être mari et père peut faciliter cela, non ?
Tout à fait, nous ne sommes pas en dehors de la société. Au-delà de mon ministère pastoral, avec mon épouse, et ça commence par là, je dois prendre soin de nos enfants. J’ai une petite qui vient de faire sa première rentrée scolaire et c’était à Nîmes. C’était merveilleux de l’accompagner mais je comprends aussi la fatigue des parents. J’ai quatre enfants donc les réunions parents-profs sont nombreuses et le mois de septembre est dur.
Dans une société comme la nôtre ce rôle n’est-il trop prégnant ? Trop, partout, tout le temps...
C’est en effet le piège. Vouloir être partout à courir et tout faire est un piège qui vient d’une illusion de toute-puissance. Un pasteur n’est pas tout-puissant et ne peut pas être partout tout le temps, ça serait dangereux, mais au début de mon ministère j’ai connu ce sentiment qui va parfois jusqu’au sacrifice mais ce n’est pas une position équilibrée. Je le dis pour les jeunes pasteurs, le droit à la déconnexion est important, tout comme un jour de relâche peut être nécessaire. Pour rencontrer les autres il faut avoir un temps pour se ressourcer soi-même. Avant d’arriver à Nîmes j’ai pu prendre quatre mois de temps sabbatique pour aller en Afrique pour voir ma mère, mes proches, pour me ressourcer.
Dans un quartier chic de la ville, cette église qui n’y ressemble pas est nichée dans une garrigue verdoyante. Un luxe...
Le centre Martin-Luther-King, sis au 260 chemin du Saut du Lièvre, est implanté sur un hectare de terrain. Il y a le centre cultuel, dont la forme rappelle celle des arènes ou d’un bateau, qui a été édifié il y a une trentaine d’année sous l’impulsion du regretté pasteur Jean-Louis Poujol, qui avait un cœur pour tous les Nîmois, on l’appelait le pasteur des sans pasteur. Sur le même terrain nous avons l’association qui s’occupe de la Maison des parents et qui propose l’accueil de parents dont les enfants sont hospitalisés ou qui n’habitent pas la région. Les gens qui viennent ci sont souvent en contact avec la souffrance et nous sommes aux petits soins pour eux. Cette maison est une œuvre sociale qui fut d’abord portée par l’église. Trois personnes sur quatre viennent parce qu’elles sont fléchées par le CHU Carémeau. L’intérieur du bâtiment est vaste et c’est ici que nous avons nos rencontres dominicales du culte protestant évangélique que nous vivons. Cette salle peut être cloisonnée et, en modulant les espaces, accueillir plus de 400 personnes. En général nous sommes plutôt autour de 200.
Un petit mot personnel pour terminer ?
J’ai envie de dire aux Nîmois qu’ils sont les bienvenus quelles que soient leurs convictions. La religion c’est avant tout créer du lien et il me semble que les Nîmois sont des personnes joyeuses. Je veux les découvrir, les accueillir et discuter simplement avec eux.
Je veux aussi dire que je suis conseiller conjugal et familial, diplômé de l’Institut de sciences de la famille de l’université catholique de Lyon. Je suis disponible pour évoquer ces questions avec les gens qui le veulent et le peuvent c’est un sujet qui me tient à cœur car il y a de la souffrance sociale et humaine. Ces personnes pourraient ainsi passer de la posture de victime qui leur est imposée à celle d’acteur de leur bonheur, de leur propre vie et remporter une victoire sur la blessure. Mais je ne suis pas un officier de police judiciaire, je suis un écoutant qui fait route avec les uns et les autres, je ne me substitue pas à la justice qui fera son affaire en son temps.
Pour complément d'informations, le CNEF, constitué le 15 juin 2010, a comme vision de renforcer les liens entre ses membres pour exprimer l’unité donnée par Jésus-Christ et de participer à la mission de Dieu en faveur du salut du monde en facilitant la proclamation de l’Évangile. La concertation, l’information, la représentation et l’animation de projets constituent ses principales missions. Il fonde son action sur des valeurs de liberté religieuse, de solidarité et de collaboration, ainsi que sur un absolu respect de la révélation biblique et un idéal de partage de l’Évangile de Jésus-Christ.