FAIT DU JOUR Patrick Malavieille, homme de l’Être
Hier soir, le maire de La Grand’Combe, Patrick Malavieille, s’est vu décerner le titre honorifique de chevalier de l’ordre des Arts et des Lettres par l’ancien ministre Jean-Claude Gayssot. Une distinction prestigieuse qui récompense ses actions dans les domaines artistique et littéraire, mais aussi le talent d’un amoureux des mots. Portrait.
Avec sa voix chaude et assurée, des mots scrupuleusement choisis et un ton juste, Patrick Malavieille a ce talent que beaucoup de politiques n’ont pas : il sait capter un auditoire. D’une banale inauguration aux vœux du nouvel an, qu’importe le sujet, l’édile communiste attire ses administrés autrement qu’avec des petits fours. Il les nourrit avec la langue française, par des métaphores raffinées et des citations d’auteurs, comme hier soir avec Paul Éluard, qui ont marqué l’histoire de la littérature. Un art de la formule que l’homme de 57 ans cultive depuis toujours dans les différentes fonctions qu’il occupe : de maire à vice-président du Département délégué à la culture, en passant par président du Pont-du-Gard et de l’association Montpellier Danse.
Au cœur de Trescol, le quartier populaire de La Grand’Combe où il est né, l’éducation culturelle n’était pourtant pas quelque chose d’évident. « Mon père était maçon. On n’avait pas beaucoup de livres à la maison, alors je lisais le dictionnaire. Je m’étais fixé une page par jour », se souvient-il. C’est à l’âge de 13 ans qu’il découvre la poésie, celle qui l’emmènera à l’art et à l’harmonie judicieuse des mots. « De là, j’ai commencé à voyager à travers les livres et quand j’ai eu un peu plus de moyens, j’ai fait le tour du monde avec mon sac à dos. La rencontre de la différence vous change, vous oblige à réfléchir. La culture m’a aidé à mieux comprendre le monde et la question des solidarités. » Profondément attaché à ses racines cévenoles, auxquelles il reviendra toujours, il passe de la fac de Droit en 1981 à surveillant du collège de la Régordane à Génolhac, pour finalement devenir formateur en CFA, tout en faisant ses premiers pas en politique. « C’est parti des combats de la mine », commente-t-il.
370 discours
Le choix du parti communiste, naturel pour lui, résulte aussi de rencontres encore gravées dans sa mémoire aujourd’hui : « Celles d’Édon Arcangioli, l’ancien secrétaire de section de La Grand’Combe. Un modèle pour moi. Il y avait aussi Patrick Bauducco, un mineur très engagé. C’était ma boussole ! » Trente ans plus tard, Patrick Malavielle est toujours fidèle au parti. « Certes, il y a eu des erreurs, des bêtises et parfois même des fautes. Mais j’y reste et je ne suis pas prêt à en partir. » Élu conseiller municipal en 1983, conseiller général en 1988, maire une première fois en 1995, puis en 2008 et 2014, l’homme politique sera également conseiller régional entre 2004 et 2008. Autant de mandats durant lesquels il s’attache particulièrement à développer la culture, « partout et pour tous », répète-t-il. Au Département, il s’apprête à présenter prochainement le Schéma départemental de la culture, dont le vote sera une sorte d’aboutissement pour lui : « La boucle sera bouclée avec l’écriture de ce schéma. »
L’écriture. Un exercice sacré, qu’il ne prend pas à la légère. Chaque jour, le maire se lève à 4 heures du matin. C’est à ce moment-là qu’il rédige ses discours, pendant plusieurs heures. Une tâche qu’il n’a jamais déléguée à qui que ce soit. « De toute façon, personne n’ose s’y frotter ! », plaisante-t-il à moitié. Alors que le jour n’est pas encore levé, Patrick Malavieille noircit des feuilles blanches de mots qu’il prononcera devant des publics différents, à des occasions variées. « Je travaille généralement en trois jets. Un premier où je dégrossis, un deuxième où j’affine et un dernier où je rédige », confie-t-il. Seul dans sa voiture, lors de trajets entre le Conseil départemental et La Grand’Combe ou entre le Pont-du-Gard et Montpellier, il s’entraîne, à voix haute, et répète inlassablement. Trouver le bon ton, susciter l’émotion, captiver son auditoire, chercher la perfection. Tout un art. Et pour ne rien oublier, depuis ses débuts, le politicien a soigneusement conservé tous ses écrits et s’y replonge quand il en ressent le besoin. La collection est vaste : « J’en ai 370 ! », précise-t-il. D’ici mars 2020, l’élu pourrait bien écrire ses derniers textes aux Grand’Combiens. Même si Patrick Malavieille décide de passer le flambeau aux prochaines élections (il annoncera sa décision en décembre), il laissera sans aucun doute le souvenir d’un maire très à cheval sur les mots. Un chevalier des Arts, des Lettres, mais avant tout de l’Être.
Élodie Boschet