FAIT DU JOUR Un mur d'Hadrien pour marquer les esprits et animer les arènes
Les premières représentations d'Hadrien et la guerre des Pictes arrivent à grands pas. Les répétitions n'ont pas encore débuté mais scénario et décors sont quasi terminés. Yann Guerrero, coscénariste et constructeur de ces fameux décors nous en dit plus, y compris pour Nîmes cité des Dieux.
Même son téléphone antichoc ne dure jamais longtemps avec lui car le bougre arrive tout de même à le casser... Sac sur le dos, chemise aléatoire et lunettes vissées sur le nez, Yann Guerrero est motivé. "On a déjà pas mal bossé car nous sommes dessus depuis le mois de septembre avec Éric Teyssier !" Deux spectacles donc deux scénarios. Hadrien, la guerre des Pictes pour remplacer les Grands jeux romains et Nîmes, Cité des Dieux pour prendre la place en août des Nuits de Nemaus.
Vu le gigantisme de l'entreprise, on pourrait croire que Yann Guerrero apprécie le travail participatif. Que nenni ! Ce qui prime pour lui, c'est le cadre qui entoure toute création. Si le cadre est bon, le travail qui suit le sera aussi. "On peut avancer petit à petit et chacun peut s'améliorer dans sa catégorie. On se parle, on s'écoute beaucoup."
"Déjà, on fait des plans pour se mettre d'accord avec Éric Teyssier. L'idée, cette année, c'est de faire deux principaux décors, agrémentés bien sûr de pas mal d'accessoires. On fait une spina, chose que l'on n'avait jamais fait avec Culturespaces." Une spina, c'est l'épine dorsale, la longue ligne qui scinde en deux une course de chars avec à chacune de ses extrémités un obélisque où tournent les auriges et leurs véhicules tractés par les chevaux. À l'époque des GJR on signifiait la présence d'une spina mais elle n'avait encore jamais été créé.
"Là, on fait une vraie spina ! Mais comme on sait que nous sommes là pour trois ans minimum, on a pu penser à la suite et à l'évolution des décors sous diverses thématiques déjà évoquées entre nous. Je sais d'ores et déjà que mon décor est transformable et qu'il peut devenir un temple du forum, autre symbole de la civilisation romaine !"
Le second gros décor, évidemment et on le comprend mieux quand on connaît la thématique choisie pour ce premier essai sous les couleurs du nouveau délégataire de service public, Edeis, c'est le mur d'Hadrien. Comment figurer une telle construction à l'intérieur d'un amphithéâtre ? "Le mur avait la particularité d'être la ligne de fortification qui départageait ce qui est devenu l'Écosse de l'Angleterre et d'avoir des forts rapprochés où les légionnaires campaient. On a travaillé les proportions, ce que nous devions mettre à l'intérieur, nous avons fait les plans de construction et l'atelier a commencé la réalisation de cette partie du décor."
La structure mécano-soudée est construite puis habillée de bois. Mais le montage de l'édifice fait aussi partie du show. "Quand on monte le camp c'est aussi un spectacle dans le spectacle. On monte un château de cartes ! C'est l'idée en tout cas. C'est visuel et spectaculaire, ça dure cinq minutes. Il y a de nombreuses choses que le public peut voir."
Les dimensions ? 100 mètres linéaires de modules ! Et au lieu de faire dans le trompe-l'œil, l'équipe de CPPP est partie sur l'idée de faire de la fausse pierre, quelque chose de plus réaliste. À l'intérieur du camp il y aura des éléments destinés à la cascade avec des tentes qui se fracasseront sous le poids des hommes abattus. "Cette même muraille, dont je vais changer quelques bricoles, deviendra la muraille d'Alexandrie qui nous servira au mois août." Pardon, au mois d'août ? Oui, pour l'autre spectacle assuré par les équipes de Yann, Nîmes, cité des Dieux, le remplaçant des Nuits de Nemaus.
C'est le deuxième spectacle proposé par Edeis et qui sera une nouveauté dans la conception et l'appropriation de l'histoire nîmoise. Des choses ont déjà été annoncé et le spectacle promet d'être fantastique. "C'est compliqué ou plutôt ce n'est pas simple car il nous faut trouver plein de solutions techniques à la complexité d'organiser ce genre de chose dans les arènes. La chance qu'on a, c'est Thierry Barbier, le régisseur des arènes ! Il connaît tout, sait tout, il donne des conseils. Il a une vraie expérience du spectacle vivant dans l'amphithéâtre et on peut vraiment très bien travailler avec lui."
Alors à quoi va ressembler Nîmes, cité des Dieux ? Le spectacles des Nuits de Nemaus faisait dans le multi-époques, un mélange des genres peu visible et compréhensible pour Yann. "On voulait quelque chose de vraiment différent même si on avait déjà eu l'idée, avec Éric, de faire un spectacle sur l'histoire de Nîmes. Tout se déroulera à l'époque de l'Antiquité ! De cette histoire, on a déterminé cinq actes." Le premier sera l'arrivée des Grecs sur nos cotes méditerranéennes, une sorte de préambule à l'ébauche de civilisation à venir. Deuxième acte, la naissance de Nîmes autour des Jardins de la Fontaine. Le troisième sera les invasions barbares qui ont incité les Romains à s'implanter ici et nous, à collaborer avec eux. Le quatrième acte signifiera la bataille d'Actium qui a donné ses armoiries à la ville de Nîmes et, pour finir, les jeux du cirque qui soulignent la véritable vocation de l'amphithéâtre.
"On a deux niveaux de lecture du spectacle. Celui du praeco, l'orateur Éric Dars, qui est aussi un vieil ours mal léché mais qui mesure deux mètres... Il raconte l'histoire d'une grosse voix alors on l'écoute ! C'est le visage de ces spectacles. Ce mec est une bête de scène. Il tient en haleine 10 000 personnes, il est capable d'improviser... Il est fort !" Quoi qu'il en soit et même si tout n'est pas encore acté, le spectacle se jouera en nocturne. Et il y aura de grands décors.
Pour cela et pour les idées qui suivent, il faut évidemment travailler et rester en lien pour que la dynamique soit la bonne. "La projection vidéo servira de décor, comme nous l'avions déjà imaginé du temps de Michael Couzigou (ancien et premier directeur de Culturespaces Nîmes, NDLR). Forces vives et amateurs seront investis d'un rôle car cette notion fait partie de mon ADN et de ma compagnie. Il y aura toutefois une nouvelle dimension avec des artistes du cirque qui vont représenter les dieux. Disons qu'on va faire voler du monde dans les arènes. On va investir la troisième dimension, celle du ciel et l'on se retrouvera un peu comme dans l'Odyssée où les dieux parleront et interagiront avec les hommes."
Yann et Éric ont la volonté de faire évoluer ce spectacle dans le temps mais tout va dépendre de la volonté d'Edeis à investir toujours plus. "La société a mis énormément d'argent dans la production de ces deux spectacles, plus que ce que Culturespaces n'aurait jamais mis, mais tout a une limite car il faut aussi être rentable. En tout cas ils ne font pas des feux d'artifice ni de coup d'épée dans l'eau. Ils veulent s'inscrire ici dans le temps et dans l'espace. Il faut que ça marche et que ça marque."
Pour ces deux spectacles, une dizaine de semi-remorques sera nécessaire au transport des décors. En temps de travail, "on ne compte pas ! On y est depuis le mois de septembre voire le mois de mai quand on y a pensé avec Éric. Cet été pendant mes vacances je dessinais le fort du mur d'Hadrien et j'échangeais avec lui. En octobre on a lancé le chantier à l'atelier et on y est encore. La structure du mur est finie, on a attaqué la spina et il manquera le fort des légionnaires mais ça ira. Ensuite ? Eh bien on ne s'arrête plus pendant trois ans. On enchaîne déjà sur les prochaines années. C'est plaisant d'être débordé..."
Comme toujours dans ses actions, Yann pense aux autres. Lors des Grands jeux romains, combien de jeunes des quartiers dits ''sensibles'' de la ville sont venus aider, découvrir cet univers et ont surpris reconstituteurs et public par leur investissement et leur curiosité ? Énormément ! "On ne va pas se le cacher, ces univers ne sont pas très accessibles... Les jeunes contribuent à éduquer ces gens-là en leur montrant que dans les quartiers on sait aussi participer. Et ça marche très bien ! Les reconstituteurs sont fascinés par leur engagement et moi qui suis un peu ''United Color of Benetton'', j'adore ça ! Je suis fils d'un ouvrier du bâtiment, fils d'immigré, j'ai deux grands-parents espagnols, un grand-père italien, je suis un tout petit peu Français mais on me prend pour un Gitan. Mon ex-femme est Polonaise, mes enfants ont des origines hongroises... Vive l'Europe et plus que ça !"
Pour la Cité des Dieux comme pour Hadrien, le but du jeu sera de fédérer les Nîmois autour de ces animations en les intégrant au projet. Du bénévolat, évidemment, mais aussi des souvenirs non tarifés. Une association, Nîmes la romaine, va naître pour réveiller l'intérêt des gens. "On va lancer un appel. On demande déjà à ceux que l'on connaît de se fédérer et après les gens adhèreront. Il faut que ce soit indépendant. Un peu comme l'association des Amis de Nemaus, créée par Culturespaces, c'était une excellente idée du directeur Christophe Beth."
Les 6, 7, 8 mai : grand spectacle historique "Hadrien, la guerre des Pictes". Les 8, 9, 11, 12, 13, 15 août : grand spectacle son et lumières "Nîmes, Cité des Dieux".