REDESSAN Le village sidéré depuis l’agression homophobe d’une famille
Sur la place Saint-Jean, au centre du petit village de Redessan, la porte blanche vitrée et les volets de la petite maison coincée entre la pizzeria et le salon de coiffure sont clos depuis une semaine.
Le couple homosexuel et les deux enfants qui y vivaient ont en effet dû être évacués, lundi 16 mai, par les gendarmes, chassés par les insultes et les menaces d’une demi-douzaine de jeunes du village qui se regroupent sous l’olivier en face de la maison désormais vide.
Main courante et caméra de vidéosurveillance
Après une première série d’insultes et de jets de pétards devant chez lui, le couple dépose une première main courante jeudi 12 mai, avant que l’un des papas ne dépose finalement plainte le lundi 16. Mais pour l’enregistrer, les gendarmes de Marguerittes exigent des preuves, alors même qu’une caméra de vidéosurveillance connectée au centre de surveillance de Nîmes métropole filme la place, à quelques mètres de là…
Le soir même, le couple de trentenaire décide alors de filmer les jeunes d’une vingtaine d’années, provoquant l’animosité du groupe qui pendant plusieurs heures redouble d’insultes et s’en prend à leur porte à coup de poing et de jets de pierre, terrorisant les jumeaux de trois ans du couple… Les gendarmes viendront finalement les exfiltrer trois heures plus tard.
Un village coupé en deux
Après avoir reçu la famille, jeudi 19 mai, la maire du village de 4 200 âmes semble consternée. « Ils sont totalement sidérés par tant d’intolérance, souffle Fabienne Richard, dans son bureau de la mairie, à quelques pas de la place Saint-Jean, mardi 24 mai. Pour l’instant, ils sont hébergés chez de la famille en dehors du village. J’ai appelé des collègues maires pour tenter de les reloger durablement, car ils refusent pour l’instant de revenir vivre à Redessan… »
L’un des deux papas - qui travaille pour l’association Aides, et son compagnon dans la grande distribution - est pourtant né à Redessan. Toute sa famille y vit d’ailleurs également, tout comme celles de trois des quatre jeunes mis en cause. L'un des agresseurs était même à l'école avec le papa originaire du village. Quelques minutes passées autour de la place suffisent d'ailleurs à croiser la sœur et le cousin de ce dernier. Totalement abasourdi, tous les deux refusent d’évoquer l’incident qui semble avoir coupé le village en deux.
Les jeunes ont été interpellés vendredi 20 mai par les gendarmes avant d’être relâchés dans la soirée. Leur présence sous l’olivier gênait les riverains depuis longtemps. « Ils traînent sur la place depuis des années, fument des joints et m’ont déjà lancé des pétards dessus, confie Michèle, une commerçante proche des lieux. Quand je les vois, je préfère les éviter et tracer ma route. »
« Ces jeunes ont tout pour être heureux... »
Des craintes redoublées à la presse du village, où les clients espèrent que la mairie fera bientôt cesser ces nuisances. « C’est inacceptable ! Nous devrions pouvoir vivre ensemble ici, dans le respect et la tolérance, réagit Fabienne Richard. Je suis extrêmement déçue car ces jeunes ont tout pour être heureux : un skate-park, un city-stade, un boulodrome, un dojo, une quarantaine d’associations, mais aussi des aides au permis ou au BAFA, et dernièrement même un forum pour l’emploi… »
Depuis leur interpellation, la demi-douzaine de jeunes a déserté l’olivier de la place Saint-Jean, en attendant leur prochain jugement au tribunal de Nîmes. Les pierres blanches qui décoraient le pied de l’arbre, et dont certaines ont été utilisées comme projectiles contre la famille, ont été enlevées et seront remplacées par des fleurs.
Pierre Havez