FAIT DU JOUR Adrien Salenc : "Comparés à la magnificence de la culture taurine, ces gens-là ne sont personne"
Adrien Salenc est un matador de toros qui sera à l'affiche de la première corrida de la feria des Vendanges. Face aux toros de Robert Margé et au côté d'El Rafi et de Leao Valadez qui confirme son alternative, il aura fort à faire mais il réalise une saison quasi parfaite. Interview.
Né à Nîmes le 10 janvier 1997, Adrien Salenc n'a finalement que peu vécu sa vie de torero dans sa ville natale. Aujourd'hui sous l'aile d'Olivier Baratchart, le jeune est passé par l'école taurine du Juli après s'être inscrit à celle d'Arles. Son premier habit de lumières ? Il le porte en Espagne et ne se présente à Nîmes en novillada sans picadors qu'en 2015. De novillero, il se présente aux Madrilènes et salut à deux reprises. À Nîmes, c'est devant une novillada de Pagès-Mailhan qu'il débute réellement. Son alternative, Adrien la prendra finalement à Istres en 2019, la confirmera à Nîmes l'an dernier et à Madrid cet été. Encore deux saluts au public madrilène et un triomphe nîmois. Avec onze corridas à son actif en 2021, Adrien Salenc réalise en 2022 une grande temporada en triomphant presque partout où il est à l'affiche.
Objectif Gard : Pour les lecteurs qui ne vous connaîtraient pas encore, qui est Adrien Salenc ?
Adrien Salenc : Je suis un jeune Nîmois de 25 ans. J'ai vécu mon enfance à Nîmes, à l'âge de 12 ans je suis parti à Arles car mon père devait y aller pour le travail. C'est à cet âge que le venin de la tauromachie est entré dans mes veines ! J'ai commencé mon apprentissage à l'école taurine d'Arles. J'ai appris les bases, comment on prend une cape ou une muleta, l'ordre de la lidia, la liturgie de la tauromachie.
Après Arles vous avez intégré la prestigieuse fondation d'El Juli. Pourquoi et comment ?
Ce fut un vrai changement de vie. J'avais 13 ans, je ne parlais pas Espagnol et je suis parti vivre seul à Madrid ! C'était une aventure, un sacré challenge, je ne savais pas si j'allais tenir et mes parents pensaient qu'au bout de trois mois j'allais rentrer en France. Maintenant, ça fait 12 ans mais bien sûr que ça a été difficile au début car j'ai dû apprendre à vivre tout seul, à laver mon linge, à le repasser, à faire les courses et à me faire à manger... Avec d'autres élèves, nous avions un appartement mais chacun devait tout se faire lui-même. J'ai pris de la maturité, un sacrifice important mais sans ça je ne serais pas la aujourd'hui. La passion explique ça, seulement la passion, j'étais obnubilé par les toros. C'était une illumination dans ma vie. Je suis très inquiet et curieux, j'ai fait tous les sports possible comme le tennis, le karaté, l'escrime et d'autres mais je ne me suis jamais rencontré réellement à part dans les toros. Avec les toros et le toreo, je suis moi-même, je peux m'exprimer.
Qu'est-ce qui vous a donné envie de vous lancer dans les toros ?
Plus jeune, je savais qu'il y avait des corridas, mais je ne m'y intéressais pas plus que ça et puis je suis allé voir une corrida équestre à Arles. Là, j'ai vu les plus grandes figuras du rejoneo et j'ai été impressionné par l'émotion que ces cavaliers pouvaient faire passer dans les gradins. Je m'en rappelle parfaitement et ça m'avait interpelé donc j'ai voulu découvrir la tauromachie. Il ne suffit pas d'être connaisseur pour ressentir une émotion, c'est universel !
Votre famille était déjà dans les toros ?
Non ! Mon père et mon grand-père étaient aficionados mais ma mère était très réticente... Elle n'avait pas envie de tout ça. Elle était contre le fait que j'aille à l'école taurine, elle ne voulait pas me savoir en danger mais quand tout le monde a compris que je ne plaisantais pas, que tout cela n'était pas un jeu pour moi, j'ai eu l'appui de tout le monde.
Quelle est votre vision de la tauromachie ? Quel est le toreo d'Adrien Salenc ?
Je suis transparent ! Tel que je suis dans la vie, je suis dans l'arène. Juan Belmonte disait : "On torée comme on est". Cette phrase est vraie. Je suis une personne qui parle beaucoup avec le cou, je suis passionné et sensible. Devant un toro j'essaie d'être pur et vrai, en faisant les choses bien sans oublier la transmission envers le public, l'alegria. Je prends du plaisir à toréer, c'est là qu'on oublie son corps et qu'on commence réellement à vivre. Quand on est sur le fil, c'est là que tout se passe. C'est intense, indescriptible, ça transcende des orteils aux cheveux. On se sent respirer, on est dans une bulle, on oublie tout sauf la relation et le contact avec la bête. C'est le rêve, j'essaie d'y arriver tout le temps mais ce n'est pas facile de triompher tous les jours. Créer une oeuvre artistique peut soulever les foules, je suis quelqu'un d'intuitif, je ne prépare rien à l'avance, je fais tout sur le moment. J'improvise, je me rends compte de la charge du toro et j'avance en le soumettant puis en proposant quelque chose de plus artistique.
Qui ou quelles sont les choses qui vous inspirent ?
Beaucoup ! La vie m'inspire, n'importe qui peut être inspirant. Il suffit d'écouter les gens, de bien vouloir accepter cette transmission. La vie est un exercice d'humilité profonde, tous les jours il faut se remettre en question. Des toreros comme El Juli, évidemment parce que j'ai grandi chez lui avec son père qui m'a inculqué de nombreuses choses techniques, est inspirant. J'aime également Morante de la Puebla, Jose Tomas, Manzanares... Je regarde tout le monde et j'essaie de m'en inspirer sans copier car ce qui fonctionne chez l'un ne fonctionne pas chez l'autre. Mon instinct est fort, je suis mon coeur et je sais que ce sera comme ça que ça marchera.
Quand vous n'êtes pas en piste, que faites-vous ?
On croit toujours que les toreros ne le sont que lorsqu'ils sont en piste au moment de la corrida, mais pas du tout ! Loin de là même ! Ce qui compte c'est la préparation qu'il faut accepter pour en arriver là. Être torero, c'est tous les jours. Là on se parle mais je suis entre deux entraînements. Ce matin trois ou quatre heures et rebelote cet après-midi. C'est intensif mais on va dire qu'il faut que je sois prêt pour le moment important. Le costume de lumières, c'est l'aboutissement de tout ce processus. J'ai la chance et le privilège de pouvoir vivre ma vie de torero, de vivre ma passion. Alors, je me dédie à ça corps et âme. Entraînements physique, mental, technique, c'est une routine, une hygiène de vie que l'on prend avec les années. Il y a aussi le campo et les tentaderos où je peux me préparer sans oublier les moments de spiritualité. On doit se mentaliser, notamment avant les courses très importantes comme celle de Nîmes par exemple. On a besoin de solitude, de souffler, de réfléchir sur l'endroit où l'on veut aller et de visualiser la prochaine corrida. Il faut être prêt à toute éventualité. L'hiver, quand la temporada est terminée, je sors avec les amis, je vais au cinéma, je vais boire un coup, je voyage et découvre de nouveaux pays...
En fait, vous êtes un homme normal de novembre à février ?
On n'est jamais bien normal ! Enfin moi... Les toreros vivent avec la mort et la peur qui sont nos amis ennemis. Nous sommes jugés par des milliers de personnes. On a une grosse responsabilité, beaucoup de pression sur nos épaules. Ma famille et mes proches sont conscients de ça, ils le comprennent maintenant. Ils savent quand il ne faut pas me parler, quand il faut me laisser tranquille. Se jouer la vie est un métier un peu délicat et même hors saison ça reste dans la tête. Après, je suis quelqu'un d'assez normal ! J'assume tout ça, je sais pourquoi je fais ça et j'en assume les conséquences. Je suis conscient qu'il peut y avoir un dernier jour, une dernière corrida.
Pour vous qui êtes Nîmois mais qui avez passé votre vie dans les toros à Arles et à Madrid, que représente Nîmes ?
C'est ma ville de naissance, ma ville de coeur. Je me sens Nîmois, toute ma famille est sur place, mes frères et soeurs, ma mère, mes grands-parents, mes oncles et tantes, mes cousins... J'ai ma maison à Nîmes, j'y ai mes repères, j'y ai beaucoup d'amis. Sont-ce mes arènes ? Ça, je ne le sais pas, nul n'est prophète en son pays ! On peut être incompris dans sa ville, ça arrive à beaucoup d'artistes et de toreros mais j'espère qu'elles le seront un jour. C'est un privilège de toréer à Nîmes, avec Madrid et Séville ce sont mes trois arènes préférées. Mais Nîmes a en plus l'histoire grâce à l'amphithéâtre, on y ressent plus de choses, de vibrations, ici et nulle part ailleurs hormis à Arles un peu peut-être. Mais là je me mets en porte-à-faux...
La corrida de Robert Margé promet de belles choses, non ?
J'en attends beaucoup ! Mon début de saison a été compliqué car j'avais peu de contrats mais j'ai bien remonté la pente en triomphant à Bayonne notamment où j'ai coupé quatre oreilles et une queue, chose qui n'avait pas été faite depuis plus de vingt ans par un Français ! J'espère continuer sur cette lancée vendredi à Nîmes. J'ai confiance en cette ganaderia, je connais ces toros et récemment j'ai triomphé devant eux début août dans le sud-ouest en coupant trois oreilles à Villeneuve-de-Marsan. Je connais Robert et il a dû choisir ses meilleurs toros pour venir à Nîmes, ça devrait bien se passer !
Les compagnons de cartel seront aussi dans la competencia !
Oui ! Tous les trois on a vraiment envie d'être torero, nous sommes jeunes et dans un moment de notre carrière où l'on doit encore faire nos preuves, démontrer au public notre potentiel. Autant vous dire que nous devons exprimer encore pas mal de choses ! Leo Valadez et le Rafi vont montrer des choses différentes, le public peut se régaler. La competencia, cette rivalité saine, manque dans la tauromachie, il faut ce piquant et les toros de Robert Margé seront de très bons arbitres.
Deux ans après avoir pris votre alternative, quel est votre bilan ?
La première année a été une année complète de juin à octobre. Je suis sorti a hombros après presque toutes les corridas auxquelles j'ai participé. Mais cette année, inexplicablement, les directions des grandes arènes m'ont écarté et je ne sais pas pourquoi. Ce sont des choses qui arrivent, je ne m'en prends qu'à moi, je n'ai pas dû faire tout ce qu'il fallait. Je pense avoir réussi, depuis, à démontrer que les empresas se sont trompées. J'ai donné une nouvelle dimension à mon toreo, les gens l'ont vu, j'ai évolué et j'ai pris beaucoup de maturité, je veux devenir un torero important, c'est mon objectif.
Carte blanche ! Qu'avez-vous à nous dire que nous n'avons pas encore mis en lumière ?
On va parler toros, bien sûr, c'est ma passion, ma vie. Je veux dire aux politiques, comme le député Aymeric Caron, et à tous ceux qui attaquent tout et qui veulent interdire la tauromachie, qu'avant d'attaquer quelque chose il faut connaître ce dont on parle. Monsieur Caron n'a jamais vu une corrida de sa vie. Je l'invite à découvrir les toros et à voir tout le respect que l'on a pour cet animal. Après, il pourra émettre un jugement, mais c'est un manque de respect de parler sans savoir. Pourquoi vouloir priver de liberté autant de personnes qui chérissent cette culture depuis tellement d'années ? Un député parisien ne doit pas nous donner des leçons et nous enlever la liberté d'aller aux toros ! Je demande du respect, de la compréhension et que ces personnes se dédient à arranger la vie des gens... Comparés à la magnificence de la culture taurine, ces gens-là ne sont personne. Laissez-nous vivre notre vie comme on le veut.
Pour acheter vos places c'est de 9h30 à 18h aux guichets de SCP France, au 4 rue de la Violette (non-stop les jours de spectacles). Pour les réservations par téléphone, contactez le numéro suivant : 08.91.70.14.01 (0,225 euros/min). Et., bien sûr, sur internet ici, www.arenesdenimes.com.