AU PALAIS Conflit de générations : papi sort la machette, le jeune prend une chaise
Raymond, 68 ans, ne supporte plus le bruit du scooter de Mohamed, un jeune homme de 25 ans qui vient sans arrêt dans l'immeuble depuis qu'il s'est amouraché de la voisine de palier du retraité, deux mois plus tôt.
Le 5 septembre dernier, un peu avant 20h, Mohamed débarque une nouvelle fois au pied de l'immeuble de sa dulcinée. À sa fenêtre, excédé par le bruit de l'engin, Raymond fulmine. Il sort sur son palier pour s'expliquer avec Mohamed qui vient d'entrer dans l'ascenseur. Au troisième étage, quand les portes s'ouvrent, le jeune homme découvre un Raymond en furie, les bras en l'air tenant dans sa main une machette de 30 centimètres de long. Mohamed est effrayé.
- J'ai eu peur. Il était alcoolisé, il faisait des grands gestes avec sa machette. Je suis allé chercher une chaise dans la cage d'escalier pour me défendre. Je suis une victime dans cette affaire, assure-t-il.
Pourtant, il a jusqu'alors été considéré comme l'auteur des faits puisqu'il est poursuivi pour violences avec arme, la fameuse chaise. Raymond, légèrement blessé au visage, serait quant à lui la victime. Il vient à la barre pour raconter sa version :
- Il n'était pas tout seul comme il le dit, ils étaient deux. Pour leur faire peur, j'avais pris une machette, un souvenir de La Réunion que j'avais pour couper de la canne à sucre. Quand je leur ai dit de faire moins de bruit, l'un est allé chercher une chaise et l'autre m'a frappé.
Il commence à déboutonner sa chemise pour montrer ses blessures. Le président Jean-Pierre Bandiera l'interrompt :
- Ce n'est pas la peine de nous faire un streap-tease, on a les photos.
Raymond reboutonne sa chemise et finit sa description d'une scène de violence dont il jure être la victime et qu'il l'a énormément choqué, voire traumatisé. Le président questionne :
- Il semblerait que vous aviez bu ce jour-là ?
- Non... enfin, après, pour me remonter j'ai bu un petit verre de whisky.
- Donc après les faits que vous venez de nous raconter, vous avez le temps de rentrer chez vous et d'aller boire un whisky ?
Mal à l'aise, Raymond ne répond pas. On sent que le tribunal est pris d'un sérieux doute. Le ministère public ne demande aucune peine. L'avocate de Mohamed, Perrine Teissonnière, s'engouffre dans la brèche et enfonce :
- Il y a deux poids, une mesure dans cette affaire. On est parti sur des stéréotypes : un jeune homme avec un casier contre un homme d'un certain âge.
Le tribunal a rééquilibré la balance en relaxant Mohamed considérant qu'il était en légitime défense. Le juge a néanmoins conseillé au jeune homme de se comporter avec "beaucoup de prudence" s'il doit retourner sur les lieux.
Tony Duret
tony.duret@objectifgard.com