ÉDITORIAL Décoder les mécanismes du silence
Trois ans après le mouvement #Me Too, qui avait émergé suite aux révélations sur le producteur américain de cinéma Harvey Weinstein, où des millions de femmes partout dans le monde racontaient les violences sexistes et sexuelles dont elles avaient été victimes, depuis ce week-end, c'est un nouveau phénomène qui semble avoir pris forme sur le réseau social Twitter. Des internautes français racontent les abus dont ils ont été victimes étant enfants, dans la sphère familiale avec le mot clé #MeTooInceste. Cette fois-ci, c'est un livre qui est le détonateur. Celui de Camille Kouchner. “La familia grande” (au Seuil), sorti le 7 janvier, fait l’effet d’un véritable séisme médiatique et politique. La fille de Bernard Kouchner brise l’omerta et accuse son beau-père, Olivier Duhamel, de s’être rendu coupable d’inceste à la fin des années 80 sur son frère jumeau. Depuis, le politologue bien connu des médias parisiens a démissionné de tous ses postes. Cela n'a pas empêché ce samedi des milliers d'internautes de sortir du silence et de prendre la parole pour évoquer leur propre expérience traumatisante. Un tabou qui tombe, à l'instar de celui des violences sexuelles faites aux femmes. Se pose toutefois toujours la question du poids des réseaux sociaux comme Twitter qui peuvent se transformer en tribunal médiatique et faire accuser à tort et à travers sans apporter de preuves. Nous avons eu l'occasion de vivre l'expérience cette semaine au collège de Saint-Gilles où un professeur a été faussement accusé de montrer des images pornographiques à des élèves. Celà étant dit, ce mouvement ouvre les yeux sur le manque de moyens des victimes pour mettre en lumière ces actes inqualifiables. L'État et les services au contact d'enfants doivent donc rapidement trouver les moyens pour offrir une expression libre plus accessible et contrôlée. L'occasion peut-être d'organiser comme pour les violences faites aux femmes, un Grenelle pour les enfants victimes de prédateurs afin de décoder les mécanismes du silence et libérer de l’emprise. Poser un constat, identifier les différentes situations, organiser des campagnes de prévention massives. Agir. Enfin.
Abdel Samari