FAIT DU SOIR À l'usine Eminence de Sauve, l'activité passe à 50%, au moins pour trois mois

L'atelier de confection de Sauve a été o-uvert il y a plus de trente ans
- François DesmeuresCadres et couturières ont manifesté, ce mardi matin, devant leur usine de Sauve, en réaction à la confirmation de la volonté de l'entreprise de les passer à 50% d'activité pour trois mois, à partir du 2 mai. Le site n'est pas menacé, selon la direction, qui affirme chercher de la flexibilité. Mais les employés sont inquiets, alors qu'ils ne toucheront plus que 72% de leur salaire net.
Il ne reste "que trois ou quatre personnes dans l'usine", affirme un salarié devant les grilles du site d'Eminence à Sauve, alors que les salariés ont décidé de cesser le travail. Ce mardi matin, à 10 heures, couturières et cadres voulaient protester contre la demande faite par l'entreprise de passer l'ensemble du site à 50% d'activité. "Aucune décision n'est prise officiellement", précise néanmoins Amélie Gessner, responsable RSE de l'entreprise, au siège d'Aimargues. En fait, l'entreprise attend l'accord de la DREETS (direction régionale de l'économie, de l'emploi, du travail et des solidarités) pour valider cette activité rétrécie.
À partir du 2 mai, trois mois d'activité partielle attendent donc les 61 équivalents temps plein du site sauvain, en grande majorité des femmes. L'usine n'ouvrirait donc que 2,5 jours par semaine, au lieu de cinq. "On sentait la baisse d'activité depuis deux ans, reconnaît Stéphanie Genton, déléguée Force ouvrière. Par exemple, le Slip français, on a eu une baisse au niveau des commandes parce qu'ils ont ouvert leur atelier en région parisienne". (relire ici la promotion organisée à Sauve il y a un an et demi)
À Sauve, Eminence produit surtout des caleçons sous cette marque, ou des tee-shirts blancs. La marque Athena, plus abordable, est déjà entièrement produite à l'étranger. "Le ralentissement d'activité est dû à la baisse globale de demande de produits fabriqués en France", plaide Amélie Gessner. Alors que l'immense majorité des produits de la marque sont écoulés en grande et moyenne surfaces (GMS), "le secteur est très serré sur les prix. On assiste à une baisse significative des carnets de nos donneurs d'ordre". L'entreprise chiffre la baisse à - 68%, entre 2021 et 2025 "sur nos marques propres. Et la tendance ne repart pas à la hausse, même si on a fait certifier nos produits "Origine France garantie". Mais le prix reste le facteur numéro 1 dans l'acte d'achat."
"Nos marges ont tendance à baisser", plaide Amélie Gessner. À Sauve, le discours est inverse devant les grilles de l'usine. "On produit désormais surtout au Maroc, dans les pays de l'Est. L'entreprise pourrait un peu rogner sur sa marge pour garder l'activité ici." Venu en renfort d'Aimargues, le délégué CGT Nans Serrano souhaite d'ailleurs "faire abroger le projet d'activité partlielle". Pour lui, "la baisse d'activité est faite volontairement". Son homologue de la CFE-CGC, Christophe Madrid, qui représente les cadres, nuance un peu en parlant de baisse d'activité "réelle mais aussi organisée".
D'où il est, Nans Serrano ne ressent pas la baises d'activité. "On vient de vivre une année avec un surcroît de travail, avec la présence de 70 intérimaires sur l'année. On a même travaillé trente samedis dans l'année. Et tout ça pour nous dire : plus de 60 salariés vont passer en activité partielle." Pour compenser la sur-activité du site de Petite Camargue, "l'idée a été de dire "regardez si vous ne voulez pas venir sur Aimargues", raconte Christophe Madrid. "On a proposé des solutions alternatives aux salariés de Sauve, confirme Amélie Gessner : de venir travailler sur Aimargues, durant ces trois mois, avec une navette gratuite au départ de Sauve. Ce qui leur permettrait d'éviter l'activité partielle. On les formerait sur les postes d'ici."
"Le but n'est pas de faire continuer cette situation au-delà des trois mois"
Amélie Gessner, responsable communication d'Eminence
"Le but n'est pas de faire continuer cette situation au-delà des trois mois, insiste Amélie Gessner. L'usine de Sauve existe depuis trente ans, elle fait partie de l'histoire du groupe. Tout notre savoir-faire vient de ce site." Car à Aimargues, on ne confectionne pas mais on coupe. Et, surtout, toute la partie logistique se joue là-bas. "On recherche juste de la flexibilité", avance Amélie Gessner. Par communiqué de presse, l'entreprise le promet : "Nous espérons pouvoir rétablir une activité pleine dans les meilleures conditions possibles dès que la situation le permettra. Notre objectif est de protéger l'entreprise sur le long terme en préservant le maximum d'emplois possibles."
Chez les salariés en chômage partiel, qui toucheront 72% de leur salaire net, l'après mois d'août reste, néanmoins, incertain et préoccupant. L'inquiétude gagne aussi les élus. Le maire, Olivier Gaillard, s'est joint aux manifestants, ce mardi matin, en compagnie d'une partie des élus du conseil municipal. "Je n'ai aucun contact avec l'entreprise, regrette Olivier Gaillard. J'ai été alerté par des représentants du personnel mais, depuis, je n'ai aucun contact. La direction était plus prompte à venir me voir quand elle avait besoin d'une salle municipale pour l'embauche de couturières."
Le maire dénonce une "pure strarégie mercantile" depuis le rachat de l'entreprise par le groupe israélo-américian Delta Galil, en 2018, "qui met à mal des générations de couturières et de familles". À ses côtés, le maire de Quissac, Serge Cathala, est venu représenter la communauté de communes du Piémont cévenol, en tant que délégué au développement économique. "Il y a quinze jours, raconte l'élu, j'ai envoyé un mail à la direction de l'entreprise quand sont sorties les premières rumeurs de chômage partiel. Leur réponse a été : "Pourquoi voulez-vous me voir ?..." Depuis, je n'ai plus aucune réponse..."