Publié il y a 6 ans - Mise à jour le 26.09.2018 - coralie-mollaret - 3 min  - vu 1457 fois

FAIT DU JOUR À Beaucaire, la laïcité passe par l’assiette

Le préfet du Gard et trois associations poursuivent en justice le maire Rassemblement national (ex-FN), Julien Sanchez, pour le rétablissement des menus sans porc dans les cantines scolaires.
Hier matin devant la tribunal administratif de Nîmes... Au centre, le maire FN de Beaucaire Julien Sanchez, entouré de ses adjoints

La décision des juges du tribunal administratif a été mise en délibéré... (Photo : Coralie Mollaret)

La fin des repas de substitution à Beaucaire était au menu du tribunal administratif de Nîmes, ce mardi.

Trois associations - la Ligue des droits de l’Homme, la LICRA ainsi que le Rassemblement citoyen (*) - ont déposé un recours contre la décision de Julien Sanchez. À cette coalition, s’est ajoutée en parallèle le recours du préfet du Gard, Didier Lauga, qui a également fait citer le maire Rassemblement national (ex-FN) devant la justice.

Le litige remonte à décembre 2017. Dans un encart du journal municipal, l'édile annonce la fin des menus sans porc au 1er janvier 2018, les qualifiant « d’anti-républicains. » Instauré en 2009 par son prédécesseur, Jacques Bourbousson, le dispositif concerne alors 150 menus sur les 600 servis dans les cinq cantines de la commune.

Le rapporteur demande l’annulation

L’émoi suscité par cette décision est immédiat : manifestations, déclarations diverses de responsables politiques… La mesure remet sur la table le principe de laïcité, un principe qui garantit le vivre-ensemble dans le respect des différentes croyances. « C’est un sujet controversé qui dépasse nos frontières », souligne le rapporteur public qui a d'ailleurs donné un avis sur la forme, et non sur le fond de l’affaire.

Le rapporteur demande « l’annulation de la décision », soutenant que l'arrêt de ces menus doit résulter « d’une délibération en conseil municipal », l’organisation des services publics ne relevant « pas des compétences du maire (**). » Un argument réfuté par l’avocate de Julien Sanchez, Me Sylvie Josserand : « aucune délibération du conseil municipal n’a été nécessaire pour instaurer ces menus. Alors pourquoi reprocher aujourd’hui au maire de faire ce que son prédécesseur a fait seul ? » 

« Violation » des droits de l’enfant

Sur le fond de l'affaire, l'avocat de l’association Rassemblement Citoyen, Me Jérome Privat, estime qu'à Beaucaire la laïcité est bafouée. Selon lui, « ces repas permettent d’assurer avec souplesse le principe d’égalité devant les services publics.» Un égalité au titre de la « liberté de conscience » que confère « l’article 14 de la Convention internationale des Droits de l'enfant. »

Pour l’association Rassemblement citoyen « la décision du maire a une visée purement idéologique et dogmatique ! » (Photo : Coralie Mollaret)

Or, « en imposant le porc tous les lundis, le maire sait pertinemment que les parents des enfants de confession musulmane ne les inscriront plus. » À la « violation manifeste » des droits de l’enfant, l’avocat de la Maison de l’égalité rappelle le jugement du tribunal de Dijon. En août 2017, les juges ont annulé la décision du maire de Chalon-sur-Saône au motif « qu’elle ne relevait d’aucune contrainte financière ou technique. »

Le menu sans porc « n'est pas un droit » 

La défense soutient, elle, que les repas de substitution ne relèvent aucunement d’un droit. Me Josserand s’appuie sur une circulaire de 2010 et sur une récente déclaration du ministre de l’Éducation indiquant « que l’adaptation des menus en raison de la confession des usagers n’est ni un droit pour les usagers, ni une obligation pour les collectivités. » Cette revendication serait donc à mettre au même titre « que les femmes qui refusent d’être examinées par des médecins hommes à l’hôpital. »

Le maire Julien Sanchez soutient que : « l’adaptation des menus en raison de la confession des usagers n’est pas un droit pour les usagers, ni une obligation pour les collectivités » (Photo : Coralie Mollaret)

Me Josserand poursuit en estimant que « si les parents veulent que leurs enfants mangent à la cantine, ils peuvent les inscrire dans une école confessionnelle ! » Et de mettre à nouveau sur un même pied d’égalité : « pour les végétariens, les personnes allergiques ? Y-a-t-il des repas de substitution ? » À Beaucaire « les choses sont claires ! Et le législateur a prévu de modifier la loi. » Nos députés devraient, peut-être, se pencher sur le sujet. En attendant, la décision a été mise en délibéré et sera rendu courant octobre.

Coralie Mollaret

  coralie.mollaret@objectifgard.com 

* La démarche est soutenue par la FCPE (Fédération des parents d’élèves du Gard).

** Article L21 22 -22.4 du Code général des collectivités territoriales et arrêté du Conseil d'État du 14 avril 1995. 

Coralie Mollaret

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