FAIT DU JOUR L’Afrique dans les yeux des Nîmois
L'impressionnante collection nîmoise souligne « l’universalité de l’espèce humaine », commente la directrice du Musée, Adeline Rouilly.
Un fétiche du Royaume du Dahomey (aujourd'hui Bénin), un fût du Gabon ou encore des boîtes à couvercle d’Éthiopie… Si nos cultures sont différentes, l'Homme présente indéniablement les mêmes besoins : se nourrir, s'exprimer dans l’écriture, l'art ou se transcender dans la spiritualité. Parfois oubliée ou sciemment éludée, la collection Afrique du Musée d’histoire naturelle(*) est une réalité qui frappe au visage.
L'importante collection Afrique donne ses lettres de noblesse au Musée nîmois, classé au 6ème rang des musées d'histoire naturelle de France. Les pièces répertoriées témoignent de la diversité des sociétés africaines au XIXème siècle. C'est aussi un regard porté par les Européens, au temps de la colonisation. Une invasion brutale et meurtrière, qualifiée par certains - dont le Président de la République, Emmanuel Macron - de crime contre l'humanité.
Regard colonial sur les sociétés africaines
La plupart des donateurs sont donc « des militaires, médecins, agents du gouvernement engagés dans ce nouveau processus », relève Josette Rivallain, ethnologue africaniste(**). Ces legs racontent l’avancée des conquêtes coloniales et la volonté de montrer aux Français métropolitains ce qu’il y avait au-delà des mers et océans.
C'est par exemple le cas de Gorges Revoil (1852-1894). Subventionné par le ministère de l’Instruction publique, le Nîmois ramena de la corne de l’Afrique (Ethiopie) des échantillons de matières comme plumes d’autruches, des minéraux ainsi que divers objets.
Employé des services postaux, Jules Levain donna lui-aussi au musée des objets du Dahomey (ex-Bénin), comme ce fétiche du Bénin (ci-dessous). « Une sorte de chien ou cochon sur lequel un miroir est disposé pour chasser les mauvais esprits », commente la directrice du musée, Adeline Rouilly.
Un trésor à protéger
« Depuis 50 ans, nous avons moins de dons », déplore la directrice. Le Musée a toutefois d’autres pièces dans sa réserve qui, faute de place, ne peuvent être exposées… Il serait aussi interessant de savoir exactement comment les donateurs se sont procurés ces objets ? « Certains ont été sauvés de la destruction », répond partiellement Adeline Rouilly, assurant qu’aucun pays « n’a fait de demande pour en récupérer. »
Si le travail Josette Rivallain a permis d'identifier plusieurs pièces, l’ethnologue remarque que « les donateurs ont rarement eu le souci d’en noter les fonctions. Aussi, avons-nous tendance à les voir à travers nos propres habitudes que nous risquons malencontreusement de projeter sur eux. »
Un projet de rénovation du musée permettrait de revitaliser la collection Afrique, mais aussi d'impulser d'autres coopérations avec des musées africains. Un nouveau regard, en coopération avec nos voisins africains ? De quoi démontrer qu'importe notre couleur de peau ou notre religion, nous appartenons à une seule et même espèce : l'espèce humaine.
La connaissance de l'autre et donc nous-même, étant un bon moyen de se prémunir des erreurs du passé...
Coralie Mollaret
coralie.mollaret@objectifgard.com
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(*) Le Musée a ouvert officiellement en 1895.
(**) Propos tiré du catalogue de Josette Rivallain « Voyage dans les collections » de l’ethnologie africaine du musée de Nîmes. Josette Rivallain est maître de conférences au musée de l'Homme.