Publié il y a 2 ans - Mise à jour le 15.01.2022 - anthony-maurin - 5 min  - vu 6167 fois

FAIT DU JOUR Un rempart romain et 2000 ans d'histoire à faire vivre

En haut, la Tour magne, un autre repère du rempart. En bas, les vestiges d'une tour (Photo Anthony Maurin).

Michel Aubert, Louis Scotto et François Grillat, font partie de l'association les trois tours et défendent le rempart romain de la ville de Nîmes (Photo Anthony Maurin).

L'association Les Trois tours n'a rien à voir avec Tolkien qui n'en avait que deux. Elle n'a rien à voir non plus avec des magiciens ou des coureurs cyclistes. Elle parle de romanité et patrimoine nîmois en danger. Dense programme pour Nîmes.

Vous connaissez les arènes, la Maison carrée ou la Tour Magne ? Dans une moindre mesure vous avez déjà entendu parler de la source de la Fontaine, du rare castellum aquae, de quelques théâtres ou thermes. Il est une chose qui est pourtant sous vos yeux depuis autant d'années mais que vous ne voyez même pas. Si vous vous baladez sur le parvis des arènes vous y verrez au sol une sorte de démarcation avec des formes tantôt rectilignes, tantôt arrondies.

Dans le jardin du Musée de la romanité, ces lignes prennent une autre dimension et redeviennent une partie du rempart antique de Nemausus. Mais si vous voulez voir mieux, plus grand, plus beau, il faut se rapprocher du pied de la route de Sauve ou aller directement sur les hauteurs de Montaury.

Voici le rempart augustéen de la ville de Nîmes. Commandé en 16 avant notre ère, ce rempart n’aurait été achevé que quarante ans plus tard comme l’attestent les monnaies trouvées sur place. On ne sait pas qui l'a édifié mais l'architecture qui a élaboré les plans des tours, toutes de formes différentes, témoigne non pas d'un art de la guerre mais bien de la fonction d’apparat de l'enceinte nîmoise.

Au sommet, le rempart est abimé, prêt à tomber, creusé par une petite route menant de l'autre côté. Une consolidation serait de bon aloi (Photo Anthony Maurin).

Quasi invisible pour les non avertis, encore moins pour les touristes, le rempart est pourtant une attraction majeure. Avec plus de six kilomètres de long, l'enceinte nîmoise est une des plus grandes et des mieux conservées de France et du monde romain. 80 tours, une dizaine de portes, une hauteur de plus de 11 mètres et une épaisseur de plus de deux. Mais il se trouve que Nîmes n'a fait classer ce petit bijou qu'en 1989 aux monuments historiques.

Au pied du bout du rempart, une poterne et une tour (premier plan) jouxtent le parking et la chaussée (Photo Anthony Maurin).

Depuis, les années ont passé mais le patrimoine n'a pas été valorisé. Enfin pas partout. Le coin le plus intéressant pour en parler, c'est au sommet de Montaury où trois veilleurs gardent les vestiges pour que nul ne les oublie : Louis Scotto, président de l'association Les Trois tours, Michel Aubert, le vice-président et François Grillat, le secrétaire.  "L'association a pour vocation de monter un projet pour cette partie de la muraille de Nîmes en sollicitant l'aide de la Mairie mais aussi du Département, deux des propriétaires fonciers des parcelles qui environnent le rempart. Nous avons monté l'association car le dossier était devenu trop important pour le seul comité de quartier. Nos adhérents sont passionnés par l'histoire, par la Nîmes romaine, par cette enceinte... Nous avons aussi des architectes, des spécialistes et des gens éclairés. Nous ne sommes plus seulement des citoyens qui s'intéressent à l'Antiquité."

Un atout touristique ? Bien sûr !

À l'heure où le patrimoine prend une nouvelle dimension, l'association veille à ce que rien ne se perdre. Quand on voyage, on veut voir quelque chose que l'on ne verra pas ailleurs et à Nîmes les touristes pourraient voir l'un des amphithéâtres les mieux conservés, le temple le mieux conservé et, le seul castelleum aquae encore debout avec celui de Pompéi et une longue partie d'un rempart antique, chose quasi introuvable. "Vous savez, les gens, Nîmois ou touristes, sont très motivés par la Nîmes romaine et nous, nous aimerions  sauvegarder cette portion de muraille longue de 300 mètres et laissée quasi à l'abandon. Tours et poternes ont été dégagées grâce aux fouilles entreprises mais il faut faire quelque chose rapidement."

Un gros bloc taillé ? Oui, c'est une pierre mais c'est aussi une rareté, à droite le rempart et derrière, un immeuble d'habitation (Photo Anthony Maurin).

Oui, si tout a été dégagé c'est grâce à une volonté de fer, à des personnes qui aiment retracer l'histoire de la cité. Une histoire qui se prolonge jusqu'à nous, derniers descendants de cet héritage qu'il faut remettre au goût du jour. "Nous souhaitons simplement valoriser un élément majeur de la Nîmes de l'époque. Nous y travaillons mais il faut comprendre que le terrain est complexe. Il y a une forte dénivellation, le rempart fait 300 mètres linéaires sur une belle hauteur, il y a trois tours visible et le tout est bâti sur une zone de plus de 6 000m² de terrain qu'il faut réaménager. Un cheminement ludique, pédagogique mais aussi un cheminement situé en-dehors du site et ouvert à tous sont les deux options complémentaires. " Cependant, quelques problèmes subsistent et voient le jour.

Sur le bas du terrain, la dernière tour qui surplombe la route de Sauve (Photo Anthony Maurin).

On le sait, l'urbanisme de Nîmes est particulier. Ici, la notion de foncier est particulière et celle des monuments antiques n'est pas forcément en adéquation avec leur sauvegarde et/ou leur partage. "Il y a une parcelle de plus de 2 200 m², une partie privée mais non constructible. Nous voulons aussi dégager entièrement la tour barlongue et sa poterne mais une route passe dessus. Avec le Département nous étudions des possibilités de dégagement. Les dernières avancées se portent sur une voie d'accès qui sert à sécuriser les proches habitations et le centre de La Croix-Rouge. On se dit que si le Département avance, la Ville avancera aussi."

En bas, on voit bien le parement original, plus on monte, plus le parement a subi les affres du temps. Cette partie du rempart est sans doute tombée au Moyen-Âge (Photo Anthony Maurin).

C'est souvent le cas, quand une collectivité se mouille, les autres suivent. "L'important, c'est que cette muraille soit enfin associée au reste des monuments à Nîmes. Nous sommes très honnêtement étonnés que les élus ne fassent pas tilt sur une telle question. La tour pédonculée et celle qui est tout en bas, près de la route de Sauve, seraient magnifiques illuminées la nuit."

Paroles de passionnés

Quand on parle à ces trois passionnés et riverains de nous dire ce que représente ce mur, pour Michel Aubert, "cette enceinte, pour moi, c'est l'histoire de Nîmes, c'est notre patrimoine. Ça m'est cher et je veux protéger cet ensemble en le mettant en valeur mais avant tout en le sauvegardant comme le fait le comité de quartier depuis 12 ans. Nous avons demandé à placer cette zone sous un statut spécial, la maison accolée, en bas, au rempart, a été racheté par la Mairie, nous avons financé (NDLR, aidé par la Drac) les campagnes de fouilles bénévoles de Richard Pellé pendant six étés. Le Plan local d'urbanisme a été changé non sans difficultés et nous avons empêché un permis de construire. Ce lieu doit faire partie du circuit touristique mais avant cela il faut tout sauvegarder et aménager."

La hauteur du rempart est impressionnante (Photo Anthony Maurin).

De son côté, Louis Scotto y voit "la limite extérieure de la ville romaine. Cette enceinte maternait la cité, elle la protégeait. Elle n'était pas une muraille défensive car il aurait fallu bien plus de troupes pour la défendre. Elle a une vraie valeur symbolique et j'aimerais au moins qu'une tour et qu'une partie de ce rempart soient remis en état, parement compris. Je suis un passionné de l'Antiquité. Je voyage depuis mes 17 ans à travers le monde et je peux vous dire que c'est assez rare de voir cela par chez nous."

D'en bas, près de la route de Sauve (Photo Anthony Maurin).

François Grillat reste quant à lui déçu par le manque de considération que les élus portent à cet ensemble aussi majestueux qu'important. "Je ne comprends pas. C'est pourtant une chose évidente. Nous avons un rempart, bien conservé et d'une belle longueur et nous n'en faisons rien d'autre que de le laisser à l'abandon alors que la Ville s'intéresse au classement à l'Unesco de la Maison carrée. On a fait beaucoup d'efforts mais peut-être que ce n'est pas assez prestigieux ! En tout cas, il faut batailler mais avec cet élément en plus sur nos cartes et nos guides touristiques, nous renforcerions le poids de la romanité à Nîmes."

Par endroit, on a l'impression que l'antique rempart se fait peu à peu dévorer par la végétation (Photo Anthony Maurin).

Anthony Maurin

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