HISTOIRE DE PONTS L'antique pont de Sommières n'est pas celui de Tibère !
Durant tout l’été, Objectif Gard vous propose ses nouvelles rubriques. Tous les mardis, la rédaction revient sur l’histoire d’un pont du département. Aujourd’hui, le Pont Tibère... ou plutôt le pont romain de Sommières.
C'est un ouvrage unique, qui fut habité et qui est inscrit à l'inventaire des Monuments historiques depuis 2018 auquel nous avons affaire aujourd'hui. Sur le tumultueux Vidourle, le pont de Sommières est encore là, utilisé par ses usagers, près de deux millénaires après son édification.
Le pont romain, aussi dénommé à tort le "pont Tibère", est un imposant vestige mais il est bien plus qu'un seul vestige. Il est le témoin du passé antique de la ville et de la région. Avec ses 189 mètres de long et ses 21 arches, dont seules sept restent encore visibles, le pont daterait du début du Ier siècle de notre ère. Ce pont permettait ainsi le passage d'une voie romaine secondaire reliant Nîmes à Vieille-Toulouse.
Aujourd'hui, Sommières est la seule ville à secteur sauvegardé du département du Gard à posséder un ouvrage d'art unique en Europe avec ce pont romain qui est l'un des rares édifices de cette époque encore conservé entier, utilisé de nos jours et habité depuis le Moyen-Âge. Il compte parmi les seuls ponts habités d'Europe aux côtés du célèbre Ponte Vecchio en Italie...
La particularité de cet ouvrage est qu'il fut, au Moyen-Âge, absorbé par la ville qui s'est développée en contrebas du château dans le lit du fleuve et empiétant ainsi sur le pont. L'ouvrage a vraisemblablement subi des restaurations dès le XVe siècle. Mais pourquoi avoir placé un pont à Sommières ?
La cité se trouve, dès l'Antiquité, au carrefour de voies de communications importantes. L'axe nord-sud qu'est le Vidourle et l'axe est-ouest que constitue la voie romaine reliant Nîmes à Vieille-Toulouse sont des lieux cruciaux pour l'époque. Cette position privilégiée, tout comme la proximité de Nemausus (Nîmes d'alors), ont permis le développement de la ville dès cette époque avec une cité importante sur Villevieille, mais surtout au Moyen-Âge sous la protection du château.
Le pont, dont la construction est traditionnellement attribuée à l'Empereur Tibère (19 à 31 ap. J.-C.), serait selon une étude récente du CNRS antérieur et daterait de l'époque Augustéenne (charnière entre le Ier siècle av. J.-C. et le Ier siècle ap. J.-C.).
À partir des XIIe et XIIIe siècles, Sommières se développe grâce aux privilèges qui lui sont accordés par le roi ainsi que grâce à sa position sur le Vidourle. Elle devient un bourg commercial important et va alors s'étendre dans le lit du fleuve. Pour cela, six arches du pont sont bouchées et des maisons viennent s'y accoler. Les voûtes originelles sont aujourd'hui cachées dans les caves des immeubles construits de part et d’autre du pont. Mais si vous descendez place du Marché, empruntez la rue de la Grave et levez la tête, vous découvrirez les grandes pierres romaines datant de la construction du pont.
De part et d'autre du pont se trouvaient deux tours : la tour crénelée du Beffroi et, lui faisant face de l'autre côté du pont, la tour de la Glaizette détruite en 1715. Aujourd'hui, la partie visible du pont n'a plus rien à voir avec le pont d'origine car il a subi de nombreuses restaurations à partir du XVIe siècle comme l'attestent plusieurs lettres patentes. Des travaux furent réalisés également aux XVIIe et surtout XVIIIe siècles. Ils ont transformé l'aspect du pont antique.
Ces dernières années, le pont a fait l'objet de diverses études notamment de l'entreprise ADM3D qui a numérisé une partie du pont et fait des relevés en 3D. En 2008, le CNRS a fait une étude approfondie du pont pour le colloque national "Les ponts routiers en Gaule romaine". Le projet de mise en valeur du pont antique, conduit par la ville et étayé par l'étude du secteur sauvegardé de Sommières, entreprise par la DRAC Occitanie (Direction régionale des affaires culturelles), permet de découvrir l'image du pont dans sa totalité.
Les nombreuses analyses architecturales, études archéologiques et urbaines, recherches historiques et relevés 3D, ont révélé un regard nouveau sur l'emprise du pont, le nombre d'arches et développement de l'habitat de part et d'autre de l'édifice. Et aussi un film sur le pont de Sommières avec le concours de la DRAC Languedoc-Roussillon, produit par la société Passé Simple et réalisé par Marc Azema.