Publié il y a 5 ans - Mise à jour le 23.10.2019 - anthony-maurin - 4 min  - vu 460 fois

MERCREDI CULTURE Serre Cavalier à cheval sur la mémoire

Histoire du tournage d'un documentaire qui sera diffusé le 4 novembre dans le cadre du mois du film documentaire.
Louisette à gauche, Estelle à droite (Photo Anthony Maurin).

Serre Cavalier (Photo Anthony Maurin).

Une projection sera à voir au centre hospitalier universitaire Serre Cavalier de Nîmes, le 4 novembre prochain à 18h.

Estelle Brun, artiste plasticienne, vidéaste et collagiste est sortie de l’école des Beaux-Arts de Nîmes avec son diplôme en poche. Depuis dix ans, elle intervient dans son domaine de prédilection auprès de publics aussi différents que choisis. Son but ? Retourner la perception du téléspectateur à l’aide de belles ficelles qu’elle tire de derrière la caméra.

Avec les ateliers de portraits établis dans le cadre du mois du film documentaire, dont le thème n’est autre que portrait-autoportrait, les bibliothèques de Nîmes et le CHU Serre Cavalier se sont alliés à Estelle Brun pour faire un film qui sera diffusé à Serre Cavalier en séance publique ouverte à tous.

Dans une petite salle, l'installation du tournage se met en place (Photo Anthony Maurin).

Sur le modèle des « 24 portraits » d’Alain Cavalier (logique), Estelle et cinq pensionnaires sont passés à l’acte. Quinze pensionnaires avaient été contactés mais cinq se sont prêtés au jeu. Estelle veut tracer les visages de ces personnes afin de les préserver de l’oubli. Des gens ordinaires, mais pas seulement. Mot clé : l’indépendance de l’esprit. Cinq essais, cinq personnages pour autant de courtes histoires à raconter pour ne pas qu’elles se perdent dans les mailles intemporelles d’un éternel recommencement.

Souvenirs, anecdotes, passions ou métiers. Filmés dans leurs endroits de prédilection, ces personnes se livrent et délivrent un message empli de générosité et de bienveillance. Nous voilà avec Louise dite Louisette, 102 ans, une sacrée nana. « Tant qu’on a sa tête… Je suis curieuse de tout ! Je suis née le 28 décembre 1917 en Bretagne. Voilà une photo de moi dans les bras de ma grand-mère quand je n’avais que quelques mois. Mon père, Adolphe, a eu la médaille du sauvetage en mer car il était sous-officier dans la marine puis dans la marine militaire. Il est mort jeune, à l’âge de 36 ans, on pense que c’est une mort naturelle accentuée par un empoisonnement… »

Quelques souvenirs de Louisette (Photo Anthony Maurin).

Mais quand elle nous parle d’elle, Louisette a les yeux fondants et les lèvres qui dévorent encore cette vie passée. « Tous les jours je découvre quelque chose. C’est peut-être pour ça que je suis encore là ! J’adore le cinéma, il a suivi ma vie. Je fais une liste de ce que j’ai fait et vu, de tout ce qui m’est arrivé », poursuit la centenaire.

En parlant d’aventure, en voilà une. Au départ pour l’Indochine où elle se rendait en famille alors qu’elle n’était encore qu’une enfant, Louisette prend le bateau. Le passage du Canal du Suez effectué, place à l’océan. Une eau calme, des poissons volants et au bout de cinq jours de traversée, elle entend un énorme fracas sur la coque du bateau. « Nous avons mis un jour et demi pour arriver à Madras ! À l’époque, la France avait cinq comptoirs en Inde. Les mécaniciens ont cherché la panne et ça a duré deux jours pour la réparer. En réalité, c’était une baleine qui nous avait heurté en remontant à la surface. Elle avait arraché une pale de notre hélice ! Mais pendant ces deux jours d’attente, nous sommes sortis avec mes parents. »

Une fois dehors, alors que les autochtones mettent des turbans sur la tête, les Français restent le cheveu libre et le crâne prêt à se faire croquer par le soleil. « C’est là que ma mère a attrapé un coup de bambou comme on dit ! Un terrible coup de soleil. Sur place ils avaient l’habitude. Ils lui ont mis une grosse casserole sur la tête et l’eau a commencé à bouillir, ça l’a guéri. Après ça, nous avons porté les grands casques coloniaux jusqu’en Indochine ! »

La direction des bibliothèques de Nîmes, une salariée de Serre Cavalier et Estelle Brun entourent Louisette (Photo Anthony Maurin).

Mais l’anecdote ne s’arrête pas là. Après la mère, le père fait des siennes et joue avec les douaniers. Il a dans ses mains un lourd sac que les autorités veulent contrôler. « Il leur a assuré que c’étaient des fraises. Les douaniers ne l’ont pas cru car ils voyaient que c’était plus lourd que des fraises. Mon père a voulu parier avec eux… Il a ouvert le sac et les douaniers ont perdu car il avait des fraises métalliques pour forer ! Que d’émotions pour nous ! »

(Photo Anthony Maurin).

Une forêt aride, un énorme papillon, le détroit de Messine passé de nuit avec une vue imprenable sur le volcan Stromboli, des pièces jetées par-dessus le bord pour que d’autres aillent les chercher à la mer… Des anecdotes sur les autos car il n’y avait pas encore les avions… « Comme mon père avait une Ford et qu’elle fonctionnait mal, plusieurs fois les buffles nous ont aidé à la tirer ! Un jour, j’ai passé 15 jours sur le bateau des patrons chinois de mon père qui avaient jeté l’ancre dans la baie d’Along. Un séjour merveilleux avec ses criques, se grottes et les cris des singes dans la nuit. Je les entends encore très bien ! Merci d’avoir écouté mes petites histoires », conclut Louisette.

(Photo Anthony Maurin)

Anthony Maurin

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