Publié il y a 2 ans - Mise à jour le 20.02.2022 - pierre-havez - 3 min  - vu 3078 fois

AU PALAIS Le juge : « Votre victime a les côtes cassées, et vous dîtes que c’est de sa faute ? »

La cour d'assises - tribunal de Nîmes. Photo Tony Duret / Objectif Gard

Difficile de croire que le prévenu qui pénètre péniblement dans le box du tribunal judiciaire de Nîmes, ce jeudi 17 février 2022, a percuté quelques jours plus tôt, à près de 200 km/h, une autre voiture sur l’autoroute.

L’homme de 56 ans, cheveux blancs dégarnis, yeux jaunis et lunettes relevées sur le front, en paraît presque vingt de plus. Au volant de sa Porsche Caïman immatriculée en Suisse, sans permis, ni assurance, il a embouti violemment l’arrière d’une voiture en train de doubler tranquillement sur l’autoroute. La Nissan Micra conduite… par un élève de l’école de police de Nîmes effectue plusieurs têtes-à-queue avant de finir contre la rambarde de sécurité.

« Ce qui est encore plus surprenant encore, c’est qu’au lieu de prendre des nouvelles de votre victime, vous lui reprochez sa conduite, avant de disparaître au moment de l’arrivée des secours, gronde sourdement le président Jérôme Reynes. Pire, une quarantaine de minutes après les faits, vous retirez la carte Sim de votre portable. Et, lorsque l’on vous interpelle finalement, vers 8h45 du matin, vous avez encore plus d’1 mg d’alcool/L ! »

Carte Sim

En sursis pour des faits similaires, le récidiviste ne semble pas réaliser la dangerosité de sa conduite. « La voiture a déboité trop près devant moi », tente -t-il de se justifier. « Votre victime a eu 10 jours d’ITT, avec des côtes cassées, et vous dîtes que c’est de sa faute ? », s’étrangle le juge, interloqué. « C’est pas beaucoup », articule difficilement le chauffard. « Très bien, alors pourquoi prenez-vous la fuite, si ce n’est pas grave ? », poursuit patiemment Jérômes Reynes. L’ancien ripeur enchaine les réponses vagues. « Je me rendais à l’hôpital car ma femme venait de sortir du coma. » Le magistrat finit par perdre patience. « Oui sauf que finalement, vous êtes rentré chez vous !, tonne-t-il. Et en plus, vous retirez la carte Sim de votre téléphone, pourquoi ? ». Le quinquagénaire reste de marbre « Elle ne marchait plus », se contente-t-il de prétendre.

Épave

L’avocat de l’apprenti policier semble déçu par tant de mauvaise foi. « La voiture de mon client est une épave. Heureusement que le Samu se trouvait juste derrière lui et qu’il a pu être pris en charge immédiatement, pointe-t-il. Mais alors qu’il consulte un psychologue et hésite à reconduire, il s’attendait au moins à des excuses aujourd’hui. Que vais-je pouvoir lui dire ? » Le procureur enfonce le clou. « Là où cela devient extrêmement grave, c’est qu’il fuit les lieux de l’accident. Est-ce en raison de sa vitesse excessive, de son défaut d’assurance et de permis, ou de son état d’ébriété ? Les circonstances aggravantes ne manquent pas ! », assène Philip Ughetto, qui réclame la révocation totale du permis du prévenu ainsi qu’une peine globale d’au moins quatre ans d’emprisonnement.

Invalidité

L’avocate de l’ancien éboueur tente d’amadouer la cour. « Il est âgé de 56 ans et se déplace comme quelqu’un de beaucoup plus âgé, fait observer Sophie Salton. Son invalidité depuis plusieurs années a fortement aggravé son problème avec l’alcool. En fait, sa femme venait de faire un AVC, également lié à sa propre consommation ! Ils sont dans le déni, mais son état n’est pas compatible avec la maison d’arrêt… Il doit être soigné. »

Le tribunal ne l’entend pas de cette oreille et condamne le chauffard à un total de 3 ans de prison, l’annulation et l’interdiction de repasser son permis pendant 3 ans, ainsi que la confiscation de son 4*4 de sport.

Pierre Havez

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