BAGNOLS/CÈZE Les profs en grève face à la « mascarade » des E3C du nouveau bac
Ce jeudi, il étaient « en gros 70 % des enseignants de langues » à s’être mis en grève au lycée Einstein de Bagnols, d’après l’un des enseignants concernés (*), en ce jour de passage d’E3C pour les élèves de Première, les fameuses épreuves communes de contrôle continu du nouveau bac.
Et ils étaient à peu de chose près autant en grève lundi pour le passage des E3C d’histoire-géographie. Un mouvement massif et une colère qui l’est tout autant face à la mise en place d’une réforme, celle du baccalauréat, « qui est allée très vite. On fait n’importe quoi », estime un enseignant bagnolais.
Un mouvement qui dépasse largement les syndiqués : « Il y a des gens qui n’ont jamais fait grève, dont je fais partie, qui se sont mobilisés », affirme un professeur, qui parle « d’une position éthique. » Il faut dire que les enseignants dénoncent des épreuves tenues « dans des conditions inacceptables. »
En vrac : le manque de temps pour préparer les élèves, le format de l’épreuve trop court et inadapté, les sujets connus très tardivement, le fait que de nombreuses photos de sujets circulent déjà sur les réseaux sociaux, des dates d’examen et des modalités d’organisation qui diffèrent d’un établissement à l’autre, avec à Bagnols « des élèves collés les uns aux autres et des rangées de sept tables », indiquent les grévistes, ou encore des conditions de correction floues.
Bref, « c’est une mascarade, résume un professeur. C’est n’importe quoi, on ne veut pas associer notre nom à ça. On ne veut pas avoir honte. » Une autre renchérit : « Surveiller, c’est cautionner. » Eux demandent le report des E3C à la fin de l’année scolaire, le temps de tout mettre en place et de retrouver un peu de sérénité. Pour l’heure, la direction de l’établissement ne leur a pas donné gain de cause. Tant lundi que ce jeudi, les E3C se sont tenues, encadrées par du personnel non-enseignant pour la majeure partie. « Il y a eu des surveillants qui ne savaient pas démarrer le matériel ni lancer les vidéos », souffle un enseignant, un autre se disant « stupéfait » que l’épreuve soit maintenue.
Des lycéens « épuisés »
Surtout que dans le même temps, d’autres établissements ont choisi de reporter ces épreuves. « Leurs élèves auront plus de temps, et tous les sujets ont déjà été diffusés sur internet », peste un professeur en évoquant les fraudes présentées comme « massives ». Un autre nous montre un dossier drive sur lequel on voit clairement une bonne dizaine de photos de sujets d’E3C prises par des élèves en plein examen.
Alors pour les grévistes c’est clair : « Le ministre demande aux chefs d’établissements de passer en force et ils obéissent. » Ils dénoncent également « une communication qui ne repose que sur la menace ou l’invective. » Un des enseignants estime que « nous sommes arrivés à un tel décalage entre la communication du ministère et ce que l’on vit qu’on est à un stade presque totalitaire de désinformation. »
Tous dénoncent les propos tenus par le ministre de l’Éducation nationale, Jean-Michel Blanque,r où il évoque « 99,9 % » d’approbation de la réforme chez les enseignants. Un pourcentage qu’ils ont ironiquement repris pour signer la lettre qu’ils comptent distribuer aux parents d’élèves pour expliquer leur mouvement de grève.
Car cette grève a été « une décision difficile à prendre », affirment-ils. Une décision prise selon eux dans l’intérêt des élèves. « Ils sont épuisés. Ils n’en peuvent plus de ce rythme effréné dû au nouveau bac », affirme un des enseignants. Le tout alors, et ça ressemble à un paradoxe, que « ces E3C ne comptent quasiment pour rien, tout en mettant fin à l’aspect égalitaire du bac », souffle un professeur. Et les grévistes de redouter un examen qui n’aura, in fine, plus aucune valeur.
Thierry ALLARD
thierry.allard@objectifgard.com
* Les enseignants ont préféré conserver l’anonymat.