Publié il y a 21 h - Mise à jour le 26.01.2025 - Propos recueillis par Sacha Virga - 5 min  - vu 102 fois

L'INTERVIEW Le rappeur Gringe : "Je me rends compte du pouvoir fédérateur de la musique et des mots"

Gringe

Le rappeur Gringe viendra à Paloma le jeudi 6 février prochain

- Droits réservés - Deborah Corcos

Connu entre autres pour son binôme avec Orelsan dans les Casseurs Flowters mais aussi pour sa plume mélancolique et puissante, le rappeur Gringe sera l'invité de Paloma le jeudi 6 février. L'artiste nous a accordé un entretien et revient sur son dernier album, ses sentiments les plus enfouis ainsi que sa vision actuelle de la société.

Objectif Gard : Comment abordez-vous l'année 2025 ?

Gringe : Je suis prêt, on l'était déjà il y a un mois et demi lorsqu'on a commencé la tournée, on est fin prêt à partir sur les routes. On est dans l'attente et l'excitation de repartager ces moments sur scène. On a créé un show hyper intime et sensoriel, on s'est rendu compte dans les salles que ça fonctionnait bien. 

Connaissiez-vous Nîmes et la salle Paloma ?

Oui, on est déjà venu avec les Casseurs Flowters, et également lors de mon premier album "Enfant Lune" il y a six ans. J'ai de la famille qui vit sur Montpellier, j'aime les énergies du sud, j'ai en mémoire encore la salle à Paloma et ça s'était très bien passé. J'ai vraiment hâte de revenir à la rencontre des Nîmois et de voir comment ils ont accueilli "Hypersensible".

Pour revenir sur votre deuxième album, "Hypersensible", on peut remarquer que vous vous livrez encore plus qu'avant à ceux qui vous écoute, est-ce une manière de panser un peu certaines plaies ?

Oui toujours, le mot a un pouvoir curatif, il y a quelque chose qu'on peut réparer grâce à l'art, moi c'est l'écriture et parfois le cinéma qui me permettent de réparer quelque chose de personnel. Je me rends compte aussi du pouvoir fédérateur de la musique et des mots. Depuis "Casseurs Flowters", je reçois des messages de personnes qui m'expriment leur gratitude parce que des morceaux peuvent accompagner leur quotidien parfois difficile. Quand on fait des morceaux avec Orelsan dans la déconne on ne se rend pas forcément compte de cette dimension là. Aujourd'hui j'en ai conscience et c'est ce que j'essaye de pérenniser à travers mon art et ma démarche artistique. Quelque chose que j'ai essayé de faire sur "Enfant Lune" et sur le livre qu'on a écrit avec mon petit frère sur sa schizophrénie. 

C'est aussi un album qui dénonce, dans une société où aujourd'hui tout va très vite...

Oui tout va très vite, on ne prend plus le temps de relationner, de nous connecter à nos émotions et à celles des autres. Moi qui vit à Paris depuis presque dix ans, je suis dans cette matrice consumériste où on mange de tout à toutes les sauces sans avoir le temps de digérer. C'est un des aspects que j'ai voulu mettre en avant dans l'album, en abordant des thèmes personnels ou plus universels, cette désensibilisation à laquelle on est tous sujets aujourd'hui.

Est-ce pour ça que vous prenez plus de temps à écrire vos albums comparé à d'autres rappeurs ?

Je ne sais pas faire autrement, je ne sais pas si ma démarche serait différente si j'avais un meilleur rendement mais je ne suis pas dans ça et ça n'a jamais été mon idée. Moi je suis dans le temps, j'ai besoin de faire maturer ce que je vis, ce que je comprends et de ce que j'observe dans le monde dans lequel je vis en tant qu'artiste pour poser des mots dessus. Cela prend le temps que cela prend mais j'ai une notion du temps particulière, je suis sur un autre fuseau horaire. Quand on me dit qu'il s'est écoulé six ans entre les deux albums, je ne trouve pas ça aberrant, c'est ce qu'il m'a fallu pour grandir et me nourrir, avec pourquoi pas d'autres projets d'écriture. Je n'ai pas envie de faire de la musique fast-food ou faire du fan service. Je me dis que le but du jeu est de prendre le temps de bien faire les choses pour être fier à titre personnel et de ne pas me moquer des gens quand on le produit sur scène. On a repensé tout l'album, la scénographie, il y a des musiciens... On rajoute une dimension supplémentaire.

Gringe
Gringe, dit Guillaume Tranchant, a sorti son deuxième album "Hypersensible" en 2024 • Droits réservés - Fred de Pontcharra

D'ailleurs on remarque entre vos albums chez les Casseurs Flowters puis votre carrière en solo, que vous avez choisi de prendre le virage de l'écriture plus intime sur vous, pourquoi ce choix ?

Je pense que c'est le sel, ce qui donne du sens à ma démarche. Je suis peut-être aussi moins candide d'avoir pris un peu d'âge, et d'être sorti de cette période des Casseurs Flowters qu'on a étiré relativement longtemps. Les artistes qui vont me toucher sont ceux qui s'adressent aux coeurs et à l'esprit. C'est peut-être mon héritage culturel, ma sensibilité... Je suis dans une logique où lorsque j'enclenche un nouveau projet, ça doit me plaire sinon je suis stérile et je ne peux rien produire d'intéressant. Aujourd'hui avec Internet il y a cette demande de surexister sur les réseaux et dans les médias, on doit faire face au jugement... Et je refuse de répondre à cette demande, je trouve que c'est de plus en plus lisse et creux, une forme de bien-pensance et je ne me reconnais pas là-dedans. Les critiques quand elles sont arbitraires et non constructives, ou qui ne concernent pas le projet ne m'intéressent pas. J'ai commencé sur le tard avec Orelsan donc je ne suis plus un enfant, tant que je peux vivoter mon art et ma musique tant mieux, je réalise que la récompense est là quand je vois les salles de concert. Je n'ai pas d'autres d'ambitions, qu'elles soient financières ou médiatiques. Je veux faire des projets qui ont du sens et de les partager dans une démarche authentique. 

Après deux albums en solo, "Enfant Lune" en 2018 et "Hypersensible" en 2024, est-ce que le troisième est en route ?

Pour l'instant on prend le temps de défendre le dernier album sur scène avec pas mal de dates en salle et en festival. Il y en a pour toute l'année 2025. Il y a toujours un projet d'écriture à venir, un deuxième livre. Je travaille toujours avec mon éditrice qui m'avait débauchée à l'époque, l'écriture c'est quelque chose qui m'accompagne encore aujourd'hui. Je ne sais pas si le prochain projet sera musical, en tout cas il sera littéraire, peut-être que je ferai fusionner les deux.

Peut-on envisager un jour le retour des Casseurs Flowters ou peut-être de Bloqués ?

(Sourires) C'est une époque révolue, ça n'aurait plus trop de sens qu'on réchauffe tout ça, je pense que si on devait se reformer, il faudrait écrire sur des sujets plus actuels et plus en adéquation avec nos âges. Par contre, on continuera de s'inviter sur nos projets respectifs parce qu'on est toujours très potes et très regardants de ce que l'autre fait. Les Casseurs Flowters c'était une autre époque, où je trouve que le rap racontait plus de choses. Je n'aime pas parler de rap conscient mais il y avait quelque chose de plus éveillé et de l'ordre de la transmission au public. On avait un délire très enfantin et dans la déconne mais notre école du rap a été celle du rap à texte avec des artistes par amour et passion du rap, dans le souci du texte. Aujourd'hui, ça s'est un petit peu édulcoré, mais ça reste aussi très générationnel le rap. Un jeune public ne comprendrait pas trop ce que l'on fabriquait avec Orelsan je pense. 

Propos recueillis par Sacha Virga

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