L'INTERVIEW Myriam Vermale, secrétaire gardoise du Snuipp-FSU : "On s'attend à perdre des postes, mais on espère qu'il n'y aura pas de fermeture d'école"
Le comité social d'administration ministériel a eu lieu vendredi 17 janvier, sous l'égide de la ministre de l'Éducation Élisabeth Borne (*). Cette dernière a annoncé annuler la suppression des plus de 3 000 postes du premier degré, mais prévoit tout de même le disparition de 470 postes. Le Snuipp-FSU attendant les annonces gardoises qui seront faites aux syndicats le 10 février. Entretien avec la co-secrétaire départementale du syndicat majoritaire du premier degré, Myriam Vermale, également directrice de la maternelle Mandajors, à Alès.
Objectif Gard : Que déduisez-vous des annonces d'Élisabeth Borne ce vendredi, pour la région et le Gard ?
Myriam Vermale : Au niveau national, sur le premier degré (maternelle et élémentaire, NDLR), les retraits d'emploi ont été ramenés à 470 postes, au lieu des 3 155 initialement prévus dans le projet de loi 2025.
Comment le ministère explique-t-il cette réduction des postes ? La baisse de la démographie scolaire ?
Ils mettent cela en relation avec une baisse de la démographie, en effet, ce que nous avait expliqué le Dasen du Gard (directeur académique des services de l'Éducation nationale, NDLR) lors d'une visio avec tous les directeurs et directrices d'écoles du département. Ce sont aussi les tendances qui nous sont annoncés au niveau académique par la rectrice : baisse démographique, et baisse "d'attractivité" pour le département du Gard en ce qui concerne les familles. Donc, moins d'élèves dans le Gard. Ce chiffre est à mettre en parallèle avec les recensements de l'INSEE et l'arrivée de nouvelles familles sur Alès. Le Dasen a donné l'exemple d'Alès en disant que pour 1 000 personnes arrivées dans la ville en 2024, il n'y avait eu que 14 inscriptions dans les écoles publiques. Cela nous pose question, on est en train de voir avec d'autres écoles d'Alès. Parce que, seulement 14 inscriptions... Moi, à la rentrée de septembre, dans ma seule maternelle, j'ai eu au moins 5 inscriptions de personnes qui arrivaient dans le département. Donc, 14, sur Alès sur l'année, ça me paraît peu probable.
Comment cette baisse démographique va-t-elle se répercuter sur le terrain ?
Pour l'académie de Montpellier, on a dix postes en moins d'annoncés. Le CSA (comité social d'administration) académique se tiendra lundi 27 janvier, on aura la répartition par département. On s'attend à avoir une dotation négative, c'est-à-dire que le Dasen va devoir fermer des postes pour répondre à la demande ministérielle. Son objectif est, aussi, de créer plus de postes de remplaçants parce qu'on voit bien qu'on a une pénurie de postes pour faire face aux absences dans le Gard.
"Je pense que le DASEN va essayer de maintenir une moyenne à 21 ou 22 élèves par classe"
L'an dernier, le Dasen disait faire face à une grosse baisse de la démographie scolaire, et avoir préservé le Gard par rapport à ce que la baisse aurait induit en suppressions de postes. Est-ce que cela s'est confirmé ?
Au niveau du CDEN (conseil départemental de l'Éducation nationale), il a présenté des chiffres en disant qu'avec la baisse démographique et la baisse du nombre d'élèves inscrits dans les écoles publiques du Gard, il arrivait à conserver une moyenne autour de 21 élèves. C'est une moyenne, puisqu'il y a aussi les classes dédoublées, ou les classes à 24 en Grande section et CP-CE1, hors éducation prioritaire. Le Dasen va suivre les priorités ministérielles. Mais ce qui est bien, c'est que ces moyens lui permettront de suivre les priorités ministérielles qui sont d'améliorer les conditions d'enseignement, à travers la poursuite de l'amélioration des taux d'encadrement. Je pense qu'il va donc essayer de maintenir une moyenne à 21 ou 22 élèves par classe. Il doit aussi poursuivre les efforts engagés au bénéfice de l'accueil des élèves en situation de handicap. Les pôles d'appui à la scolarité (PAS) vont remplacer les PIAL (pôles inclusifs d'accompagnement localisés, lire encadré) actuels ; le renforcement des ULIS (unités localisés pour l'inclusion scolaire) ; et puis, le plan autisme, pour lequel des unités ont été créées dans le Gard, et on attend de voir s'il va en créer d'autres.
Handicap et inclusion : les PAS remplacent les PIAL
"Le réseau PAS, explique Myriam Vermale, est une proposition du gouvernement incluse dans l'acte 2 de l'école inclusive. Elle consisterait à répondre plus vite aux familles pour une prise en charge plus rapide des élèves avant un dossier MDPH (maison départementale des personnes handicapées). Le réseau PAS aurait un pilote Éducation nationale et un pilote dans le domaine médical. L'absence de cadrage pour l'instant présente une situation d'insécurité pour les AESH (accompagnants des élèves en situation de handicap) en ce qui concerne leurs missions et leur zone d'intervention qui risque d'être plus grande. Ce qui n'est pas acceptable, conclut Myriam Vermale, et qui va accentuer la précarité de ces personnels. "
Avez-vous déjà des remontées d'écoles qui craignent pour leurs classes, en dehors de Saint-Jean-du-Gard dont les parents sont déjà en lutte (relire ici) ?
Il y a, effectivement, Saint-Jean-du-Gard. D'autres écoles sont aussi limites au niveau des moyennes par classe, donc on va appuyer pour que le taux d'encadrement soit amélioré, puisque c'est la première des priorités affichées par le ministère. 21 ou 22 par classe, c'est une bonne moyenne, pour nous, pour enseigner, et entre 15 et 20 en éducation prioritaire, dans tous les niveaux. Parce que créer des classes dédoublées, ç'a généré des classes surchargées en maternelle, dans les petits et moyens, et en élémentaire dans les cycles 3, soit CE2, CM1 et CM2. Le Dasen doit aussi agir en faveur de l'égalité des chances et de l'équité territoriale, en préservant les moyens de l'école rurale malgré la baisse démographique, en poursuivant la création de classes de toute petite section dans les quartiers de la Politique de la ville, et en poursuivant le rééquilibrage des emplois entre les académies, pour assurer une répartition la plus équitable possible des moyens. Enfin, le Dasen a annoncé une réserve de 200 postes, au plan national. Nous pensons qu'elle est prévue pour adapter les ajustements de rentrée, en juin et septembre. Il y en a toujours dans le Gard, et le Dasen s'est engagé à continuer à tenir des instances d'ajustement.
Comment sont les rapports du Snuipp-FSU avec le Dasen Christophe Mauny ?
Ils sont cordiaux. Il nous écoute, on essaie de mettre en place nos revendications. Il applique tout de même très bien le cadrage ministériel, comme il l'a fait les années précédentes. La poursuite des classes dédoublées ou des classes à 24 maximum n'est pas vraiment inscrite cette fois-ci, donc on se pose la question de savoir si, pour les services, tout est clair et en place, et si ça restera tel quel. Ou s'il touchera à cela, ce qui changerait la donne au niveau des écoles. On ne sait pas.
"Dans le Gard, on a connu une baisse d'effectifs en petite section alors que le privé a connu une hausse"
Certains villages des hautes Cévennes, qui ne comptent que quelques élèves par école, sont inquiets. Pensez-vous que leur école pourrait disparaître ?
Je lis "en préservant les moyens de l'école rurale malgré la baisse démographique". C'est écrit, quand même... Nous sommes une académie avec une particularité : il y a quatre départements avec beaucoup de mixité sociale et dans le top 10 des départements les plus pauvres de France, hors départements d'outre-mer (Aude, Pyrénées-Orientales, Hérault et Gard). Il reste la Lozère, où il n'y a pas d'éducation prioritaire, pas de paupérisation de la population. Mais il est concerné par la ruralité. Et s'ils perdent des postes, ils perdent des écoles. Nous, on s'attend à perdre des postes, mais on espère qu'il n'y aura pas de fermeture d'école, d'autant que le Dasen s'était engagé à aller voir les maires un ou deux ans avant la fermeture. On découvrira peut-être, aussi, des fusions d'école, ce qui permettrait au Dasen de gagner des postes. À Val d'Aigoual, l'an dernier, ils avaient réussi à garder les deux sites de Valleraugue et Notre-Dame-de-la-Rouvière. Cette année, ça devient un point chaud...
Le contexte que vous livrez laisse l'impression que le Gard resterait un peu préservé, malgré une baisse démographique comparable à d'autres départements...
Oui plutôt, avec moins dix poste pour l'académie, par rapport à la baisse démographique générale de l'académie. Mais nos élèves n'ont pas complètement disparu. Certes, on voit que les cohortes de petite section sont moins importantes. En revanche, les élèves qu'on avait avant, si on les a perdus, c'est bien qu'ils sont allés ailleurs. Et si ce n'est pas dans les académies limitrophes, c'est où ? On nous dit que l'enseignement privé ne gagne pas plus d'élèves mais, dans le Gard, on a connu une baisse d'effectifs en petite section alors que le privé a connu une hausse. En CSA, on ne nous parle que des chiffres du public. Ce n'est qu'au CDEN (conseil départemental de l'Éducation nationale) qu'on posera des questions, en bout de parcours, le 11 mars. Il y a aussi moins d'instruction en famille qu'avant, des élèves reviennent.
Les inscriptions au concours restent-elles basses ou les vocations reviennent ?
L'inscription est close mais nous n'avons pas encore les chiffres. On sait que toutes les académies subissent une baisse d'inscriptions, même celle de Montpellier qui est plutôt attractive. On voit aussi des gens en reconversion qui, quand ils obtiennent le concours mais pas le département où ils habitent, ça devient compliqué. Le Snuipp-FSU a quand même obtenu le recrutement de la fin de la liste complémentaire de l'académie de Montpellier : il restait 25 candidats et la rectrice recrutait plutôt des contractuels. Mais ç'a été débloqué officiellement au niveau des ministères, à l'automne. En revanche, on ne sait pas si les 25 ont accepté les postes proposés parce que certains avaient leur famille dans un département, et on leur proposait de travailler dans un autre. C'est compliqué, surtout en cours d'année. C'est dommage que cela n'ait pas été fait dès la rentrée de septembre...
Quelles sont les priorités pour le Snuipp-FSU concernant la rentrée prochaine dans le Gard ?
On demande plus de postes pour pouvoir baisser le nombre d'élèves par classe et créer des postes de remplaçant sans avoir à fermer de classes. Nous demandons aussi la création de RASED (réseau d'aide spécialisée aux élèves en difficulté) complet avec psychologue et maîtres supplémentaires pour accompagner les élèves qui en ont besoin. Nous sommes contre les fusions d'écoles car les écoles doivent être au plus près des familles. Globalement, nous voulons un service public de qualité pour les élèves et leur famille.
(*) L'entretien a été réalisé samedi 18 janvier, au lendemain du comité social d'administration ministériel.