Publié il y a 3 h - Mise à jour le 06.02.2025 - François Desmeures - 4 min  - vu 65 fois

SAINT-JEAN-DU-GARD Le Merlet : éducation populaire en difficulté financière

Au centre de formation du Merlet, en cours d'agrandissement

- François Desmeures

L'association, qui aère les enfants et forme moniteurs et éducateurs depuis plus de 40 ans, traverse une période financière délicate. Elle a réformé ses formations, revu ses séjours, appelle au soutien mais se demande si cela suffira dans un contexte généralisé de compression des coûts. Rencontre avec une équipe motivée à redresser la barre d'une association qui emmené des milliers d'enfants en colonie de vacances et disséminé ses éducateurs formés dans de multiples autres associations d'éducation populaire. 

Au centre de formation du Merlet, en cours d'agrandissement • François Desmeures

Caroline Guignard aura vite été dans le bain. Arrivée en octobre 2023 pour prendre la direction de l'association Le Merlet, en prévision du départ en retraite de Sylvie Kempf, elle a tout de suite dû s'emparer des difficultés financières qui s'annonçaient. "Fin 2023, il n'y avait encore rien d'alarmant, tempère-t-elle aujourd'hui. Et en 2022, il n'y avait qu'un petit déficit dans le secteur de l'animation, qui est traditionnellement déficitaire, et qu'on rattrapait généralement par la formation"

Les intentions de départ visent tout de même à limiter le risque que fait peser l'animation sur la structure, "on voulait chercher à équilibrer l'animation, replace Caroline Guignard. Mais la qualité pédagogique coûte sur les séjours, entre le matériel, le temps de travail des salariés, une alimentation de qualité, la hausse de la masse salariale, etc." Et le Merlet - et sa base de colonie de vacances des Vignes, dans les Gores du Tarn - est justement connu pour ses activités de pleine nature proposées aux enfants, que ce soit les descentes du Tarn en kayak ou l'escalade sur les parois calcaires des gorges de la Jonte, avec du personnel qualifié. "Notre volonté est de salarier les moniteurs", confime Caroline Guignard. 

De gauche à droite, Valérie Frémont, Caroline Guignard, Jérémie Mercoiret et Bertrand Molozay, l'un des administrateurs • François Desmeures

Mais depuis quelques années, les assurances ont fait exploser leurs primes pour ce qui concerne les activités de pleine nature. En 2023 et 2024, le Merlet a également dû faire face à la hausse du prix de l'essence et à une masse salariale elle aussi en forte hausse, dans la foulée de la revalorisation du SMIC. "Nous comptons douze équivalents temps plein, mais en fait dix-huit salariés, détaille Valérie Fremont, gestionnaire financier. On a déjà eu des départs pas remplacés."

"Lors du premier semestre 2024, on se rend alors compte que 2023 sera pire que 2022, et 2024 encore pire", rembobine Caroline Guignard. Y compris sur le secteur de la formation. "Le nombre de places attribuées par la Région avait baissé un peu", soit des produits qui diminuent mécaniquement. Les autres financements de formation donnent aussi des signes de faiblesse. "Et les dépôts des dossiers se sont faits en fin d'année, donc en fin d'enveloppe"

"On est passé pas loin de la cessation de paiement"

Caroline Guignard, directrice de l'association le Merlet

Cette défaillance des revenus de la formation est devenue un point d'inquiétude pour l'animation. "On a toujours la question : l'animation est-elle un secteur en tension ? Elle l'est, poursuit Caroline Guignard. On essaie de le revendiquer à tous les échelons. Mais nous ne sommes pas entendus. On finance plus facilement des formations coiffure..." Et sur ces constats inquiétants s'est abattue la dissolution de l'Assemblée nationale, et l'incertitude qui perdure depuis. 

Départ pour un bivouac lors d'une colonie de vacances du Merlet, dans les gorges du Tarn • DR

"La dissolution a bloqué le budget de l'État et des Régions. Nous n'avons pas encore de bon de commande pour février, on va être obligés de décaler les formations, se désole Jérémie Mercoiret, qui s'occupe justement du secteur. On a changé les référentiels l'an dernier. Puis, pas de gouvernement. Et les nouveaux référentiels viennent tout juste d'arriver : alors qu'ils ont été produits en décembre 2024, on a six mois pour déposer. On négocie des délais..." Quant aux bons de commande de la Région Occitanie, ils arrivent traditionnellement autour du 15 décembre. Fin 2024, face à l'incertitude, le Merlet n'en a pas vu la couleur. "Mais il va falloir, de toute façon, un arbitrage sur la filière", se rassure l'association. 

Côté animation, "on commence à faire un plan de trésorerie, s'engage Caroline Guignard. On est passé pas loin de la cessation de paiement." Les départs non remplacés et un prêt opportun ont sauvé la donne. "Désormais, on part sur une année 2025 où on dégagerait un léger excédent. On ne peut plus avoir de déficit. Mais si les bons de commande qui arrivent sont plus bas qu'imaginé, cela nous mettra dedans. Si on décide un report des formations, on ne pourra plus les assumer. On a besoin d'être soutenus pour redémarrer dans de bonnes conditions", insiste Caroline Guignard, en espérant que ses propos soient entendus par les institutions. 

"Ce qu'on veut est être payés pour ce qu'on sait faire : les collectivités peuvent faire appel à nous pour des formations"

Caroline Guignard

L'association a lancé une cagnotte en ligne pour lever des fonds. Son site (à retrouver ici) affiche, ce jeudi, une récolte de 4 855 €. Une somme importante, mais encore loin des 50 000 € espérés. "Notre centre de formation est en train d'être agrandi, liste Caroline Guignard, on a de belles promotions qui partent. On espère peut-être des aides à l'investissement, des dons exceptionnels. Mais ce qu'on veut avant tout est être payés pour ce qu'on sait faire : les collectivités peuvent faire appel à nous pour des formations." En creusant un peu, Caroline Guignard pense qu'un "partenariat avec Alès Agglo serait le bienvenu"

Le centre de colonies de vacances du Merlet aux Vignes est situé dans les gorges, au bord du Tarn • DR

"On est utile au territoire, insistent les responsables et administrateurs de l'association. Ce n'est pas faute d'avoir mené une réorganisation interne, d'avoir gratté dans tous les domaines. Mais une formation en retard, ça se compte en plusieurs dizaines de milliers d'euros." Côté animation, les séjours estivaux de deux semaines ont été réduits et les prix de ceux d'une semaine ont un peu augmenté. L'association espère aussi conventionner "sur tous les dispositifs", comme école apprenante - même si le flou demeure sur une éventuelle reconduction - mais a préféré réduire les acivités scolaires, trop déficitaires. "On ne peut plus tout se permettre, relève Caroline Guignard, à partir du moment où la formation ne compense plus l'animation"

"En 2025, il faut qu'on sorte la tête de l'eau pour effectuer un virage en 2026. Il nous faut être un peu accompagnés pour savoir quelle voie peut être viable. Mais on ne sait pas l'appétance que les gens vont avoir pour de nouveaux diplômes, si ça va intéresser le public, redoute Caroline Guignard. On a quand même des raisons d'être optimistes : le Merlet a un savoir-faire, on a de très bons retours sur les formations. On possède un savoir-faire pédagogique, toujours réinterrogé, qui continue d'avancer. Et nous sommes propriétaires d'un centre de formation. On est crédibles auprès de nos partenaires. Mais il faut aller aux bons endroits, vers ceux qui nous conviennent et qui croient en notre projet."

François Desmeures

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