ÉDITORIAL Perrier et ce rapport fou
C'est un jour décisif pour Perrier.
Ce jeudi, le préfet du Gard Jérôme Bonet et le directeur de l'Agence régionale de santé (ARS) Occitanie Didier Jaffre seront entendus respectivement par la commission d’enquête du Sénat sur les eaux en bouteille. Au moment même où les dernières révélations, notamment par Médiapart risquent d'emporter tout sur son passage. Nos confrères ont eu accès au rapport final de l'ARS et au courrier en date du 20 janvier qui donne deux mois à Nestlé (propriétaire de Perrier à Vergèze), pour se mettre en conformité avec la réglementation. Mais pour la firme mondialement connue, cela semble mission impossible. D'abord parce que le rapport pointe du doigt une nouvelle fois une qualité des eaux qui ne répond plus aux « critères de pureté originelle. » Ainsi, il est interdit par la loi de vendre sous le label d’« eaux minérales naturelles » une boisson désinfectée. Nestlé semble passer outre. Autre grief d'importance : la remise en cause de la « loyauté » de Nestlé pointée par le rapport de l'ARS. L'entreprise produirait deux types de bouteilles pour le marché européen et américain. Et l’usine gardoise n'aurait pas les moyens de certifier la destination exacte de l'eau. Sans compter que Nestlé, depuis maintenant cinq ans, ne transmettrait plus les bilans annuels obligatoires des analyses des eaux à l’ARS Occitanie. Impossible aussi de vérifier l’absence de virus dans ses eaux brutes ainsi qu’une fois embouteillées. Et pour clore ce rapport incroyable, la multinationale n'aurait pas fourni les attestations prouvant la destruction des deux millions de bouteilles, depuis avril 2024, issues d’un forage contaminé par des bactéries d’origine fécale. Enfin, clou du spectacle, des soupçons existeraient sur la mise sous silence politique de ce scandale annoncé depuis 2023. Reste à savoir si, après l'audition d'aujourd'hui, la commission d’enquête du Sénat qui se rendra le lendemain directement sur le site de production Perrier à Vergèze pourra agir efficacement. Elle va rencontrer les organisations représentatives du personnel, les élus locaux et les acteurs économiques. Pourra-t-elle réellement prendre la mesure de la situation et examiner les conditions de production et de traçabilité de l’eau minérale naturelle ? Laurent Burgoa, le sénateur Gardois, qui préside cette commission, joue peut-être là, son avenir au Palais du Luxembourg...