GARD Les 400 avocats nîmois interdits de plaider !
Le bâtonnier, patron des avocats de Nîmes, a ordonné ce mercredi après-midi et jusqu'à vendredi le silence des robes noires dans les audiences du tribunal judiciaire et à la cour d'appel. Une mesure très rare qui trouve son origine dans un conflit à la cour d'assises du Gard...
C'est un dossier criminel important qui s'est ouvert lundi et qui devait durer jusqu'à la fin de cette semaine devant la cour d'assises du Gard. Une affaire d' « extorsion avec arme », de « récidive de violence », et de « récidive de vol avec violence, ou encore « association de malfaiteurs ». Sept accusés sont renvoyés devant les jurés gardois, mais seulement six sont présents, le dernier mis en cause est introuvable. Cinq hommes et une femme sont donc face aux jurés.
Mais un conflit a éclaté, lundi à l'ouverture des débats, avec un avocat commis d'office qui a été insulté par son "client". Une enquête est en cours et des poursuites judiciaires envisagées, car l'accusé a même craché en direction de son avocat dans la salle d'audience. Immédiatement, l'avocat victime des agissements de son client a refusé de représenter l'accusé et le bâtonnier Aoudia est entrée en scène pour défendre son collègue. Elle s'est auto-saisie du dossier criminel... "Car tout le monde a le droit d'être défendu même cet homme qui s'en est pris à mon confrère. Mais je demande le renvoi de l'affaire pour que je puisse étudier ce volumineux dossier criminel, mais aussi à cause de mes obligations ordinales", estime-t-elle.
Un mis en cause qui est impliqué dans plusieurs home-jackings survenus dans le Gard à Meynes notamment, mais aussi dans les Bouches-du-Rhône durant l'été 2020, avec des familles attaquées chez elles, et des personnes agressées dans les rues. Des vols de bijoux, des victimes rouées de coups, des agressions sauvages, telles sont les infractions qui sont reprochées au gang originaire d'un quartier sensible de Marseille, à l'exception d'une jeune femme vivant à Nîmes.
Après les insultes et le crachat à l'encontre du pénaliste nîmois, la cour a donc étudié le renvoi du procès réclamé par le bâtonnier Aoudia. Mais la cour d'assises a finalement décidé de poursuivre les débats conformément aux réquisitions de l'avocat général Mondon : "II faut retenir cette affaire pour les victimes qui attendent un procès. Dans ce dossier, l'accusé reconnaît sa participation", souligne l'avocat général. Le représentant du parquet général avait peur qu'en cas de renvoi du procès, les accusés, à l'avenir, utilisent cette méthode pour reporter d'autres affaires.
Suite à cette décision de la cour d'assises de refus de reporter le procès, la patronne des avocats de Nîmes, Maître Aoudia, a dégainé un système peu connu et très peu utilisé, celle de "l'interdit à la barre". Concrètement, elle a interdit en tant que bâtonnier aux avocats présents de plaider devant les assises. "En raison de la violation des droits fondamentaux de la défense, j'ai été dans l'obligation de frapper la barre de la cour d'assises de l'interdit de plaider", soulignait-elle lundi... Les avocats sont donc présents à l'audience, mais ne peuvent pas intervenir pour défendre leurs clients, et même les parties civiles ! Des avocats muets lors d'une audience pénale, une méthode utilisée à quatre reprises durant ces dernières décennies qui est donc en cours au palais de justice de Nîmes.
Mais ce n'est pas tout. Le procès a continué sans l'intervention des robes noires mardi et à nouveau ce mercredi malgré les nouvelles demandes de renvoi réclamées par le bâtonnier Aoudia. Ce mercredi midi, la tension est montée d'un cran et la situation est devenue encore plus difficile alors qu'une soixantaine d'avocats avaient investi la salle des assises en guise de soutien au bâtonnier. Devant un nouveau refus de renvoyer le procès, Maître Aoudia a interdit aux 400 avocats nîmois de plaider devant toutes les juridictions de la capitale gardoise, c'est-à-dire devant le tribunal judiciaire et devant la cour d'appel. Jusqu'à vendredi, vous croiserez donc des avocats muets et interdits de plaider au palais de justice. De nombreuses affaires, notamment au tribunal correctionnel, risquent donc d'être renvoyées par cet usage rarissime "d'interdit à la barre."