DE CÈZE CÉVENNES État et élus locaux tentent de tirer des leçons d'un drame routier
Le 23 juillet, deux adolescents et un jeune majeur, de la même famille, périssaient dans un accident de la route à Allègre-les-Fumades. La famille était originaire de Meyrannes. C'est le maire, Wladimir Bernard, qui avait eu la lourde tâche d'annoncer la nouvelle à la famille, réunie ce jour-là. Choqué, il était ensuite monté au créneau pour regretter l'arrivée tardive de la Cellule d'urgence médico-psychologique (CUMP). État et élus de la communauté de communes avaient rendez-vous, ce lundi, pour tenter d'accélérer la présence de professionnels apprès un choc pareil.
En évoquant cette soirée du 23 juillet devant ses confrères, le maire de Meyrannes, Wladimir Bernard, en a encore la voix qui tremble. Parce qu'après la prise en compte de l'accident, à 18h37, tout est allé trop lentement à ses yeux. À 19h45, confirme Christophe Perrin, du service interministériel de défense et de protection civile, "le COS (commandant des opérations de secours, NDLR) demande au Samu la CUMB" (cellule d'urgence médico-psychologique, NDLR).
"Nous, avec les gendarmes, on se donne rendez-vous à 19h50 devant la mairie, poursuit Wladimir Bernard. Puis, le temps passait, on attendait la CUMB. À 20h40, je ne sais pas pourquoi, j'ai appelé le sénateur, qui a appelé le sous-préfet. À 20h47, il m'a informé que la cellule était bien activée. Mais on nous annonce son arrivée pour 22h15 ! Entre-temps, on est passés devant la maison pour constater s'il y avait du monde, on a vu que la porte-fenêtre était ouverte, qu'il y avait un mini-bus de neuf personnes." En fait, la famille est réunie avec d'autres parents pour une fête, ce 23 juillet. Ils sont dix-sept personnes dans la maison. Dans la voiture, le jeune conducteur et son frère de 12 ans sont décédés, ainsi qu'une cousine de 11 ans.
"L'heure passe et on craint une publication sur les réseaux sociaux. On se met à la place de la famille, relate le maire de Meyrannes en peinant à avancer sur certains mots. Vers 21h, on se rend sur place, on se gare en contrebas. Avec les pompiers, on s'est encouragé pour y aller." Mais l'accident a déjà eu lieu il y a presque trois heures, l'annonce ne peut plus attendre. "Quand on est arrivés en bas du chemin, sans trop savoir quoi dire, le père est immédiatement allé se changer. Et les premières questions vous arrivent en pleine figure : C'est grave ? Ils sont morts ? Ils ont souffert ? Étaient-ils attachés ? Mon bébé a peur du noir et va dormir dans une boîte..."
"J'ai ressenti de la colère et de la honte"
Wladimir Bernard, maire de Meyrannes
"Le soir, en rentrant, j'ai ressenti de la colère et de la honte, conclut Wladimir Bernard. Il faut une cellule de crise 24h/24, 7 jours sur 7. Je souhaite une CUMP de garde dans une caserne proche". Le président de la communauté de communes De Cèze Cévennes, Olivier Martin, rappelant au passage que le territoire est à une heure de Nîmes, une heure et demie, même, pour Peyremale. Au coeur de l'été, alors que les congés sont évidemment plus nombreux, la CUMP a pu être composée notamment d'un médecin de Montpellier et d'un infirmier de Lunel, qui se sont retrouvés au CHU de Nîmes pour partir. Ce qui explique le temps écoulé.
"Il faut différencier l'annonce du décès de l'appui psychologique, explique le sous-préfet d'Alès, Émile Soumbo. Pour une intervention de la CUMB, il y a un déroulé très précis". Psychologue du Service départemental d'incendie et de secours (SDIS), Thierry Cruz explique justement que la CUMB ne peut mener un travail psychologique auprès des familles si elle est, déjà, chargée de l'annonce. "Être présent, en tant qu'autorité, c'est déjà beaucoup pour les familles. La CUMB a l'avantage et le défaut de contenir le mot "urgence". Or, ce qui est urgent, c'est une prise en charge dans les 72 heures."
"Plus ou moins, on a tous vécu des événements traumatisants, reprend Olivier Martin, également maire de Gagnières. On est souvent isolés et, aujourd'hui, il y a la vitesse des réseaux sociaux. Je suis favorable à monter une cellule expérimentale. Car le maire a beau être un Officier de police judiciaire, je ne le suis pas dans l'âme, ce n'est pas mon job. Je suis ici pour faciliter le vivre-ensemble..." Commandant du groupement de gendarmerie d'Alès, le lieutenant-colonel Charles Sauleau, du haut de son expérience, a confié "on ne s'habitue jamais à annoncer la mort d'un membre d'une famille, surtout si c'est un enfant..."
"Je pense qu'il faut travailler sur l'annonce aux familles de victimes, ajoute le procureur de la République d'Alès, Abdelkrim Grini. Un protocole est en train d'être élaboré au niveau judiciaire." Mais pour le maire de Robiac-Rochessadoule, "malheureusement, on est souvent les mieux placés pour annoncer les choses, pense Henri Chalvidan. J'aurais pu venir avec toi, Wladimir. On est une petite vingtaine de maires, on peut aussi être solidaires et réactifs." Émile Soumbo a clos la réunion en évoquant, donc, la mise en place d'une expérimentation autour de quelques casernes proches d'une cellule psychologique plus réactive. Si les praticiens sont en poste, et disponibles...