« J’avais l’impression de devoir plaider pour Bonnie and Clyde, je plaide en réalité pour les Tuche ». Sans faire offense à ses clients, maître Rémy Nougier résume assez bien l’affaire de vol à main armée de l’agence postale communale de Langlade. Le 25 août 2022, juste avant 10h, l’employée de ce bureau de poste alerte la gendarmerie : elle vient d’être la victime d’un vol à main armée. Quelques instant plus tôt, un homme au look improbable, perruque ridicule sur la tête, masque sur le visage, lunettes de soleil, et avec l’assurance d’un Pierre Richard dans Les Fugitifs, s’introduit dans l’agence. « La caisse, la caisse », lance-t-il à la guichetière. Celle-ci met l’argent du coffre dans le sac du braqueur qui repart avec 15 000 euros en liquide, plus de 2 000 euros de timbres, et… en vélo ! Après Pierre Richard, Bourvil. Loin du grand banditisme.

Très vite, les soupçons des enquêteurs se portent sur la prétendue victime, l’employée du bureau de poste. D’abord parce que cette femme aujourd’hui âgée de 44 ans est surendettée. Mais aussi parce qu’en plus d’avoir été menacée par l’arme du braqueur, elle se plaint d’avoir été frappée par ce dernier. « Mes lunettes sont tombées, j’étais sonnée », dira-t-elle aux forces de l’ordre. Seulement, l’expert qui l’examine note une « lésion minime ». Bref, il y a quelque chose qui cloche.

« Ce ne sont pas des criminels »

Le 27 juin 2023, la guichetière et son compagnon sont interpellés et placés en garde à vue. Comme ils ne sont pas rompus à l’exercice, et tant mieux, ils avouent aussi sec. Ce vendredi 21 mars, devant le tribunal correctionnel de Nîmes, ce couple hyper banal, ces monsieur et madame Tout-le-Monde, doit s’expliquer. « On avait des problèmes financiers, on regrette, on demande pardon », chuchote le braqueur d’un jour, de quelques minutes à peine, au casier judiciaire vierge. Même casier pour sa compagne, en larmes, qui ne parvient pas à expliquer ce coup de folie. Si ce n’est l’appât du gain, l’argent facile à portée de main, là dans le coffre de l’agence où elle travaillait depuis quelques mois. « On a fait beaucoup de mal. Je veux régler ce que l’on doit, réparer ce que l’on a fait », promet-elle entre deux sanglots.

Le procureur Stéphane Bertrand veille justement à ce que le préjudice soit réparé. Il rappelle, comme l’avait fait plus tôt le conseil de la mairie de Langlade, que depuis le vol, l’agence postale a fermé ses portes. Que le couple a mobilisé des enquêteurs pendant des mois. « Ce sont des faits graves », insiste-t-il avant de réclamer 18 mois de prison avec un sursis probatoire de 3 ans. Face à lui, maître Rémy Nougier n’a clairement pas la même vision du dossier : « Vous ne m’interdirez pas de plaider la bêtise et la stupidité. La réalité, c’est que rien n’était préparé, c’est du n’importe quoi. (…) Mes clients paieront, ce ne sont pas des criminels. » Nos « Tuche » ou « Bonnie and Clyde » de Langlade, selon le côté de la barre où l’on se trouve, sont repartis du tribunal avec une peine de 18 mois de prison avec un sursis probatoire de 3 ans, l’obligation de rembourser près de 18 000 euros à La Poste, et une interdiction de travailler dans la fonction publique pendant cinq ans pour madame. On ne sait pas en revanche si le couple est reparti à vélo.