Publié il y a 8 h - Mise à jour le 22.02.2025 - Stéphanie Marin - 3 min  - vu 179 fois

FAIT DU SOIR Une vente exceptionnelle, la collection Clergue

Anne Clergue, dans l'atelier de Lucien Clergue, photographe à la renommée internationale, décédé le 15 novembre 2014. 

Plus de 120 pièces issues de la collection personnelle de Yolande et Lucien Clergue, seront mises aux enchères par la maison Ader le 10 avril 2025. Un ensemble rare constitué d'œuvres inédites sur le marché pour certaines, dont des dessins de Pablo Picasso, des lettres-dessins de Jean Cocteau etc.  

Cette collection d'art, Yolande et Lucien Clergue l'ont constituée tout au long de leur vie, entourés d'artistes, des grandes figures du XXe siècle. Des histoires d'amitiés nouées au gré des rencontres, parfois provoquées. Celle avec Pablo Picasso en est le plus bel exemple. Lucien Clergue, jeune photographe, n'a que 19 ans lorsqu'il présente au maître espagnol quelques-unes de ses œuvres dont "Une amie" d’inspiration surréaliste - que Picasso lui signera - à la sortie d'une corrida à Arles. C'était en 1953.

Deux ans plus tard, l'Arlésien se rend à Cannes pour récupérer les tirages de sa série "La Grande Récréation", Picasso lui ouvre les portes de sa Villa Californie. Des liens indéfectibles se créent alors entre les deux hommes. Quelques années plus tard, Pablo et Jacqueline deviendront parrain et marraine d’Olivia, la fille cadette de Yolande et Lucien. Les deux artistes passionnés de tauromachie se rencontreront vingt-sept fois entre 1953 et 1973. 

Yolande et Lucien Clergue avec Pablo Picasso à Cannes en 1968.  • ©Traverso

De nombreuses traces de cette relation privilégiée ont été conservées à l'intérieur de la maison située dans la rue rebaptisée au nom du photographe, le premier à faire son entrée sous la Coupole, en 2006 en siégeant parmi les académiciens des Beaux-Arts. Des lettres, des photographies, des dessins dédicacés. Des œuvres originales également, les dessins en couverture d'ouvrages de Lucien Clergue dont "Corps mémorable". Mais aussi "Poésie Photographique" pour lequel Picasso réalise le profil de Clergue juxtaposé à son ombre tenant un appareil photo. Un lavis destiné à une publication dans "Toros Muertos". Il s'agit du visage du photographe dans les étanges de Camargue, partout présent. Une pointe sèche de Paul Reyes, fils du chanteur José Reyes, quatre petits toros au campo, le portrait de Yolande Clergue sur un morceau de terre etc. 

Le témoignage d'une amitié unique

"À travers la collection "Les Picasso de Clergue", si on peut l’appeler ainsi, on se rend compte de l’échange, de la réelle complicité artistique entre Picasso et mon père, commente Anne Clergue, la fille aînée de Yolande et Lucien Clergue. C'est le témoignage de leur amitié unique." Mais pas une unique amitié : Viallat, Prassinos, Dalí, Lacroix, Lichtenstein ou encore et entre autres le peintre néerlandais Karel Appel, ont croisé le chemin du photographe amoureux de la Camargue, co-fondateur avec Michel Tournier et Jean-Maurice Rouquette, Des Rencontres Photographiques d'Arles.

Jean Cocteau aussi. Lucien Clergue a photographié le tournage du film Le Testament d'Orphée. Leur respect, leur reconnaissance mutuelle se lit entre les lignes d'une correspondance soigneusement conservée. Une série de 115 lettres manuscrites de Cocteau - et des brouillons signés du photographe - qui seront d’ailleurs rééditées chez Actes Sud, dont 17 dessins illustrés, un dessin original et une lithographie...  Autant de témoignages d’un échange où Cocteau, à travers ses mots et ses images, salue en Clergue un véritable « poète de la photographie ».

Lucien Clergue dans les arènes d'Arles en 1969. • © DR

Bien sûr, Lucien prend là une place considérable, une place de choix qui lui revient de droit, lui qui s'est battu pour faire reconnaître la photographie comme art majeur ; et qu'il occupe toujours malgré sa disparition le 15 novembre 2014. Mais Yolande, certainement sa plus belle rencontre, ne peut, ne doit être mise de côté, elle qui l'a accompagné tout au long de son parcours, l'a soutenu, a joué un rôle fondamental. Elle partageait avec lui cette passion pour l’art, accueillait et entretenait le dialogue avec ces figures majeures. Yolande Clergue, initiatrice de la fondation Van-Gogh à Arles, s'est éteinte le 18 septembre 2024 à l'âge de 95 ans.

>> À lire aussi : CULTURE. Les Arlésiens choisissent Clergue.

Cette vente aux enchères qui s'organise cinq mois à peine après le décès de Yolande Clergue est la dernière occasion de montrer publiquement un patrimoine intime réuni 48 heures avant la vente, le 8 et le 9 avril à l'Hôtel Drouot. Le catalogue, édité par Ader rendra merveilleusement compte du caractère unique de cet ensemble.

Il faudra donc laisser partir ces quelques 120 pièces, elles continueront à vivre à travers les collectionneurs, les institutions et créeront de nouveaux ensembles en lien avec le photographe. L’aînée du couple Clergue connaît toutes les histoires, les anecdotes liées à chacune d'entre elles. "Elles sont dans ma tête, dans mon cœur mais c’est un peu triste d'imaginer ces œuvres dispersées, ne pas pouvoir transmettre ce trésor à une personne". Anne rêve qu'une institution rachète l'intégralité de cette collection, "cela permettrait de toujours savoir où elle est, de la connecter avec le travail de mon père et de continuer à organiser des expositions avec « Les Picasso de Clergue »."

Stéphanie Marin

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