FAIT DU JOUR Le Camarguais à Bezouce, des couteaux à l’âme bien trempée !

Clément Lascombe : « Nous avons parmi notre clientèle de plus en plus de femmes dont certaines considèrent le couteau comme un objet de luxe qu’elles font souvent graver à leur nom. »
- © Gil LorfèvreDepuis trois décennies, la coutellerie Le Camarguais à Bezouce propose des créations artisanales 100 % françaises qui font référence à la tradition gardiane.
En décembre, Didier Lascombe passera officiellement la main à son fils Clément comme il le souhaitait déjà depuis fort longtemps. Après lui avoir transmis, au fil des ans, son savoir-faire et sa passion, il lui lèguera en cette fin d’année les clés de l’entreprise familiale, la coutellerie Le couteau camarguais, qu’il a fondée il y a trente-et-un ans à Bezouce. En 1985, cet ancien raseteur professionnel, victime l’année précédente d’un terrible coup de corne qui mit fin à sa carrière, découvre la passion du couteau tandis qu’il travaille dans un restaurant à la Bourboule en Auvergne, à une centaine de kilomètres seulement de la ville de Thiers, capitale française de la coutellerie depuis les temps reculés. Fasciné par l’objet et la symbolique qui l’entoure, Didier Lascombe décide de se former au métier de coutelier, métier souvent considéré comme un artisanat passionné qui malheureusement n’est pas toujours très rémunérateur. D’ailleurs, le Gardois avoue qu’il n’avait pas forcément dans l’idée de faire de coutelier son métier comme l’explique son fils Clément : « Au départ, mon père avait surtout envie de créer un couteau régional car c’était un objet qui n’existait pas dans notre département. Et l’amoureux de la Camargue qu’ il était voulait concevoir un couteau pliant et rustique à destination des gardians qu'il continuait à côtoyer les week-ends. » Avec patience et précision, il dessine alors son premier couteau à cran d’arrêt qu’il baptise Le Camarguais en hommage à ce territoire qu’il affectionne tant.
Dans le garage familial
Dès les premiers surins mis sur le marché, le succès est au rendez-vous. De quoi convaincre Didier Lascombe de continuer l’aventure même si, comme souvent lors de la création d’une entreprise, les débuts sont financièrement compliqués. Pour s’en sortir, il n’a pas d’autre choix que de monter son atelier dans le garage familial. « Les lames et les manches étaient fabriqués à la main à Albacète, la capitale coutelière d’Espagne, et ensuite ils étaient assemblés et ajustés chez nous à Bezouce », se souvient Clément qui, à l’époque déjà, traînait autour des machines-outils. En 2008, après quinze années passées avec succès à tenter de maîtriser aussi bien le marché que son outil de travail, Didier Lascombe décide de monter son propre atelier et de fabriquer à la main un couteau 100 % français. Pour cela, il choisit de se fournir désormais en matériaux, acier et manches, auprès des industriels de la sous-préfecture du Puy-de-Dôme. Quant au futur bâtiment, il achète un ancien champ d’oliviers situé à la sortie de Bezouce en direction de Remoulins sur lequel il érige sur 200 m² un atelier accolé à un magasin. « Jusqu’alors notre réseau commercial se composait essentiellement de vendeurs travaillant sur les marchés et sur les salons. Désormais, nous avons notre commerce dans lequel nous pouvons présenter tous nos modèles. »
Et ils sont nombreux ! Du couteau originel à la Croix de gardian déclinée hier en seulement deux modèles – manche en corne de taureau ou en olivier -, la coutellerie Le Camarguais propose aujourd’hui sept marques différentes qui vont du célèbre Camarguais trident à l’Olivette en passant par le Manadier, le Liner ou encore la dague de chasse nouvellement inscrite au catalogue. « Le prix moyen de vente de nos couteaux est de 110 € avec une entrée de gamme à 36 €. » Afin d’allier la praticité à l’esthétique, la coutellerie gardoise propose également des coffrets de couteaux de table. Des modèles indispensables à la dégustation qui trouvent leur place parmi les couverts des grands restaurants de la région, à l’instar du Skab, du Wine bar ou encore de Nutile à Nîmes.
De père en fils
Bien décidé à perpétuer la tradition coutelière en terres gardoises, Didier Lascombe, devenu maître artisan en métier d’art, est rejoint en 2009 par son fils Clément, âgé à l’époque de 18 ans et qui jusqu’ici évoluait en tant que jeune footballeur au centre de formation de Nîmes Olympique. « J’avais deux choix qui s’offraient à moi : soit embrasser une carrière de footballeur ce qui était très aléatoire, soit reprendre l’entreprise familiale pour laquelle j’ai toujours eu beaucoup d’affection. J’ai choisi la seconde option », sourit le jeune homme qui pour parfaire son apprentissage a effectué deux années de formation à Thiers avant de décrocher un CAP en coutellerie. L’ouverture de la boutique et la fabrication sur place des couteaux sont un véritable tremplin commercial pour la société qui réussit petit à petit à se faire un nom dans le milieu concurrentiel de la coutellerie française tirée par des grandes marques telles qu’Opinel, Laguiole ou encore Perceval.
Devant le succès grandissant et l’amplification de la demande, la petite équipe familiale s’étoffe avec l’arrivée de trois salariés postés sur les machines en atelier. « Au début, nous fabriquions quatre à cinq modèles classiques par jour ; aujourd’hui, nous en concevons une trentaine quotidiennement. » Désormais, ce sont environ 4 000 couteaux qui sont assemblés et ajustés à la main chaque année dans l’atelier de Bezouce. Ces derniers sont ensuite distribués partout en France et également à l’étranger, en Allemagne et en Italie. « Nous venons de signer un contrat pour être référencé par Agora-Tec, l’un des plus importants importateurs et distributeurs français spécialisé en coutellerie », confie Clément Lascombe. Une initiative commerciale qui permet à l’entreprise gardoise, dont le chiffre d’affaires annuel est estimé à 500 000 €, d’appréhender un marché qui depuis deux ans maintenant offre moins de visibilité. Dans le même temps, les responsables ont décidé de diversifier leurs activités en proposant notamment des stages de coutellerie « où chaque participant repart, après une demi-journée passée en atelier, avec son propre couteau ». Un développement commercial nécessaire qui ne fait pas perdre de vue pour autant l’essentiel qui est la création coutelière. « Actuellement, nous travaillons sur un nouveau modèle à cran forcé qui le système le plus traditionnel de fermeture des couteaux de poche français. » Un nouveau modèle qui comme les précédents est dessiné, étudié et conçu autour de la table familiale. Une question de savoir mais aussi de valeurs !