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Mise à jour le 04.03.2025 - Sabrina Ranvier - 7 min - vu 109 fois
FAIT DU JOUR Robots, réalité virtuelle… bienvenue dans l’école 3.0
Le programme TED-I, Travailler ensemble à distance et en interaction, permet aux élèves hospitalisés ou maintenus durablement à domicile du fait d’une maladie grave de disposer gratuitement d’un système de télé-présence robotisé. "C'est une belle aventure coûteuse en émotions", reconnaît Laurence Salle, directrice de l'école Jean-Jaurès.
- Sabrina Ranvier
Elle attend cette date avec impatience. Mardi 4 mars, Alia va retourner en classe. Pendant un an, à cause de lourds problèmes de santé, cette petite fille de 7 ans n’a pas pu se rendre dans les locaux de son école nîmoise. Elle n’était pas présente physiquement mais elle a quand même pu assister aux cours. Elle jouait même à cache-cache avec ses amis à la récréation grâce à Beam. Elle pilotait à distance ce drôle de robot. Les nouvelles technologies s’invitent de plus en plus à l’école. Le 14 février, l’université de Nîmes a organisé sa première séance de travaux dirigés en anatomie en réalité virtuelle. Studio fond vert, salle de VR*, de podcast… Tout un bâtiment a été totalement reconfiguré. Mais les avancées technologiques ont aussi leurs travers. De nombreux enseignants de lycée s’alarment car de plus en plus d’élèves demandent à l’intelligence artificielle chat GPT de rédiger les dissertations à leur place.
*Virtual Reality, réalité virtuelle.
Être un écolier comme les autres avec le robot Beam
Faire des additions, participer à la chorale de Noël ou même jouer à la « Reine des neiges » à la récré… Alia, 7 ans, a tout testé avec cet automate de téléprésence.
Avec ses 1m35, il est à peine plus grand que les enfants de CE1 de l’école nîmoise Jean-Jaurès. Juché sur un socle à roulettes gris métallisé, ce longiligne robot stationne sagement jeudi 13 février à côté du bureau de Laurence Salle. À 8h15, l’écran rectangulaire qui sert de visage à Beam, s’allume. La frimousse d’une petite fille avec des lunettes rose pâle apparaît. Elle agite ses boucles brunes et laisse deviner deux colliers de perles colorées. Son grand sourire mange l’écran. Face à elle, répond un autre sourire, celui de Laurence : « Tu prépares ton ardoise et ton cahier. » La petite fille installe une chaise rose dans sa chambre, sort son matériel.
Cela fait un an qu’Alia ne peut plus se rendre à l’école. En février 2024, deux mois d’hospitalisation à Marseille l’obligent à interrompre son année de CP. Lorsqu’Alia rentre à la maison, Laurence Salle, sa maîtresse, vient assurer 3 heures de cours à domicile dans le cadre du Sapad*. Puis, elle monte un dossier pour qu’Alia puisse bénéficier de TED-I, programme qui fournit des robots de téléprésence. À la rentrée, Laurence Salle choisit de prendre la classe de CE1 pour pouvoir suivre Alia. Après les vacances de la Toussaint, cette directrice d’école reçoit un carton ressemblant à une « malle de magicien ». Beam est caché à l’intérieur. Elle est formée à l’utiliser. La petite fille est équipée gratuitement d’un ordinateur portable, d’un casque et d’une souris. Laurence Salle continue à passer à son domicile deux heures par semaine. Elles travaillent en tête à tête, préparent ce qui sera vu en classe.
Melissa, Maria, la jumelle d'Alia, et Andrès s'amusent à la "Reine des neiges" à la récréation le 13 février. " L'avantage de ce robot est qu'il crée du lien social. Je valide à 200 %", s'enthousiasme la maman d'Alia.
• Sabrina Ranvier
Connectée à distance tous les jours
Mais du lundi au vendredi, la petite fille se connecte pour voir sa classe. « Les premiers jours, elle était méga, méga excitée. Quand elle a reçu son ordinateur, elle m’a dit "moi aussi je travaille comme toi", se souvient Rita, sa maman qui télétravaille plusieurs jours par semaine. Ses amis lui envoyaient des cartes, des dessins mais la petite fille s’inquiétait : « Après quelques mois de coupures, elle me disait « j’ai plus de copains, ils ont dû trouver une autre copine » ».
Elle n’a aucun doute à avoir. En ce jeudi 13 février, à 8h20, les premiers arrivés en classe se précipitent pour saluer Alia à travers l’écran. « Elle peut se déplacer. Elle a même un bouton pour aller plus vite », décrit un petit garçon. « À la récréation, on joue à Jacadi, à Squid game. C’est un peu « un deux trois, soleil ». Celui qui bouge est éliminé », énumère une joyeuse et volubile petite fille. C’est Maria, la sœur jumelle d’Alia. La maîtresse les interrompt. L’heure est aux calculs et autres problèmes mathématiques. « Alia, tu as l’ardoise ? », interpelle-t-elle avant de tourner le robot vers le tableau. Studieusement, la classe additionne des paquets de stylos. « Et toi Alia, tu penses qu’il y en a combien ? » Silencieusement, Beam vient se coller au tableau. C’est la petite fille qui le pilote. C’est bon, elle y voit mieux. Une petite voix avec la bonne réponse sort de la machine.
Laurence Salle gère un double niveau : quatre enfants de CP et 19 CE1. Avant de partir faire la lecture avec les plus petits, elle donne les consignes aux grands. Ils vont travailler dix minutes en autonomie et doivent entourer des mots se référant à des objets. « Quels sont les objets qui nous servent à travailler ? », lance-t-elle. Les doigts s’agitent : « des stylos », « des cahiers ». « Un robot ! », claironne Louise.
120 élèves de l’académie ont utilisé ces robots cofinancés par l’académie et l’ARS, entre 2022 et 2024. Écoles, collèges, lycées... Le Gard est équipé de 12 robots.
• Sabrina Ranvier
La « Reine des neiges » à la récré
Mais les mains se lèvent encore plus vigoureusement à l’heure de la récréation quand la maîtresse demande qui veut rester en classe avec Alia. La petite fille sélectionne sa sœur Maria, Andrés et Melissa. Pendant que les autres rejoignent la cour, Alia, depuis son robot, donne les consignes d’un jeu inspiré de la Reine des neiges. « Toi Andrés, tu seras Olaf le bonhomme de neige. » Le petit garçon attrape une trousse orange, la colle devant son nez, et sautille genoux pliés. Les deux autres petites filles sautent joyeusement pendant qu’Alia fait tournoyer Beam.
Au retour de la pause, c’est l’heure de la peinture. Alia ne trouve plus sa gouache. « Tu vas le faire au crayon », improvise la maîtresse avant de projeter une photo des arènes. « Vous êtes sûre que c’est une vraie photo ? », interroge un garçon. « Moi j’ai vu une vidéo de maître Lucas qui dit qu’il faut vérifier d’où viennent les images », ajoute Amanda. « Qui regarde maître Lucas ? », interroge la maîtresse. Plusieurs mains levées confirment qu’ils visionnent des vidéos de ce professeur des écoles. « Internet c’est jamais sans un adulte, martèle la maîtresse avant de pointer le robot : Les écrans comme celui-là c’est bien. Mais les écrans cela empêche de dormir, de se concentrer, cela abime les yeux. Vous avez plein de choses à découvrir, vous avez des livres. »
Même si elle est derrière l’écran d’un robot, Alia s’approvisionne en livres. Chaque fois que la classe se rend dans la bibliothèque de l’école, on place Beam face aux rayonnages. Alia choisit un exemplaire et Maria le lui ramène. Alia et Beam ont même participé à la chorale de Noël. « Elle est toujours avec nous sauf le mardi après-midi parce que c’est piscine, explicite un garçon avec beaucoup de sérieux. Mais elle viendra bientôt avec nous. » Mardi 4 mars, Beam part en vacances. Alia va venir le remplacer, en chair et en os, à l’école.
Ces étudiants en psychologie "dissèquent" en tandem un cerveau. Celui équipé d'un casque saisit les morceaux tandis que sa coéquipière le guide grâce à un écran.
• Sabrina Ranvier
Des casques de réalité virtuelle pour apprendre l’anatomie
Vendredi 14 février, Laurie Galvan, enseignante en neurosciences, est la première à inaugurer la nouvelle salle de réalité virtuelle de l’université de Nîmes, un équipement de 130 m2 « unique dans l’enseignement supérieur ».
Sa chevelure est d’un roux incandescent. Mais impossible de distinguer le visage de cette étudiante. Il est englouti sous un casque de réalité virtuelle. Cette jeune femme lève sa main et pince finement un point dans l’air. Elle tire dessus et le pose un peu plus loin. Elle est concentrée, dans sa bulle. Sa coéquipière, située tout près d’elle, l’interpelle : « Un peu plus à gauche. » Cette « copilote » n’a pas de lunettes de réalité virtuelle mais, elle voit ce qui se passe dans celles de sa binôme sur un écran d’ordinateur. Elle la guide pour démonter les plus infimes parties d’un cerveau. Dès qu’elle en saisit une, un descriptif s’ouvre. Il y a en tout six binômes d’étudiants qui expérimentent dans cette salle de TD de 95 m2. Chaque duo est séparé par des filets.
Travail d’équipe
Le reste de la classe patiente dans une zone de debriefing de 45m2. Grâce à une baie vitrée, ils scrutent les faits et gestes de ceux qui pratiquent. De grands écrans retransmettent en direct les images des casques de VR. Les étudiants observent pour ne pas refaire les mêmes erreurs. « Cette salle de VR de 130 m2 est unique dans l'enseignement supérieur », assure Benoît Roig, président de l’Université. Laurie Galvan, maîtresse de conférences en neurosciences, est la première enseignante à l’inaugurer. Le logiciel utilisé a été conçu par l’université américaine de Stanford. « Ils peuvent se mettre en mode « fourmi », c’est-à-dire se faire tout petits pour aller explorer l’intérieur de l’organe, décrit-elle en souriant. Pour le cœur, c’est impressionnant, ils se mettent à l’intérieur et le voient battre. »
Laurie Galvan, maîtresse de conférences en neurosciences, observe les expériences menées depuis la zone de débriefing.
• Sabrina Ranvier
Mémoriser en manipulant
Les étudiants qui voyagent dans le cerveau sont en deuxième année de psychologie. C’est leur troisième cours de neurophysiologie. « Ce sont des profils plutôt littéraires, reconnaît Laurie Galvan, qui est aussi chargée de mission des ressources numériques adaptées à la pédagogie. Apprendre les noms des zones du cerveau peut être indigeste. C’est plus facile à mémoriser quand vous pratiquez. »
Au bout d’une vingtaine de minutes, on pose les casques. Les étudiants qui patientaient, entrent pour terminer les explorations commencées par le premier groupe. Kilian Lods les prend en charge. Il gère la technique et repère les logiciels de VR à proposer aux enseignants. Les épileptiques, femmes enceintes, ou ceux qui ont des problèmes cardiaques ne peuvent pas porter le casque.
Alzbeta, l’étudiante rousse, a troqué le casque de VR pour des lunettes de vue. Elle a du mal à atterrir : « C’est incroyable. C’est une expérience que je ne pourrais pas oublier. » Laurianne et Maya renchérissent : « C’est immersif, ludique. »
Immersions de sensibilisation
L’aménagement de cette salle est revenu à environ 150 000 euros dont 50 000 euros de matériel. Des expériences immersives pourront être proposées dans différents domaines enseignés à l'université. Le système Hado, qui permet notamment de faire un ballon prisonnier virtuel, devrait y être installé. Benoît Roig précise que la salle pourra aussi accueillir des séances de sensibilisation au harcèlement ou aux violences sexistes et sexuelles. « Les participants se retrouvent dans la peau d'une étudiante qui entend des remarques pouvant être sexistes ou déplacées », complète Xavier Moulin, chef de projet numérique.
Évolution numérique à « 360 degrés »
Fin 2021, l’université de Nîmes fait partie des 17 universités sélectionnées pour devenir démonstrateur numérique. Grâce au programme « DemoES », elle est doté de 2,5 millions d’euros. Infrastructures, administration, pédagogie… Benoît Roig indique que le numérique a été développé partout. Le bâtiment G a par exemple été totalement réaménagé. En plus de la salle de VR, il abrite un studio de podcast, un plateau TV pour la chaîne Twitch et un studio de 55 m2 tout équipé. Son sol, ses murs, tout est vert. Le professeur d’histoire Éric Teyssier s’en est servi pour tourner « l’Art s’aNîmes » où des tableaux prennent vie pour raconter un évènement historique. L’université utilise aussi le système immersif Lü permettant d’apprendre en faisant de l’activité physique immersive. Un dispositif fixe a été installé dans une salle de danse. Il sert à la formation des étudiants en Staps. Il permet aussi à des étudiants éloignés du sport de pratiquer une activité physique de manière ludique dans le cadre de la Maison sport santé universitaire. Le second dispositif, mobile, est utilisé à des fins de recherche par l'UPR APSY-v auprès des écoles primaires. Il permet de promouvoir l'activité physique quotidienne couplée à l'apprentissage des mathématiques. Un jeu vidéo pour se préparer à l’entretien d’embauche, « On vous rappellera » est en cours de développement.