Publié il y a 5 h - Mise à jour le 04.03.2025 - Sabrina Ranvier - 4 min  - vu 100 fois

LE DOSSIER « Chat GPT peut être un bon assistant »

Christophe Mauny, Dasen et Xavier Blanc, conseiller pédagogique au numérique, précisent que l'expérimentation menée dans les trois communes gardoises, est suivie par la Direction de région académique du numérique pour l'éducation ainsi que par deux universitaires montpelliéraines.

- Sabrina Ranvier

Saint-Ambroix, Meyrannes, Saint-Victor-de-Malcap, dix enseignants cévenols testent l'intelligence artificielle générative. Le but : voir si elle peut leur dégager du temps pour s’adapter aux difficultés des différents élèves.

Sébastien Agniel gère une classe de CM 2 et assure la direction de l’école élémentaire Florian de Saint-Ambroix. Au départ, il n’était « pas spécialement convaincu » par l’IA. Il n’avait même pas essayé la version gratuite de Chat GPT. Aujourd’hui, il utilise sa version pro pour l’aider à préparer ses cours et est « davantage disponible en classe » auprès de ses élèves. Dix enseignants participent à l’expérimentation sur l’IA lancée sur le territoire éducatif rural Cèze-Cévennes.

En zone rurale, les professeurs des écoles peuvent facilement se retrouver avec des classes à plusieurs niveaux. « Quand on est face à une classe multi-niveaux, le geste professionnel de la conception de l’enseignement prend du temps, que l’on débute ou pas », pointe Christophe Mauny, Dasen. Comment « dégager du temps utile » aux enseignants pour qu’ils s’adaptent aux difficultés des différents enfants ? Le choix a été fait de tester l’intelligence artificielle « en la positionnant comme assistant de l’enseignant, pas en remplaçant ».

Vingt heures de formation

Xavier Blanc, conseiller pédagogique en charge du numérique et Julien Turc, enseignant référent sur le numérique de la circonscription, se forment puis forment des enseignants de Saint-Ambroix, de Meyrannes et de Saint-Victor-de-Malcap. Ils reçoivent un abonnement à Chat GPT pro, qui était considérée au lancement de l'expérience comme l'IA la plus "robuste". Sarah Labelle et Lucie Delias, deux chercheuses de l’université Paul Valéry et la Drane* suivent le projet. « Quand on a lancé l’expérience, on ne savait pas trop où on allait, reconnaît Xavier Blanc. On découvrait des outils qui étaient nouveaux. Ils avaient une exposition médiatique très grande avec beaucoup de fantasmes : une peur d’être peut-être remplacé et des fantasmes de super efficacité. »

Céline Jouet, enseignante en CM1 à l’école Florian, était « un peu sceptique » au début : « On a eu des formations très enrichissantes le mercredi pour apprendre par exemple comment rédiger un prompt. » Un prompt, c’est la consigne que l’on donne à Chat GPT. « On a imaginé des pistes pour différencier le contenu pour les élèves, pour s’adapter au plus près de la difficulté scolaire », précise Xavier Blanc.

Céline Jouet a par exemple utilisé Chat GPT pour une séquence sur les émotions. L’IA lui a proposé un poème de Victor Hugo, qu’elle ne connaissait pas et qui montrait la gradation des sentiments autour de la tristesse. L’IA permet aussi de retravailler le texte pour le rendre accessible aux enfants qui souffrent par exemple de dyslexie. L’enseignante lui a aussi demandé de générer une dictée. Avec le temps gagné, elle a réussi à proposer une activité supplémentaire d’éducation musicale.

Hallucinations et esprit critique

Chat GPT serait-il l’assistant parfait ? « Il propose beaucoup de choses mais il faut beaucoup cadrer », modère-t-elle. Pour qu’elle ne s’éparpille pas, Sébastien Agniel lui demande de ne chercher ses informations uniquement dans les ressources institutionnelles. « Ces IA ne peuvent pas faire le travail de l’enseignant, résume Xavier Blanc. Ce sont des IA probabilistes. En demandant 30 fois la même chose, on aura 30 réponses différentes. »

L’expérience a montré que ces IA peuvent être « un excellent assistant voire un collègue avec qui discuter autour d’une piste pédagogique ». On peut par exemple lui demander des idées pour un élève qui a du mal à retenir les règles d’orthographe. À charge ensuite à l’enseignant de trier les réponses. « Il faut être vigilant sur tout ce qu’il propose, prévient-il. Parfois il y a des ‘hallucinations’ ». Sébastien Agniel a observé qu’en numération Chat GPT « est plus facilement en mode « hallucinations », elle propose des réponses incohérentes. Céline Jouet pointe un autre aspect « un peu dérangeant », quand on lui demande des images pour illustrer un exercice, il génère des images « très américanisées » avec le garçon au premier plan avec un maillot de son équipe préférée et la fille derrière.

Assia Tria a animé en février une conférence grand public à la médiathèque d'Alès pour décrypter le fonctionnement et les enjeux de l'IA. • Louis Valat

Entretien avec Assia Tria, directrice IMT mines Alès

« Grâce à l’IA on pourra intégrer tous les enfants à l’école »

Objectif Gard le magazine : Vous avez organisé la conférence “l’IA expliquée à tous : entre mythes et réalité” à la médiathèque d’Alès le 11 février. Est-ce que le développement exponentiel des IA comme Chat GPT est une menace ?

Assia Tria : On confond souvent l’intelligence artificielle avec l’intelligence humaine. Mais l’IA n’est nourrie que de données. L’IA générative calcule quelle est statistiquement la meilleure réponse. Elle ne fait que recréer à partir des données qu’elle connaît. Si vous cherchez un texte en zoulou, elle ne fournira pas de réponse intéressante car il y a peu de données disponibles.

De plus en plus d’élèves font leur devoir avec des IA génératives. Comment les enseignants peuvent-ils contre-attaquer ?

Nier l’existence de l’IA c’est aller dans le mur. Chat GPT a atteint 100 millions d’utilisateurs en 5 jours. L’homme est fainéant et il fait des erreurs. On a par exemple créé la calculatrice pour faire moins d’erreurs. Les enseignants ont changé les exercices pour s’adapter à l’arrivée des calculatrices faisant des courbes. L’IA, il faut le voir comme une aide. Le vrai enjeu c’est d’accompagner les enseignants. Il y a de gros avantages avec l’IA. Les enfants en primaire ont des logiques différentes. On a décidé d’accueillir tous les élèves alors qu’avant on les réorientait. Il y a des outils fantastiques qui permettent d’aider les enfants dyslexiques, dyspraxiques. Si on forme bien les enseignants, cela permettra d’intégrer tout le monde.

Des enseignants qui ont demandé à Chat GPT de générer des images d’écoliers, se sont retrouvés avec des illustrations très cliché américain. Pourquoi ?

Les données sont majoritairement celles des États-Unis, donc on a des biais. Il y a pas mal d’avantages avec les IA mais aussi des inconvénients. La moitié de l’humanité n’a pas accès à Internet. On laisse donc sur le carreau la moitié de la planète. Ces IA consomment beaucoup. Pour Chat GPT, on a 16 000 processeurs qui tournent. Il faut réfléchir à la consommation énergétique et à l’empreinte carbone. Est-ce que ce n’est pas plus raisonnable d’utiliser une calculatrice plutôt que de faire faire les exercices de maths sur chat GPT ? Il y a aussi un problème de transparence, de protection des données personnelles. Quand les enseignants mettent leurs cours sur chat GPT pour les améliorer, ils deviennent des données publiques.

Sabrina Ranvier

A la une

Voir Plus

En direct

Voir Plus

Studio