Publié il y a 9 jours - Mise à jour le 12.11.2024 - Sabrina Ranvier - 6 min  - vu 101 fois

LE DOSSIER Paroles de militants

Guilhem milite depuis les présidentielles. Il a convaincu ses parents qui vivent dans un village gardois de s'engager il y a un an : "On a eu beaucoup de débats, sur l'écologie, la décroissance..." Béatrice Leccia, porte-parole des écologistes, précise que ce parti a recueilli 265 adhésions supplémentaires dans la région du 9 juin au 31 août.

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Ils sont à Gauche, au Centre ou à Droite. Le plus jeune a 17 ans. Les plus âgés 81. Seize militants gardois racontent leur quotidien.

Sabrina Ranvier

• Malik, écologiste :

« Dans les quartiers, les familles sont riches en idées »

Gilet bleu, chemise blanche, allure posée, Malik aura 18 ans le 14 février. Il n’a jamais voté. Pour les Législatives, ce militant écologiste, lycéen en terminale, a tracté, échangé sur les marchés pour les candidats du Nouveau Front populaire. « Beaucoup nous ont fait un très bon accueil. Ils se sentent abandonnés dans les quartiers, tranche ce jeune homme qui a grandi à Pissevin. Beaucoup de familles sont riches en idées. Il n’y a pas que des mauvais jeunes dans ces quartiers ». L’histoire de son militantisme démarre sur les réseaux sociaux.

À 16 ans, il découvre sur Tik Tok Amine Kessaci, un jeune des quartiers nord de Marseille. Après avoir perdu son frère dans un règlement de comptes, il a lancé l’association Conscience pour accompagner les familles de victimes. « Amine m’a redonné espoir », reconnaît Malik qui devient en 2022, référent de Conscience à Pissevin. En août 2023, le petit Fayed, 10 ans, est assassiné par erreur. Deux jours plus tard, un jeune homme de 18 ans meurt. « Conscience a une psychologue et une avocate. On a accompagné la famille de Fayed », narre-t-il. Amine Kessaci se présente aux Européennes, en 10e place sur la liste de l’écologiste Marie Toussaint. C’est lui qui propose à Malik de s’engager. Le jeune homme, éco-délégué au lycée Hemingway, fonce. Début septembre, il a organisé une réunion dans son quartier. Une cinquantaine de personnes est venue. Des idées émergent comme faire revenir la police de proximité pour tisser des liens avec les habitants et permettre le retour des services de proximité.

• Véronique, écologiste :

« J’ai pris ma première carte dans un parti politique à 57 ans »

Elle n’avait jamais milité dans un parti. Véronique, enseignante spécialisée installée dans un village près de Sommières, a pris sa première carte à 57 ans, chez les écologistes. Son mari, fonctionnaire retraité, et sa sœur, assistante de direction, ont fait de même. C’est Guilhem, son fils, étudiant en master d’économie de l’énergie à Montpellier, qui a lancé le mouvement. Lui est engagé depuis trois ans. Sauveteur en mer bénévole, il avait participé aux manifestations pour le climat au lycée. Face au réchauffement climatique, il voyait deux options : ne rien faire et sombrer dans l’éco-anxiété ou participer. En 2022, il est en charge de Twitter et des réseaux sociaux des « jeunes avec Jadot ». Sa mère suit. Une évidence pour cette enseignante référente qui a 400 enfants en difficulté à suivre. « Mes parents faisaient leur jardin, avaient des poules, des chèvres. J’avais fait des études de sciences éco dans les années 80. J’étais sensible au message du club de Rome qui appelait à une halte de la croissance ».

Stratégie, programme, mobilisation, communication… Les membres de Place publique, comme Alain et Florence, travaillent pour structurer le mouvement de Raphaël Glucksmann : "Si on veut que les choses changent, si on ne veut pas avoir ce mur RN devant le nez, il faut travailler sur 5 ans. " • Sabrina Ranvier

• « Il n’y a pas de querelles d’ego chez Place publique »

Alain Boutault, 75 ans, a soutenu Emmanuel Macron durant un an, avant de lâcher en lisant des articles sur le financement de sa campagne. Florence, 61 ans, assistante juridique à la retraite, avait testé le PS en 2012-2014. Elle s’était agacé de voir « qu’il fallait avoir 30 ans d’ancienneté pour que l’on commence à vous écouter ». Christine, 58 ans, ingénieure en bâtiment, a fait un bref passage en 2017 à LFI. « Bluffée par les talents d’orateur » de Jean-Luc Mélenchon dans un premier temps, elle se reconnaît dans les éléments de Gauche, apprécie que le programme ait été construit à plusieurs. Mais elle se sent vite « en décalage ». Elle trouve l’attitude de Mélenchon « un peu trop autoritaire », ses positions pendant la guerre en Ukraine « ambiguës ».

Ce qui réunit Alain, Florence et Christine, c’est Place publique lancé par Raphaël Glucksman. « Il n’y a pas de querelles d’ego. En deux ans de réunions, il n’y a pas eu de portes qui claquent et pas une seule fois les voix se sont élevées », assure Alain Boutault. Ce retraité, qui a vécu 12 ans aux États-Unis, est encarté depuis janvier 2019. Florence, « européenne convaincue », a adhéré fin 2023. De mars à juin 2024, elle mène quasiment une action tous les deux jours. « On apprend beaucoup de choses en tractant, résume-t-elle. On n’a pas l’occasion de parler avec des gens d’autres sphères, d’autres milieux sociaux ». Le 9 juin, avec l’annonce de la dissolution, Christine, ingénieure en bâtiment, entre dans une « colère noire » seule devant sa télé. Déjà séduite par l’ouvrage d’Aurore Lalucq, codirigeante de Place publique, elle fonce : « C’est un parti en train de se créer, cela bouillonne, les idées de la base remontent. »

Lola Elbaz a grandi à Nîmes où sa tante, avocate, a été conseillère municipale PS. • © Collection privée Lola Elbaz

• Lola Elbaz :

« J’ai la sensation d’être dans un moment démocratique important »

L’enthousiasme crépite dans sa voix. Lola Elbaz a 28 ans. Cette avocate pénaliste est inscrite au barreau de Paris. Mais elle a ses attaches à Nîmes et c’est dans le Gard qu’elle a décidé de militer au PS. Elle a adhéré en fin d’été. La dissolution et la nomination du gouvernement Barnier, ce pouvoir exécutif qui « n’écoute pas » l’ont poussée à « mettre les mains dans le cambouis » plutôt que de « commenter à la machine à café ». « J’ai la sensation d’être dans un moment démocratique important », analyse cette diplômée de Sciences Po Paris. Elle veut aller au contact des gens. « C’est une déformation professionnelle, j’aime les gens. Je crois à ce pouvoir de convaincre ». Elle n’a pas voulu adhérer au PS dans le très bobo XIe arrondissement de Paris où elle vit pour ne pas « avoir un débat d’idée un peu plat » où elle « aurait l’impression de discuter avec son clone ». Elle a surtout choisi d’adhérer dans le Gard face au « score quasi stalinien du RN » dans le département.

Pierre Geminard, 81 ans, ex-salarié d'Arcelor-Mittal et toujours militant au PS.  • Sabrina Ranvier

• Pierre Geminard, PS :

« Le plus agréable dans le militantisme politique, ce sont les municipales »

Il est né la même année que Johnny Hallyday et il avait 20 ans quand John Fitzgerald Kennedy a été assassiné. Cet ancien employé de la sidérurgie aura 81 ans dans un mois et il milite toujours. Ce natif de Saint-André-de-Valborgne l’avoue, il n’a jamais su pour qui sa mère votait. Mais il se souvient que cette protestante accueillait des enfants juifs et les faisait déjeuner avant qu’ils ne partent pour Chambon-sur-Lignon. Lui s’engage d’abord comme délégué des parents, puis milite au PS dans les années 80. Il ne compte plus les campagnes menées, mais est sûr d’une chose : « Le plus agréable dans le militantisme politique, ce sont les campagnes des municipales. On rencontre des gens que l’on ne connaît pas. » Des moments difficiles, il en a vécu comme en 2002 avec le revers de Lionel Jospin et la présence de Jean-Marie Le Pen au second tour. Il déplore aussi « ces moments où en interne, certains sont prêts à se faire la guerre pour des postes à responsabilité ». Une tendance aujourd’hui aplanie, selon lui, dans le Gard.

• Day Parsons, PCF :

« On a vraiment cru que l’on allait avoir un gouvernement RN »

Ce professeur de guitare classique de 46 ans est encarté au PCF depuis environ sept ans. Juste avant les élections européennes, il voit Alain Clary, ancien maire de Nîmes âgé de 86 ans, et d’autres militants tracter devant l’école de ses enfants. Il décide de les rejoindre. Le candidat du parti, le jeune Léon Deffontaines, lui plaît. Lorsqu’Emmanuel Macron dissout l’Assemblée nationale, Day Parsons se donne à fond. Il s’investit d’autant plus que son épouse est binationale : « On a vraiment cru qu’on allait avoir un gouvernement RN. Pour moi, ce n’est pas concevable. Mon grand-père était dans le maquis. » Il fait beaucoup de « boîtage », du porte-à-porte, essaie de tracter tous les jours. Le climat est « pesant ». Il estime que la "parole raciste s'est décomplexée" : « Une dame a fait des réflexions appuyées sur le Français de mon épouse. » Comment envisage-t-il la suite ? « On vit une crise démocratique sans précédent, répond-t-il. Là, c’est un peu la résignation, même si on sait qu’il va falloir lutter encore plus fort ».

Sabrina Ranvier

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