FOOTBALL Arnaud Grosselin (OAC) : "80% des joueurs diront que c'est la plus grosse prépa' de leur carrière"
À bientôt 30 ans, Arnaud Grosselin est aux commandes de la préparation physique de l'Olympique d'Alès en Cévennes depuis juillet 2022 et son arrivée en provenance d'Avranches (N1). Acteur majeur du maintien des Oaciens la saison dernière, l'Auvergnat vient de boucler sa deuxième pré-saison estivale, la première sous les ordres d'Hakim Malek. À quelques heures du début d'une nouvelle saison avec la réception ce samedi (18h) à Pibarot de Bourgoin-Jallieu, l'ancien d'Andrézieux revient sur l'intensité de la préparation, évoque sa relation privilégiée avec les joueurs et esquisse quelques pistes de développement pour aider le club à atteindre ses ambitions. Interview long format !
Objectif Gard : Quel est l’état de fraîcheur des troupes au terme de 7 semaines de préparation physique estivale ?
Arnaud Grosselin, préparateur physique de l'OAC : J'ai compté, on aura sollicité les joueurs sur 36 jours. On aura fait 43 séances en 36 jours. Dernièrement, c'est mieux en matière de fraîcheur. Le match amical contre le Puy (défaite 3-0 Ndlr), c'était la fin de la grosse partie de travail foncier. On savait qu'on n'allait pas avoir de jambes. Après ça, on a travaillé sur l'explosivité quasiment tous les jours. Une semaine après, contre la réserve de l'OM, on a retrouvé du coffre et de l'explosivité. On devrait attaquer avec de la fraîcheur ce samedi.
Compte tenu de la canicule ces derniers jours, y a-t-il eu des adaptations, à la fois des horaires d'entraînement et du contenu ?
Sur le contenu pas trop parce que changer son contenu c'est ne pas arriver aux objectifs fixés. On s'est adaptés au niveau des horaires en se donnant rendez-vous à 7h45 le matin, de sorte qu'à 10h30 on puisse tous rentrer chez nous. Honnêtement, ça pique ! Ceux qui ne sont pas équipés chez eux dorment mal. Le choix a été de commencer les séances beaucoup plus tôt pour ne pas modifier notre contenu. Tout ce qu'on a voulu mettre on l'a mis.
Quel est le joueur qui est apparu le plus en forme à l’issue des tests physiques de pré-saison ?
On a fait les premiers tests très tôt au bout de trois jours. Ils n'ont pas été très bons. On a fait un deuxième test au bout de trois semaines et j'ai été surpris car pratiquement tout le monde a été au dessus de mes espérances. Mais il n'y a pas un mec que je peux citer plus qu'un autre car ça a été une très grosse prépa'. La plus grosse que j'ai pu effectuer en tant que préparateur. Quand on montre aux joueurs qu'ils peuvent le faire ils le font. 80% des joueurs du groupe diront que c'est la plus grosse prépa' de leur carrière. C'était voulu car il y a quatre matchs en moins par rapport à la saison dernière. Ça fait donc quatre semaines en moins. C'est aussi pour ça qu'on a opté pour sept semaines de prépa' au lieu de six. Le championnat va être très dur. Si on veut rentrer au moins dans les huit premiers pour atteindre déjà l'objectif du maintien, il faut être prêt ! Je pense que ça va être un très gros atout cette saison.
Au cours d’une interview la saison dernière, tu me disais que tu avais été surpris par la capacité des joueurs à encaisser une deuxième prépa' en cours de saison après l’arrivée d’Hakim Malek. Cela a-t-il changé ta vision de la préparation physique ?
Exactement ! Le coach m'a fait comprendre que les joueurs étaient capables de le faire à condition qu'on arrive à les convaincre que c'était possible. Avec d'autres collègues préparateurs, on se disait toujours qu'on devait le faire mais on avait toujours une petite peur de l'inconnu. Je suis sorti de ma zone de confort avec l'arrivée du coach. Ça a fait ses preuves. J'ai fait sauter le verrou et cette année on a opté pour cette très grosse prépa'. Ça comporte des risques, on a eu quelques pépins. Mais tous les clubs en ont. Il n'y a qu'à voir le XV de France. Le staff contrôle tout depuis quatre ans et ils arrivent à avoir des pépins sur des joueurs majeurs juste avant la Coupe du Monde. Dernièrement, le Real a perdu deux joueurs sur des ligaments croisés alors qu'ils ont un staff de 40 personnes. C'est les aléas du sport !
Il s’agissait de ta première préparation estivale sous les ordres d’Hakim Malek puisque l’an dernier à la même époque Stéphane Saurat était toujours en poste. Quelles étaient ses exigences ?
J'ai eu totale liberté pour concevoir la préparation. Il m'a fait comprendre que c'était "ma" prépa'. Il s'est articulé autour de moi, en sachant qu'on construit les séances ensemble. Les seules consignes, c'est qu'il fallait que ça soit dur et intense. Par exemple, j'ai mes tableaux avec mes repères. Le coach a tout augmenté. Il a gardé mon travail de base en augmentant tout d'une ou deux minutes ou d'une répétition.
J’ai souvenir du tout premier entraînement le 10 juillet dernier au cours duquel il y avait déjà des exercices avec le ballon. Ça aussi, c'est la "patte Malek" ?
Les trois premiers jours, on a décidé de tout faire avec le ballon car on avait décidé de reprendre plus tôt. Les nouveaux ont pu se dire "ah ouais, ici on va beaucoup courir, mais on va jouer au ballon". On a aussi fait cavaler les mecs. Ils ont bouffé des kilomètres. Quand on fait de nouvelles choses, on perd de l'intensité dans les séances car il faut expliquer chaque exercice. On a donc quasiment toujours gardé la même structure en y ajoutant parfois le ballon à la fin. Ma priorité, c'est la compréhension des joueurs. Pour le travail d'explosivité, c'était quasiment toujours la même mise en place. Au moins on ne perdait pas de temps et l'intensité restait élevée. Sur le travail athlétique, les mecs ont été studieux. Ça a très peu rechigné.
"Physiquement, on a roulé sur nos adversaires"
En rigolant, mais avec sans doute une part de vérité, Daysam Ben Nasr me disait que tu étais le maillon le plus important du club. La préparation physique dans le football moderne, qui plus est en N2, c’est vraiment la clé de la performance ?
Si physiquement on est au dessus des autres, on se maintiendra ! La saison dernière, si on s'est maintenus, c'est l'arrivée du coach mais c'est aussi parce qu'il a décidé de refaire une prépa'. Physiquement, on a roulé sur nos adversaires de janvier à mars (la meilleure période sportive de l'OAC la saison dernière, Ndlr). Cette saison, lors des deux ou trois premiers matchs, techniquement et tactiquement tout le monde sera en mode réglages. Si on est à la hauteur sur le plan athlétique, ça va le faire. Si on arrive à titiller les grosses écuries cette saison, c'est aussi parce que physiquement on sera au rendez-vous. On n'a pas un joueur capable de dribbler toute l'équipe adverse, on n'a pas des joueurs qui vont tous plus vite que les adversaires, mais si on arrive à redevenir ce rouleau-compresseur de la saison dernière, on va faire une belle saison !
Pour en revenir aux propos de Daysam, c'était aussi un moyen pour lui de saluer ton travail d’accompagnement dans sa réathlétisation après sa longue blessure. C’est au cours de ce travail individualisé que des relations fortes se créent et qu’on en apprend plus sur l’autre. Qu’as-tu découvert sur sa personnalité ?
Quand tu es en individuel avec un joueur, tu tisses forcément des liens. On avait des séances en dehors du terrain, on se voyait au Crosffit le Troisième endroit rien que tous les deux. Il y a eu des moments où il était moins bien. Je suis censé éponger tout ça. Avec Daysam, on a atteint nos objectifs plus tôt que prévu. Il va être apte pour la première journée de championnat alors qu'au mois de juin, quand j'en parlais avec le coach, je disais que c'était pas possible. Daysam a fait le nécessaire de son côté. Il a été d'un très grand professionnalisme. Il a bossé non-stop, j'étais constamment en lien avec lui. Cette blessure a été très difficile parce qu'il était en feu au moment où il se blesse. Mais je pense qu'il a vraiment appris sur lui et la connaissance de son corps. Aujourd'hui il est apte à 100% et n'a plus aucune douleur. En cela on a réussi notre pari.
"Si le club veut franchir un cap, ça sera un passage obligatoire"
D’autres joueurs du secteur offensif sont à l’infirmerie. À quel stade de leur guérison se situent-ils ?
Je vais faire dans l'ordre des plus avancés dans leur guérison. Pour N'Famara Diaby, c'est une lésion musculaire. Il a repris la course et va passer quinze jours avec moi pour espérer être compétitif mi-septembre. Yassine Kich qui s'est blessé un peu bêtement à Montpellier sur une reprise de volée a une petite lésion derrière le genou. Il a une semaine d'écart avec N'Famara donc on peut le retrouver sans problème fin-septembre. On retrouvera Nordine Benaries un peu plus tard suite à sa blessure au mollet. Il va reprendre l'entraînement avec moi d'ici quinze jours donc pas de retour en match avant octobre. Et Brahim Mahamat, c'est une petite blessure ancienne au genou qui s'est réveillée. Il va reprendre la course lundi. Pour lui, c'est un peu plus incertain dans le sens où si ses douleurs ont disparu, ça peut aller très vite, tandis que si les douleurs persistent, ça peut être plus long.
On te voit très proche avec les joueurs lors des entraînements. Tu as le même âge que certains. On pourrait presque croire que tu es l’un des leurs. Ça t’aide à obtenir des informations qui pourraient échapper au reste du staff ?
Je m'entends très bien avec tout le monde. Je suis très proche d'eux. Ça permet de filtrer et de ne passer quasiment à côté de rien. À mon poste, c'est prépondérant pour la prévention des blessures, pour l'état de forme du groupe, qu'il soit physique ou mental. J'ai besoin de savoir car tout ce qui se passe à la maison a un impact sur la vie d'un footballeur. Ça me permet de savoir pourquoi le joueur est moins bien, pourquoi il est en forme. Après c'est à moi de ne pas me tromper. Il y a des jours où le coach n'est pas prêt à entendre certaines choses, il y a des jours où il faut tout lui dire. C'est à moi de trancher. Dans tous les cas, on fait un beau métier. On se doit de rire ensemble, même s'il y a des moments dans l'entraînement où les joueurs savent que ce n'est pas possible.
Une demi-douzaine de joueurs de l’effectif vit au centre d’entraînement Jean-Sadoul. Les recrues y passent souvent un temps en attendant de trouver un logement. Quel est selon toi le bénéfice de cette installation pour la cohésion du groupe ?
J'y ai moi-même dormi quelques mois ! Certains soirs, quand j'y vais, on peut quasiment retrouver toute l'équipe. Éric (Moreau, le gardien, Ndlr) est le barber de l'équipe. Il a son salon dans sa chambre donc souvent les veilles de match, tous les mecs y passent. Ça a un avantage dans le sens où les joueurs passent du temps ensemble. Pour les mecs à l'essai ou les recrues, ça permet de les garder sur place. Il y a des cuisines, des douches, c’est propre ! C’est à côté de tout. Pas loin de Pibarot et du Moulinet. On se demande même pourquoi tout notre lieu de vie n’est pas là-bas. On pourrait créer un vrai centre d’entraînement au Rieu. Les murs sont déjà là, les terrains aussi. En cas de rénovation, ça pourrait être un vrai avantage stratégique pour le développement du club. Si le club veut franchir un cap, ça sera un passage obligatoire. Ça doit être une priorité car ça va devenir indispensable pour bien travailler et donner envie aux autres de venir. Pour avoir connu plus haut avec Avranches, quand on a eu un centre d’entraînement tout neuf, ça a tout changé.
"Retrouver le N1 avec le club ça serait quelque chose de fort !"
Arnaud Grosselin
Certains staffs de N2 sont plus étoffés que le vôtre, avec plusieurs adjoints, plusieurs préparateurs physiques et un ou des analystes vidéo. Se renforcer dans ce secteur, c'est la prochaine étape si l’OAC entend grandir encore ?
On commence ! Un analyste vidéo va sûrement nous rejoindre très prochainement. Ça va nous permettre de gagner du temps. On est que trois à plein temps pour 23 joueurs donc on passe forcément à côté de certaines choses. Étoffer le staff fera inévitablement partie de l’amélioration de l’équipe car on sera plus efficace. Chaque mec a son poste pourra augmenter sa performance dans sa spécialité.
Paradoxalement, tu outrepasses bien volontiers ta fonction de préparateur physique...
Tout concerne le préparateur physique car tout touche plus ou moins directement la performance et c’est mon domaine. Je mets mon nez partout car plus on développe de choses, plus on a de chances de réussir. Ce n’est pas ma nature de rester dans mon coin sans rien faire. Malgré mon jeune âge, j’ai une petite expérience. Le club a des ambitions. J’en ai aussi. Retrouver le N1 avec le club ça serait quelque chose de fort ! Ici, le stade fait foot. La communication est en train de s’améliorer, l’engouement est en train de prendre. On a réussi à dégager des fonds pour acheter du nouveau matériel. On a pu acheter une piscine automatisée pour faire des bains froids. Je n’ai plus à m’occuper des glaçons. Je remercie le club pour ça car ça faisait un an que je le réclamais et depuis qu'on l'a ça me dégage beaucoup de temps.
Avais-tu un plan de carrière lorsque tu as achevé tes études de préparation physique ?
Oui, mais je ne le dirai pas (rires). Quand j’ai signé en 2019 à Avranches à 24 ans, j’étais le plus jeune préparateur physique de N1. J’étais largement au dessus de mes espérances, après ça s’est un peu ralenti. On est très nombreux sur le marché. Parfois ça ne se joue à rien. Mais il vaut mieux être dans un club structuré de N2 que dans un club de N1 moins structuré. J’ai des objectifs très élevés. Je suis un compétiteur. Quel bonheur ça doit être de se retrouver en Ligue 2 avec un staff plus étoffé pour travailler ! J’ai la chance de ne pas encore avoir connu de période de chômage. J’ai beaucoup de collègues qui renoncent, se redirigent vers d’autres sports ou d’autres métiers. Beaucoup restent sur le carreau !