ALÈS Souredj a sculpté le trophée remis à Tony Gatlif lors d'Itinérances
Né dans le graff, élève de Raymond Roux en matière de sculpture, Souredj a imaginé et façonné une caméra décomposée comme prix du festival Itinérances, remis mardi à Tony Gatlif.
"Il ne fallait pas que ce soit figuratif, ils voulaient quelque chose de contemporain." C'est avec cette consigne, et le destinataire de l'oeuvre, que Souredj commence a créer un prix du festival à remettre à Tony Gatlif. "Comme je n'avais jamais fait de totem, j'ai dit ok." Le résultat, cette caméra "décomposée, car il ne fallait pas que ça ressemble immédiatement à une caméra. J'ai minimalisé les formes à fond. Pour moi, il fallait quand même qu'il y ait un sens derrière."
Du graff dans la rue à la sculpture enseignée par Raymond Roux
Un sens que Souredj a trouvé relativement jeune, en se passionnant pour le graff, "appris en tombant sur un groupe qui m'a pris sous son aile", en région parisienne. Cet Aveyronnais d'origine entame une vie de passion. Non sans heurts, quand graff rime encore exclusivement avec culture urbaine... souterraine. "À 18 ans, j'ai pris six mois avec sursis parce que je filmais un copain en train de peindre un mur. J'ai pris 60 heures de travaux d'intérêt général (TIG). À l'époque, je décorais des laser-quest." Une activité qui le mène dans diverses villes de France. Mais dans la foulée de la condamnation, l'urgence, c'est de quitter l'Ile-de-France. "J'ai pris peur, je suis redescendu ici."
Alès, Souredj connaissait déjà, depuis 1995. En juillet 1998, il y revient donc pour effectuer un stage dans le cadre de son CAP staffeur ornemaniste, "avec Raymond Roux", auteur, entre autres, de la statue du mineur qui trône sur le rond point du quai Max-Chaptal. "Il m'a gardé un an et demi", rembobine l'artiste venu des cultures urbaines. Avec l'Alésien, Souredj façonne les livres du socle du buste d'Alphonse Daudet, à deux pas de la médiathèque. En parallèle, il effectue ses heures de TIG au centre aéré de mas Sanier, "j'ai fait peindre les enfants au pinceau".
De la statue du mineur au livre ouvert d'Alphonse Daudet devant la médiathèque
En 2002, Souredj investit la place. Il accouche de l'association Art attack à Alès, un collectif destiné à "promouvoir les cultures urbaines, surtout le graff à l'époque". Entretemps, les bombes de peinture ont gagné le droit de décorer "des murs autorisés, légaux", même si l'undergound poursuit son histoire. L'expo de Ouf s'implante à Nîmes et donne de la couleur aux bâtiments du quartier Nord Gambetta, Souredj participe d'ailleurs à deux éditions des débuts. "Les premières personnes à nous avoir fait travailler comme collectif, ce sont les Francas du Gard, aux Salles-du-Gardon. Ensuite, Salim Zeim nous a sollicités pour travailler dans les quartiers prioritaires de la ville." Puis, c'est la protection judiciaire de la jeunesse (PJJ) de Nîmes qui pense au collectif pour "créer des activités afin d'éveiller les jeunes à l'esprit artistique", en 2016. "J'ai été condamné à des TIG, aujourd'hui je donne des leçons dans les quartiers prioritaires", s'amuse l'artiste né à l'aube des années 80.
Des cours, il en donne aussi au local de l'association, investi en 2018, situé 3 rue Veigalier. Souredj travaille à la Verrerie, répare la statue du mineur de son maître Raymond Roux, brisée par un chauffard. Son local reçoit rapidement ses premières expositions... quand surgit la pandémie. "Tout s'arrête d'un coup. Heureusement, j'ai eu la chance d'avoir été choisi pour la sculpture du rond point de la médiathèque." La création monumentale débute en septembre 2020, elle sera installée en mai 2021.
Dans ses cartons, un festival de graff pour Alès
Depuis, l'artiste alésien fait exposer régulièrement des confrères à l'Urban Parc. La prochaine exposition débute ce vendredi 1er avril, à 19h, avec Laurent Spev, artiste de la veine de Pablo Combas. Souredj fait aussi un constat : "Alès est la dernière ville du Gard qui n'a pas son festival de graff." Cette année, l'idée devrait se limiter à un événement. Avant un vrai festival l'année prochaine, "avec des artistes nationaux, un étranger et des locaux". Il cultive aussi des projets de graff - sous autorisation désormais - sur certains murs dégradés d'Alès. Quant au totem créé pour Itinérances, Souredj le produirait bien en plus grand, "pour l'installer à Rochebelle, à proximité des locaux du festival". Le qualificatif de totem prendrait alors tout son sens.
François Desmeures
francois.desmeures@objectifgard.com