BAR DE VILLAGE À l’Ardoise, le Bon coin, comme son nom l’indique
Cet été, Objectif Gard consacre une rubrique aux bars de village. Après Vallabrègues, Caveirac, Dions, Soudorgues, le Grau-du-Roi ou encore Jonquières-Saint-Vincent, pour cette dernière, direction l’Ardoise et plus précisément le Bon coin.
« Le bar a toujours été là », lance le gérant des lieux Fabrice Testud, dit ''Patos'', lorsqu’on lui demande depuis quand existe le Bon coin. En tout cas, il est au bord de la N 580, la route qui relie Bagnols/Cèze aux Angles, depuis au moins un siècle, à en juger par la photo en noir et blanc qui trône derrière le comptoir, sans doute tirée d'une carte postale d'époque. Bref, « il est mythique, ce bar », glisse Patos, 54 ans, un enfant du cru qui n’aurait jamais imaginé un jour reprendre le seul survivant des sept bars que comptait encore le hameau industriel dans les années 1980.
Ça s’est fait il y a deux ans et demi. Oui, « juste avant le confinement », sourit Patos. Après avoir bossé à Arcelor-Mittal, à quelques centaines de mètres de là, avant que l’usine ferme en 2004 en traumatisant la commune, puis avoir roulé sa bosse dans une carrière puis dans l’agriculture, il décide de reprendre le bar avec sa copine de l’époque. « On s’est séparés mais j’ai gardé le bar », précise-t-il. Aujourd’hui, il est barman et cuisinier. « Mes parents étaient cuisiniers, ma grand-mère aussi. J’ai toujours baigné dedans », affirme Patos.
Au Bon coin, on mange des pizzas, avec sa botte secrète (« de la semoule dans la pâte, c’est un pote italien qui me l'a appris »), le plat du jour et l’incontournable bavette-frites-salade, plébiscitée à midi par les travailleurs de la grosse zone industrielle située tout à côté. La clientèle ici, ce sont des gens qui bossent et/ou des habitués. Pour les satisfaire, Patos mise sur « la qualité, aussi parce que j'aime manger ! ».
Patos aime aussi les motos, et globalement les États-Unis. Biker, il roule en Harley et en Mustang de 1967. Et il a aussi une association, Wings of the road, depuis 2013, avec laquelle il aide des enfants malades ou handicapés. Les bikers font donc partie des habitués, comme les chefs d’entreprise du coin, qui se réunissent toutes les semaines à la table siglée VIP.
Au Bon coin, Patos partage la tâche avec Sandrine, la serveuse, arrivée en février dernier. Les deux se relaient pour ouvrir dès potron-minet et jusqu’à tard le soir, uniquement du lundi au vendredi toutefois. « Ici, on maintient le lien social, on est le point de rendez-vous du village », affirme-t-elle. Mais aucun rapport avec le site de petites annonces, même si « ça m'est arrivé que des gens appellent ici pour passer une petite annonce ! », rigole-t-elle.
« Est-ce que ça vaut le coup de déplacer le bar ? »
Tout à côté, Delphine tient le tabac. Si le bar et le tabac cohabitent, il s’agit de deux entreprises différentes. « On a racheté avec mon mari en avril dernier », présente la buraliste, qui a gardé Cathy, employée du tabac depuis des années, pour l’épauler. Même lieu, mais pas la même clientèle : là où le bar a ses habitués, le tabac travaille surtout avec le flux important de voitures qui passe tous les jours devant.
Alors le tabac et le bar vont probablement voir leurs chemins se séparer à l’avenir. C’est que la construction de la déviation de l’Ardoise avance, et orientera d’ici deux à trois ans le flux de voitures et de camions hors du cœur du hameau de l’Ardoise, et donc loin du Bon coin. « Des propositions nous sont faites, mais rien n’est fait », affirme Delphine, consciente qu’elle ne pourra pas se passer du flux.
Pour Patos, c’est une autre histoire. « On verra en fonction du tarif qu’on va nous demander si on va là-haut », glisse-t-il, avant de se reprendre : « Est-ce que ça vaut le coup de déplacer le bar ? Et enlever ce bar d’ici… » Bref, le Bon coin a peut-être encore de beaux jours devant lui là où il est. Quant à Patos, il mène un projet avec Éric, le mari de la buraliste, pour reprendre un bar de Connaux, village proche qui n’a plus de bar depuis des années. Après tout, Connaux aussi a le droit à son Bon coin.
Thierry ALLARD