FAIT DU JOUR Après les annonces présidentielles, les centres de vaccination pris d'assaut
Le président de la République l'a annoncé la semaine dernière : à compter du 21 juillet, l'accès aux lieux réunissant plus de 50 personnes sera soumis à la présentation du pass sanitaire. Pour se rendre au restaurant, au cinéma, il faudra montrer patte blanche avec un parcours vaccinal complet ou un test PCR négatif de moins de 24h.
Une fermeté qui tend à limiter la propagation du virus et plus particulièrement le variant Delta qui prend de plus en plus d'ampleur en France. Cette nouvelle allocution a provoqué une véritable ruée vers le site de prise de rendez-vous à la vaccination, Doctolib. En une nuit, quelque 1,7 million de Français se sont connectés à la plateforme. Les centres de vaccination gardois ont également subi cette prise d'assaut, comme à Bagnols/Cèze.
"On a eu une énorme demande", confirme Nathalie Frayssines, médecin coordinatrice du centre de vaccination de Bagnols/Cèze. Elle et les autres personnels mobilisés ont eu affaire à des personnes très pressantes : "On est face à beaucoup de comportements disproportionnés. L'autre fois, on a dû faire intervenir la police : un homme a fait un sit-in dans le centre en disant qu'il ne partirait pas tant qu'il n'a pas eu sa dose", raconte-t-elle. Et d'ajouter : "Dès qu'il y a beaucoup de monde qui vient sans rendez-vous, on est obligé de faire venir la police. Même si les personnes ne sont pas virulentes. On ne veut pas créer d'attroupements et encore moins risquer de générer un cluster juste devant le centre."
"Il y a un espèce d'effet de panique. Les gens se sentent pris au piège"
Dès le lendemain des annonces, un peu avant 7h du matin, un homme s'est présenté et a attendu toute la matinée, espérant bénéficier d'une dose bonus. En vain. "Il y a un espèce d'effet de panique. Les gens se sentent pris au piège. Alors qu'au mois de juin, on en était à appeler des personnes en liste d'attente pour écouler toutes les doses. Aujourd'hui, la demande est vraiment remontée : on doit avoir 10 personnes pour une seule dose. On n'est pas en rupture, mais à flux tendu", explique la coordinatrice.
Si dans les premiers temps, la vaccination était facilitée pour les personnes prioritaires, elle est aujourd'hui ouverte à tout le monde. Ce qui peut susciter des incompréhensions : "Les gens se considèrent dans leur bon droit puisque le pass sanitaire est obligatoire dans beaucoup de lieux. Certains présentent des pathologies, d'autres veulent absolument partir en vacances. Bien sûr quand il s'agit d'une personne qui doit être vaccinée avant d'entamer sa chimio, on la fait passer en priorité car on est sur de l'urgence. Mais quand quelqu'un veut pouvoir partir en vacances, ce n'est plus du domaine de la priorité."
À l'extérieur du centre, Noé, un lycéen de 17 ans habitant Montfaucon, est venu accompagner sa sœur. Lui aura sa piqûre lundi. Il a pris rendez-vous sur Doctolib dès la fin du discours du président de la République. Après trente minutes de galère, il a finalement réussi à décrocher un créneau : "Au début, mes parents ne voulaient pas que je me fasse vacciner. Ils n'en voyaient pas l'utilité. Mais après les annonces d'Emmanuel Macron, ils ont cédé. Sinon, je ne pouvais pas faire grand chose de mes vacances, ni sortir avec mes potes. Déjà que je ne les ai pas beaucoup vus pendant le confinement, si on peut faire un restaurant cet été en étant vacciné, je le fais."
30 000 injections depuis l'ouverture du centre bagnolais
Céline et Sylvia, elles, sont venues pour leur deuxième injection. Elles ont senti venir cette demande frénétique avant les vacances et ont préféré anticiper : "On a envie de pouvoir voyager, de pouvoir reprendre une vie normale. On a programmé cette 2e dose juste avant de partir en vacances. On avait peur de ne pas pouvoir avoir le Pfizer en plus."
S'ajoutent à cette population, le cas des personnels soignants et hospitaliers qui jusque-là avaient boudé, pour certains, les créneaux prioritaires qui leur étaient proposés en février-mars. Aujourd'hui, ils se retrouvent "embêtés" car ils doivent obligatoirement être vaccinés au 15 septembre pour pouvoir continuer de travailler.
Tout cela a créé des embouteillages sur Doctolib. À ce jour, il faut compter en moyenne trois semaines d'attente pour se faire inoculer une première dose au centre bagnolais. Pour l'instant, la cadence s'établit à 500 injections journalières (30 000 injections au total depuis l'ouverture du centre), mais elle devrait très vite augmenter pour répondre aux besoins : "On devrait élever la cadence à partir de mi-août. Pour l'instant, on reste ainsi pour permettre aux professionnels qui sont fatigués de partir en vacances une semaine. Il faut comprendre que cela fait un an et demi qu'ils sont mobilisés dans les centres de dépistage et de vaccination, qu'on les rappelle sur leurs congés", recontextualise Nathalie Frayssines.
Plusieurs demandes de faux certificats de vaccination
Cette montée en puissance mi-août correspond aussi à la préparation de la rentrée scolaire et pourra absorber les primo-vaccinations des enfants, si jamais la vaccination est exigée au collège et au lycée. En juin, à cause de la baisse de fréquentation, il était prévu que plusieurs petits centres de vaccination du département ferment, notamment Pont-Saint-Esprit ou Bellegarde. Il a finalement été décidé de les maintenir pour répondre à cette demande.
Il y a un autre phénomène qui accompagne cette ruée vers les centres de vaccination : ce sont les demandes de faux certificats. "On a déjà eu plusieurs demandes très franches depuis les annonces. On a aussi des personnes qui suivent tout le processus et qui, une fois dans le box de vaccination, essayent de l'obtenir de façon détournée", raconte Nathalie Frayssines. Parfois, les personnes sont prêtes à payer pour obtenir le Saint-Graal sans subir la piqûre, avec des propositions à trois zéros. "Au centre de Bagnols, seuls les médecins ont accès aux formulaires covid. Mais dans les grands centres, c'est parfois des personnels soignants qui s'en occupent, sous la responsabilité du médecin. Je ne cautionne pas, mais je peux comprendre que quand on a un salaire bas, la tentation est grande", reconnaît la médecin.
Celle-ci dénonce toutefois fermement cette pratique : "Ça reste un faux, c'est une dérive dangereuse qui peut avoir des conséquences. Que ce soit pour le patient qui peut toujours attraper une forme aggravée du covid ou pour le médecin référent qui peut être mis en péril."
Un public à la vaccination plutôt jeune
D'autant que le variant Delta devient majoritaire parmi les contaminations. Les cas contacts au variant Delta testés négatifs restent prioritaires. "Il est d'autant plus trompeur que les symptômes touchent davantage au digestif qu'à l'ORL. On peut facilement croire à une mauvaise digestion après avoir mangé un aliment pas bon dans un restaurant", remarque Nathalie Frayssines. Dans le Gard, le taux d'incidence vient de repasser au-dessus de 50 pour 100 000 habitants après des semaines de décrue.
À Bagnols, comme en Terre de Camargue, le préfet a suspendu tous les créneaux sans rendez-vous mis en place suite à une baisse des candidats à la vaccination. Là-bas la cadence a également augmenté. Hier, 700 vaccinations ont été effectuées dans la journée. Le centre a fermé à 20h au lieu de 17h30 à l'accoutumée. Avant les annonces, les chiffres étaient descendus à 1 200 doses par semaine. Parmi les candidats à la vaccination, on retrouve surtout des actifs et des jeunes qui viennent de terminer leur année scolaire/universitaire, et quelques vacanciers.
Marie Meunier, Rémi Fagnon et Boris Boutet
Et aussi... Quid de la troisième dose ? Les troisièmes doses sont actuellement réservées pour les personnes immuno-dépressives. La troisième dose ne devrait être disponible pour tous qu'à partir du mois de septembre, mais rien n'est encore officiel.