FAIT DU JOUR Dans le Gard, le viager gagne du terrain
Au niveau national, le viager ne représente qu'un peu plus de 1% des transactions immobilières, soit entre 4 000 et 5 000 ventes par an. Mais petit à petit, et ce depuis la crise sanitaire, ce marché gagne du terrain, c'est le cas dans le Gard.
Le viager, Thérèse et Bernard Béguin n'y avaient jamais pensé jusqu'à cette fameuse discussion, par hasard, avec un voisin. Ce couple s'inquiétait alors de son avenir, du devenir de sa propriété située à Aubord, achetée en 1983. "Nous savons que nos deux enfants n'en veulent pas. Nous nous sommes alors demandés si nous devions la vendre et avons envisagé d'aller dans une résidence pour seniors", explique Thérèse, 74 ans. Un scénario qui ne les a pas totalement séduits, bien moins en tout cas que celui du viager, une idée qui a germé dans leur esprit depuis cet échange avec leur voisin donc.
Encore méconnu dans le Gard comme un peu partout en France - les plus avertis sur le sujet se trouvent en Île-de-France et sur la Côte d'Azur -, le viager qui peut être occupé ou libre, consiste à vendre un logement à une personne qui verse en échange un bouquet de départ et une rente mensuelle - réindexée chaque année sur le coût de la vie - au vendeur jusqu'à son décès. Dans le cas d'un viager occupé, si le vendeur doit quitter les lieux pour des raisons de santé, les rentes lui sont toujours versées et réévaluées de 30%. Un principe qui questionne la moralité, la décote peut parfois atteindre les 60% et même au-delà. Cindy Montesinos et Kevin Lopes ne nient pas l'existence de pratiques indélicates de la part de certains acquéreurs. Mais les co-gérants de l'agence Bonheur à la clé créée il y a un an à Saint-Gervasy mettent un point d'honneur à leur fermer la porte dès qu'ils en démasquent un.
"Le viager n'est pas un pari sur la mort"
"Le viager n'est pas un pari sur la mort. Il ne faut pas le voir ainsi. Aujourd'hui, de plus en plus de personnes font appel à nos services pour deux raisons principales, lance Cindy Montesinos, 39 ans. La première, c'est parce qu'elles n'ont plus de lien avec leurs enfants. Suite à la crise sanitaire, certaines personnes qui se sont senties isolées, abandonnées par leur famille, se sont intéressées au viager. Et puis, il y a celles qui financièrement ne s'en sortent plus." Car une fois l'acte de vente signé, le vendeur peut rester dans sa maison, mais ne paie plus la taxe foncière ni les éventuels travaux à effectuer dans le logement. "Pour les personnes âgées, elles peuvent ainsi éviter la maison de retraite et bénéficier d'une aide à domicile si besoin. Mais vous savez, on a aussi des personnes âgées de 50 ans qui ont des soucis financiers et dont les banques menacent de saisir leur propriété", assure le duo de Saint-Gervasy. Du côté des acquéreurs, il y a deux types de profil : les investisseurs et ceux qui veulent protéger leur famille, assurer un avenir à leur enfant.
Ce dernier exemple cité est le cas de l'acquéreur de la maison du couple Béguin. Quant à Thérèse et Bernard, ni la nécessité financière, ni les problèmes familiaux ne sont à l'origine de leur choix. "D'ailleurs, avant de prendre notre décision, nous avons contacté nos enfants pour leur demander leur avis. Et ils ont tout de suite accepté", se souvient l'ancien chef de ventes dans le secteur de l'automobile, âgé de 77 ans. Et son épouse de poursuivre : "Cette formule nous convient parfaitement car elle nous permet d'avoir de l'argent disponible pour gâter nos cinq petits enfants, tous en couple et installés." Mais un point plus précis a davantage motivé les Béguin à se lancer dans le viager et c'est Bernard qui l'explique : "Si je venais à disparaître, ma retraite serait divisée en deux. Mon épouse n'a pas une grosse retraite, alors ces rentes lui permettraient de vivre plus confortablement, plus sereinement."
"Une histoire de rencontre, de contact humain"
Quant à savoir si les septuagénaires se sentent encore chez eux un mois après avoir signé l'acte de vente, la vendeuse de chaussures à la retraite répond instantanément par l'affirmative. "Cet acquéreur, nous l'avons choisi. Nous avons eu plusieurs visites, dont des personnes qui nous voyaient déjà quitter les lieux. Mais comme avec Cindy et Kevin, ça a été une histoire de rencontre, de contact humain, quelque chose qui a fait qu'on a eu confiance", souligne Bernard. Entre les mois d'octobre 2020 et 2021, le viager représente 30% des transactions immobilières réalisées par l'agence Bonheur à la clé, soit 18 ventes signées et 8 en cours.
Stéphanie Marin