FAIT DU JOUR Eau et assainissement : les douze travaux de l’Agglo du Gard rhodanien
Depuis deux ans et demi, la loi a confié aux Agglomérations la gestion de l’eau et de l’assainissement. Une compétence cruciale aux problématiques majeures : l’approvisionnement, le stockage et l’assainissement. Illustration dans l’Agglo du Gard rhodanien.
« Plus ça va, moins ça va ». Voilà comment le président de l’Agglo du Gard rhodanien décrit la situation de l’approvisionnement en eau de Saint-Marcel-de-Careiret, un peu plus de 800 habitants à une quinzaine de kilomètres de Bagnols. Ici, la source se tarit, son niveau diminue d’1,3 mètre chaque mois. Alors depuis des semaines, l’Agglo est obligée de faire venir des camions-citernes pour remplir le château d’eau du village et permettre aux habitants d’avoir de l’eau en ouvrant le robinet.
« Ça peut arriver pour des coups de dépannage, comme en cas de pollution, mais jamais comme ça », indique le vice-président de l’Agglo délégué à l’Eau et à l’assainissement, Olivier Jouve. C’est peu dire qu’il est préoccupé par la situation, inquiétante au possible et coûteuse : 30 000 euros par mois. Alors il y a une grosse quinzaine de jours, l’Agglo, la commune et le bureau d’études Cereg se sont réunis pour trouver une solution.
« Nous envisageons trois scénarios, commence Olivier Jouve. Repartir de zéro avec un nouveau captage, c’est dix ans. Partir d’un autre forage existant, sur Verfeuil, ou un mix de tout ça. On doit avoir la réponse fin juin, pour ensuite lancer les chevaux. » Le cas de Saint-Marcel-de-Careiret, auquel il faudra peut-être ajouter Laval-Saint-Roman dans l’été, démontre que la question du manque de ressource en eau ne se conjugue pas qu’au futur : ici, on y est déjà.
Surtout que la commune cumule : son eau est contaminée aux pesticides, et il a fallu investir 256 000 euros - 179 000 pour l’Agglo et 77 000 pour le Département - pour installer des filtres à charbon. « Cette dépense n’était pas prévue, c’est la solidarité intercommunale qui s’applique », note le président, alors que les communes de Carsan, Aiguèze, Saint-Alexandre et Cavillargues font face au même problème.
Cavillargues, justement, où le réservoir d’eau est tout simplement en train de s’effondrer. L’ouvrage, qui date de 1939, est lézardé de grosses fissures. Par endroits, on pourrait presque y passer la main. À l’intérieur, la mairie a disposé des étais, mais il est urgent d’agir. « La chambre à vannes s’effondre, et si elle tombe, on n’a plus d’eau », résume le maire, Laurent Nadal.
L’élu ne découvre pas la situation. « Nous avons fait un schéma directeur en 2018, il y en a pour 5 millions d’euros de travaux d’eau et d’assainissement à faire sur la commune », explique-t-il. Donc le maire a augmenté les tarifs de l’eau dès 2019 pour provisionner de quoi obtenir les crédits nécessaires. « Quand la mairie a passé le bébé et l’eau du bain à l’Agglo, Laurent a eu un discours honnête et a augmenté le prix de l’eau », reconnaît Jean-Christian Rey.
Ce faisant, « l’Agglo a récupéré l’équipement avec le budget qui permet le chantier, ce n’est pas partout pareil », tempère-t-il. Car certaines communes ont moins joué le jeu, et attendu que la compétence soit transférée pour laisser l’Agglo gérer. Et quand il va falloir faire les travaux, les usagers vont prendre un coup de bambou sur leur facture. « La commune qui n’a jamais fait de travaux mais qui disait que l’eau n’était pas chère, c’était parce qu’il n’y avait rien en face. Nous, aujourd’hui, on veut un service de qualité », assure le président de l’Agglo. Bref, « si c’est pas cher, il faut savoir pourquoi », glisse-t-il.
Pour Cavillargues, l’étude est en cours et dira d’ici l’été pour combien de travaux il y en aura. Une chose est sûre, il faudra bâtir un château d’eau et reprendre une bonne partie du réseau. « Il y a une vraie problématique du stockage de l’eau sur cette partie de l’Agglo, et des permis de construire sont refusés pour cette raison à Connaux ou Saint-Paul-les-Fonts », souffle le président. Quant à la problématique des réseaux, elle est transversale. « Mon réseau est pourri », reconnaît Laurent Nadal. Les services de l’Agglo précisent que certaines communes ont des taux de rendement à 30 %, voire 20 %… Ce qui signifie que 80 % de l’eau traitée et injectée dans le réseau est perdue. « Ces ouvrages datent tous des années 1960, il faut tout reprendre en même temps », note Olivier Jouve qui estime avoir « dix ans » pour remettre à niveau les communes.
Après la captation et le stockage de l’eau, place à la dernière étape : son assainissement. 17 ans : la première mise en demeure par les services de l’État de la station d’épuration de Laudun sera bientôt majeure. « Cette mise en demeure date de 2005, il n’y a rien eu derrière », tempête Jean-Christian Rey. Jusqu’à 2018, lorsque la mairie décide de s’atteler à la tâche. Car les rejets de la station de Laudun dans la Tave voisine n’étaient plus conformes, et polluaient donc le cours d’eau. La station était devenue obsolète et trop petite, face à l’accroissement démographique de la commune. « Quand on a donné les clés à l’Agglo, nous avions le budget et l’autorisation de la préfecture », note le maire, Yves Cazorla.
Depuis plusieurs semaines, les travaux battent leur plein tout à côté de l’actuelle station. Le but ? « Solutionner les problèmes avec une charge hydraulique plus importante et rehausser le niveau de traitement », explique Arthur Devaux, de Gaxieu, maître d’oeuvre du chantier. De nouveaux ouvrages ont été bâtis, et l’existant sera réutilisé. Le clarificateur existant va ainsi devenir un bassin tampon, qui servira en cas d’orage. "Car la station traite 500 mètres cubes par jour en temps normal, et trois fois plus en cas de grosses pluies", précise Guilhem Gracia, chef de secteur pour la Saur.
Il y en a pour 1,8 million d’euros, avec une subvention de 752 000 euros de l’Agence de l’eau et 480 000 euros du Département. « Ça avait été anticipé, ce n’est pas le cas partout », relève le président de l’Agglo. La station de Laudun est loin d’être la dernière à devoir subir des travaux : sur la longue liste des mises en demeure, on retrouve notamment Pont-Saint-Esprit et Tavel.
À une échelle globale, l’Agglo travaille actuellement à son schéma directeur de l’eau et de l’assainissement. Un document très dense, qui va prendre encore deux ans de travail au bas mot, pour savoir où prioriser les chantiers et aller chercher les subventions qui abondent les quelque 28 millions d’euros que met l’Agglo chaque année sur le dossier.
Reste un chantier transversal : « Nous aurons un gros travail de communication à mener pour changer les comportements des usagers », avance Olivier Jouve, surtout face au manque de ressource qui frappe déjà et risque de frapper plus largement avec des périodes de sécheresse toujours plus longues et intenses. Pour ne pas, un jour, se retrouver à devoir, comme l’imagine Jean-Christian Rey, « faire le choix entre remplir sa piscine ou boire. »
Thierry ALLARD