FAIT DU JOUR Les drôles de pratiques du syndicat de la Gardonnenque
Lingerie féminine, bouteilles de whisky, ordinateur portable... Quand l'audit réalisé en 2017 sur le syndicat de la Gardonnenque (devenu SIVOM puis SIVU) est tombé, on ne peut pas dire que les commanditaires* aient été particulièrement surpris. "Tout le monde connaissait les pratiques de la secrétaire : on savait depuis des années qu'elle détournait l'argent du syndicat à des fins personnelles, mais personne n'a jamais parlé. Elle était protégée", confie un élu qui souhaite conserver l'anonymat.
Les magouilles de la secrétaire, une prénommée Chantal, sont anciennes et pourraient ne jamais s'être arrêtées. Prise la main dans le sac en 2011, elle proposait, via un courrier, de "rembourser le plus rapidement possible" son employeur auquel elle aurait volé une somme de plusieurs dizaines de milliers d'euros. Malgré le préjudice subit par le syndicat, la secrétaire a conservé son poste. "Vous imaginez ça dans le privé ?, s'indigne le maire de Moussac, Frédéric Salle-Lagarde, qui a déposé plainte pour vol après avoir découvert de nouveaux éléments troublants. Pour vous donner une idée, les factures d'essence des deux employés du syndicat étaient à elles seules plus élevées que celles de l'ensemble du personnel de la commune de Moussac". Si l'élu ne sait pas où en est sa plainte -"je n'ai eu aucun retour pour le moment"-, il sait en revanche que la secrétaire a été révoquée en 2017 par la nouvelle présidente du syndicat.
Soupçons de travail dissimulé du gardien et de prise illégale d'intérêt du président...
Réalisé uniquement sur l'année 2016 à la demande du SIVU communal de la Gardonnenque, le rapport d'expertise pointe du doigt trois principaux dysfonctionnements. Le cabinet de commissaires aux comptes diligenté évoque des "suspicions sur le caractère approprié de certaines dépenses". En effet, comment justifier par exemple que le syndicat ait besoin de posséder de la lingerie féminine ; en l'occurrence des mi-bas ? L'audit recommande également au SIVU de régulariser au plus vite la situation du gardien** de la halle des sports de Brignon. Depuis des années, l'homme était hébergé "à titre gratuit" en contrepartie de services rendus comme la surveillance, l'ouverture et la fermeture de la halle des sports. Problème : le gardien n'étant pas inscrit comme travailleur indépendant, son activité pourrait être considérée comme du travail dissimulé !
Le troisième et dernier grief concerne Michel Martin, à la fois maire de Saint-Geniès-de-Malgoirès et, à l'époque, président de ce syndicat. Selon l'audit, celui-ci aurait profité de sa double casquette pour régler certaines factures. "S'il est démontrable que le maire avait intérêt (électoral par exemple) à ces agissements, conclut le rapport, [cela] risque de relever de la qualification pénale de prise illégale d'intérêt".
Des soupçons que balaie un Michel Martin serein et soutenu par de nombreux élus de Leins Gardonnenque : "À l'époque, une convention sur la halle des sports a été passée entre le Conseil départemental et la commune de Saint-Geniès. La commune s'acquitte donc chaque année des sommes et je me fais ensuite rembourser ce que me doit le syndicat." L'un de ses soutiens ajoute : "À la rigueur, la seule chose qu'on pourrait lui reprocher, c'est qu'il aurait dû faire signer le mandat par le vice-président du syndicat." Traduction : il aurait été préférable que Michel Martin ne soit pas juge et partie. "Mais tout ça est contrôlé par les comptables du Trésor Public et ils sont tatillons" (on y reviendra, NDLR), s'empresse de déclarer un autre élu.
Quant aux agissements de la secrétaire, Michel Martin assure les avoir appris après coup et dit "regretter profondément cet égarement de Chantal, qui a rendu l'argent au centime près." Mais le maire de Saint-Geniès s'interroge : "ce que je ne comprends pas, c'est que personne ne l'a remise en cause à l'époque. Pourquoi maintenant ? Je n'ai jamais vu personne se lever en assemblée générale et me parler de tout ça. En fait, on nous reproche aujourd'hui de ne pas être revenu sur les largesses de la présidente de l'époque."
A-t-on fermé les yeux ?
La dernière interrogation, soulevée par plusieurs connaisseurs de cet épineux dossier, concerne les instances de contrôle et le rôle de la préfecture du Gard. Si par peur de s'attirer des ennuis, beaucoup ont préféré conserver l'anonymat en dénonçant tout de même "une faillite totale des services de l'État", le maire de Vézénobres, Sébastien Ombras se mouille : "À cause de cette gestion opaque, que l'on a expliquée à la préfecture, on a demandé à quitter le syndicat, mais cela nous a été refusé. J'ai donc refusé à mon tour, et comme d'autres communes, de payer ma contribution annuelle de 23 000€ au syndicat en 2015 et 2016. Et la préfecture a saisi nos comptes, contrairement à ceux du syndicat..."
Contactée, la préfecture s'est contentée d'un mail laconique sans répondre à nos différentes interrogations (aucun interlocuteur n'a pris la peine de les écouter, NDLR) : "Les services de la préfecture ont été saisis du dossier en 2017 dans le cadre du projet de liquidation du SIVOM. Les services de la préfecture assistent la présidente en exercice dans la liquidation de la structure. Le centre de gestion est saisi d'un dossier disciplinaire et une procédure pénale est en cours." Beaucoup de questions resteront donc sans réponse, mais c'est parfois préférable pour certains...
* Six maires sont à l'initiative de cet audit : ceux de Cruviers-Lascours, Moussac, Martignargues, Ners, Vézénobres et St Etienne de l'Olm.
**Le gardien a contacté notre rédaction pour préciser qu'il est une "victime" et non à l'initiative du travail dissimulé.
Tony Duret
tony.duret@objectifgard.com