FAIT DU JOUR Patrice Prat : « en politique, on a besoin d’idéal »
Porte-parole d’Arnaud Montebourg, le député ex-PS du Gard soutient le candidat Benoît Hamon pour le second tour de la primaire à gauche.
Objectifgard : Quelles sont les raisons de la défaite d'Arnaud Montebourg ?
Patrice Prat : Benoît Hamon a réussi sa campagne de premier tour. Il a fini par imposer ses thèmes, dont notamment la proposition sur le revenu universel. Arnaud Montebourg a voulu rester dans un registre plus classique et moins mobilisateur : le plan de relance ou l’emploi. Les gens avaient peut-être envie de nouveauté dans les thèmes abordés. Vous savez, une partie de la gauche aime avoir la tête dans les étoiles...
Le vote de dimanche soir, est-il un « avant congrès du PS » ou un « vote citoyen » en mal de gauche ?
P.P: C’est un vote citoyen ! En politique, on a besoin de rêve et d’idéal. Il n’y a rien de plus triste que des experts comptables ! Alors, évidement, la participation n’est pas fantastique mais le contexte est différent : nous sommes les sortants. Malgré la désaffection du pouvoir PS et l’éclatement de la gauche, 1,7 M d'électeurs a voté. Ce n’est pas rien.
En quoi Benoît Hamon est-il le meilleur pour battre la droite et l’extrême droite ?
P.P : Benoît Hamon est le candidat le moins clivant. Il est capable de rassembler la gauche. L’ex-Premier ministre Manuel Valls a contribué à développer la doctrine des « gauches irréconciliables ». Avec sa méthode brutale, il a fragmenté la gauche. Moi, ce n’est pas ma culture. La volonté de rassembler est le devoir de tout homme de gauche. Après la primaire, viendra le temps de la construction d’un projet présidentielle où il faudrait trouver des convergences.
Des convergences ? Avec qui ? Vous n’espérez pas rallier Macron…
P.P : Au soir du second tour de la primaire, il faudra discuter avec ceux qui se disent de gauche : Jean-Luc Mélenchon et les écologistes. Le « ni gauche - ni droite » n’existe pas, même si les électeurs sont déboussolés. Si Emmanuel Macron estime être de gauche, il doit prendre ses responsabilités, sinon les carottes sont cuites…
Une partie de la gauche tacle Benoît Hamon d’utopiste. Et vous ?
P.P : Quand ils disent cela, ils pensent au revenu universel. Mais ce n’est pas l'alpha et l'oméga d’un programme présidentiel. Nous sommes à l’étape de la primaire qui apporte une clarification sur la ligne économique. J’ai des points communs avec Benoît Hamon : la lutte contre l’austérité fiscale de ce gouvernement. Sur le CICE, nous n’étions pas philosophiquement contre, mais nous pensions qu’il fallait absolument flécher ses aides et fixer des conditions aux entreprises… Regardez aujourd’hui : la courbe du chômage ne s’est pas inversée !
Justement, que pensez-vous du revenu universel ?
P.P : Sur ce point là, je suis beaucoup moins convaincu... La valeur travail compte pour moi. C’est ce qui procure la dignité aux individus. Par contre, nous avons des convergences sur la politique économique qui passe par une relance par la demande, en donnant davantage de pouvoir d’achat aux ménages.
Benoît Hamon refuse de défiscaliser les heures supplémentaires, contrairement à Manuel Valls. Pourtant, cette mesure peut redonner du pouvoir d’achat...
P.P : Mais enfin ! Manuel Valls a été de ceux qui ont défendu une position contraire en début de quinquennat ! C’est la même histoire avec le 49.3… Il nous donne le tournis.
Faut-il abroger la « loi Travail », comme le propose Benoît Hamon ?
P.P : Oui. Il faut tout remettre à plat et repasser par un dialogue social avec l’ensemble des syndicats. En fin de quinquennat, cette loi nous a été vendue dans l’optique d’inverser la courbe du chômage. Si cela avait été vraiment le cas, il aurait fallu le faire au début…
Au vue de vos positions, la gauche de Manuel Valls et celle de Benoît Hamon sont-elles vraiment conciliables ?
P.P : Dans l’histoire, il n’y a jamais eu une gauche française. À chaque fois que nous avons voulu conquérir le pouvoir, il a fallu trouver une union des gauches. Cette fois-ci, en 2017, et malgré toutes les turbulences du système, c’est encore une règle qui ne se démentira pas.
Finalement, quelles sont vos convergences ?
P.P : Sur la laïcité, je suis assez proche de Manuel Valls. Je défends également une certaine autorité de l’État. Sur les sujets de sécurité, je suis pour une certaine fermeté. J’ai quelques points de convergences. Sur la politique économique, je suis pour aussi pour une politique de l’offre, mais pas seulement… Ce que je reproche à Manuel Valls, c’est de ne pas nous avoir écoutés. On a fait le CICE sans contreparties et au prix de nombreux sacrifices. Nous avons fait supporter aux ménages des impôts supplémentaire !
Propos recueillis par Coralie Mollaret