FAIT DU JOUR Philippe Berta : « Je suis député par effraction ! »
Objectif Gard : Êtes-vous plus à l’aise à l’université devant vos étudiants ou sur les bancs de l’Assemblée ?
Philippe Berta : Avec mes élèves ! Lorsque je parle dans l’amphithéâtre j’ai le silence. À l’Assemblée, c'est la cour d'école. Attention, je ne regrette pas du tout mon élection. Pour moi, c’est la suite de mon parcours professionnel d’enseignant-chercheur. À Paris, je tente d’apporter des améliorations dans des secteurs comme la culture, la recherche, l’université... C'est le sens de mon engagement.
Vous avez l’image d’un homme un peu prétentieux… Comment l’expliquez-vous ?
Ce n’est pas de la prétention. Vous savez, j’ai découvert le gêne de la masculinité. J’ai créé la première école de l’ADN en Europe, l’université…Je ne me mets pas du tout en avant. À Nîmes, nous ne sommes pas dans une ville universitaire, très culturelle. Mon discours passe peut-être mieux quand je suis plus entouré de gens qui viennent du même milieu que moi. Je connais bien des villes universitaires comme Dijon ou Montpellier. Ce que vous me dites-là, ça n’existe pas là-bas !
Vous êtes élu depuis un an. Le grand public ne vous connaît pas vraiment... Comment l’expliquez-vous ?
Je ne suis pas un grand communiquant. Je préfère que l’on me juge sur mes actions. Je pense d’ailleurs avoir réalisé plus de choses que je n’aurais espéré en un an de mandat à l'instar des deux lois à mon nom qui ont été votées à l'Assemblée.
Si vous ne communiquez pas beaucoup, c'est aussi parce que vous n’avez pas d’enjeu de réélection. Vous ne souhaitez faire qu’un seul mandat…
Vous pensez vraiment que ça marche encore comme ça ? Si ça avait été le cas, je ne serais pas devant vous aujourd’hui. Ceux qui croient toujours que c’est en faisant les fêtes de quartier ou les fêtes votives qu’ils vont être réélus se trompent. Il y a 18 mois, si vous m’auriez dit que je serai député, j’aurais été mort de rire !
Votre élection est un accident ?
Non, je dirai plutôt une effraction ! J’ai été là au bon moment et au bon endroit. Après, le Président Emmanuel Macron incarne ce que je plaide depuis des années : la fin du clivage droite/gauche pour un assemblage de compétences et de projets.
« Emmanuel Macron me fait penser à Schröder en Allemagne »
Depuis un an, sur quels dossiers avez-vous travaillé ?
Je vais prendre mes deux propositions de loi qui ont été votées. Mais il y a beaucoup d'autres choses. Il y a celle sur le handicap avec deux avancées : je plaide pour qu'après 75 ans le statut de personne handicapée soit reconnu. Cela implique une continuité du versement de la PCH (prestation de compensation du handicap).
Ensuite, la loi Chirac de 2005 met en place des fonds de compensation pour le handicap. Il doit couvrir les frais liés aux contraintes matérielles et humaines qu’engendre cette situation. Seulement, on a jamais spécifié qui allait mettre l’argent ! Du coup, certains départements n’ont jamais mis ce fonds en place. La loi est incohérente ! Mon texte propose une expérimentation dans certains départements pour définir les modalités : qui paie ? Comment ? Pour quel coût ? J’ai fait voter ce texte à l’unanimité à l’Assemblée, il vient d’atterrir au Sénat. J’espère que tout ça sera fini pour la fin de l’année.
Concernant votre seconde loi, elle porte sur les essais cliniques ?
Oui. Quand on met un médicament sur le marché, il doit être testé par l’être humain. C’est une phase longue et coûteuse. Depuis 2015, les trois quarts des essais se font à l’étranger. C’est dommage ! Les Français n’en sont plus les premiers bénéficiaires et la France perd des centaines de millions d’euros. Mon texte est axé sur les CPP (Conseils de protections de la personne). Ce sont des bénévoles (médecins, praticiens, citoyens…), tirés au sort, qui donnent l’autorisation et pilotent ces essais. Seulement dans la moitié des cas, ils se déclarent incompétents. Dans ce secteur d’activité la compétition est terrible. Ma loi propose de définir les compétences et les disponibilités des CPP pour raccourcir les délais d'attente des entreprises.
Vous êtes élu MoDem. Quel regard portez-vous sur la politique d’Emmanuel Macron ?
Un regard bienveillant. Emmanuel Macron me fait penser au Chancelier Schröder en Allemagne dans les années 2000. Seulement, le responsable allemand a fait une erreur magistrale, en faisant du libéralisme économique en fin de mandat. Ce sont des mesures impopulaires. Quand vous bougez les choses, il y a d’énormes réticences. Pour Emmanuel Macron, c’est différent : il a prévu de faire ses réformes économiques les deux premières années. Elles aspirent à libérer les énergies, l’économie. Dans un deuxième temps, on redistribuera. Cette politique me séduit !
Et qu’est-ce qui vous séduit moins ?
Il y a eu quelques éléments, comme la hausse de la CSG pour les retraités. Nous voulions que la valeur plancher soit rehaussée à 1 600 € par mois. Ça n’a pas été choisi. Il y a également eu la baisse des APL (Allocation personnalisée au logement). Ce n’était pas une bonne idée. Je pense toujours à mes étudiants… Cette baisse n'a pas eu de répercussions sur leur loyer.
« Je m’impliquerai pleinement dans les Municipales à Nîmes »
Parlons de Nîmes et des Municipales. Vous avez déclaré que vous ne seriez plus tête de liste en 2020. C'est toujours d’actualité ?
J’ai dit ça ? (Il sourit) Oui, c’est toujours d’actualité ! Mais je m'impliquerai pleinement dans le scrutin. Je soutiendrai un projet qui met au coeur la redynamisation du centre-ville, les transports et le développement touristique.
Vos collaborateurs Régis Vezon et François Courdil sont très impliqués dans les Municipales. Est-ce que leurs actions peuvent être guidées par un certain électoralisme politique ou ambitions personnelles qui peuvent vous nuire ?
Je les juge sur une seule chose : leur travail. Ils sont rémunérés pour ça. Après, ce sont des citoyens comme les autres, passionnés par la politique. Ça, ce n’est pas mon problème. Par contre, je ne cesse de leur répéter que les actions d’un collaborateur sont souvent vues comme celle du député. Je leur fais parfois ce petit rappel.
Régis Vezon est professeur à l’institut Emmanuel d’Alzon, dirigée par le président Centriste de Nîmes Métropole, Yvan Lachaud. Allez-vous le renvoyer s’il fait campagne en 2020 à Nîmes pour ce dernier ?
Vous entendez par là qu'Yvan Lachaud va être candidat ? Je plaisante ! Si Régis Vezon fait ce choix-là, il ne pourra pas cumuler avec son poste de collaborateur. Moi, je suis député jusqu’en 2022. Je prends ce mandat à bras le corps, je ne fais pas les choses à moitié. Pendant cinq ans, je vais faire tout ce que je peux pour le national et le Gard.
Propos recueillis par Abdel Samari et Coralie Mollaret