FAIT DU SOIR François Ruffin au chevet de la Nupes gardoise pour "endiguer la vague RN"
Ce vendredi soir au Vigan, le député de la Somme et écrivain François Ruffin a prêté main-forte au député de la 5e circonscription du Gard, Michel Sala, dans l'optique de "trouver des solutions" pour faire reculer l’extrême-droite et ainsi élargir l’Union populaire.
Les organisateurs de la réunion publique réunissant les députés Michel Sala et François Ruffin ont vu trop petit en décidant de la programmer ce vendredi soir à l'auditorium du lycée André-Chamson, au Vigan. Car celui-ci ne contient "que" 180 places, lesquelles ont toutes rapidement trouvé preneurs. Quand certains ont opté pour une place de fortune dans les escaliers, d'autres ont carrément décidé de s'asseoir à même le parquet, se considérant malgré tout chanceux au regard des "refoulés" qui ont entendu les envolées lyriques du député de la Somme depuis l'extérieur grâce aux enceintes installées pour l'occasion.
Car à en croire l'une des chevilles ouvrières de ce rendez-vous de la Gauche, "il se passe quelque chose au Vigan et en Cévennes", "les gens sont en train de se mobiliser". Comme une rock star, le blouson en cuir en moins, François Ruffin a fini par débarquer avec une petite demi-heure de retard. Ce qui n'a pas échaudé l'assistance, laquelle lui a réservé des applaudissements fournis et un long "Aaaaaaah" de soulagement en l'apercevant.
Consciente de ne pas être "la star de la soirée", la maire du Vigan, Sylvie Arnal, a d'abord assuré l'accueil républicain, avant de céder le micro à Irène Lebeau, maire de Dourbies, et par ailleurs suppléante de Michel Sala, élu député de la 5e circonscription du Gard en juin dernier. D'emblée, la dernière nommée a mis les pieds dans le plat en abordant la thématique principale de la soirée, à savoir "trouver des solutions pour faire reculer l’extrême-droite et élargir l’Union populaire".
"J’ai fait une analyse après les élections. Depuis 2002, le socle du Rassemblement national tourne autour de 20%. La différence se fait souvent au second tour, car les gens ont envie d’essayer autre chose que le gouvernement en place, quitte à aller jusqu’à des extrémités tellement ils sont exaspérés", a exposé Irène Lebeau. Et d'ajouter : "Il ne faut pas se le cacher, le RN a aussi pris une posture de dédiabolisation largement soutenue par les médias et certains politiques."
Élu député il y a tout juste trois mois avec 53% des suffrages exprimés, Michel Sala était en terrain conquis ce vendredi soir, dans une commune l'ayant placé en tête très largement au second tour des Législatives (67%). Mais le nouveau député de la 5e circo' garde un goût amer de ces mêmes élections au cours desquelles les Gardois ont élu "quatre députés RN sur six", ce qui représenterait "une catastrophe pour la Gauche". Pire encore aux yeux de l'ex-maire de Saint-Félix-de-Paillières, même "sa" circonscription a placé Marine Le Pen en tête au second tour de la Présidentielle.
Mais, assure-t-il, "la reconquête est dans toutes nos têtes à la Nupes". Alors, avant d'envisager d'endiguer "la vague RN" afin d'élargir l'électorat de Gauche, Michel Sala s'est chargé d'établir le diagnostic. Selon lui, le "succès du RN" trouverait d'abord sa source dans "le mutisme des classes populaires". Aussi, le député La France insoumise regrette l'absence du "front républicain" de la Droite "quand il s'agit de la Nupes" qu'elle "renvoie systématiquement dos à dos avec l'Extrême-droite".
Un peu plus tôt dans la soirée, celle qui a battu campagne à ses côtés en qualité de suppléante esquissait un autre argument : "On assiste à la lente érosion des services publics sur notre circonscription. On se sent oubliés. On a parfois l'impression de ne plus faire partie de la France." Un sentiment qui accroitrait à ses yeux la tentation d'un glissement vers un vote à destination des "extrêmes".
Avant de faire parler sa fougue verbale à grand renfort d'envolées lyriques pour le plus grand plaisir d'un auditorium acquis à sa cause, François Ruffin s'est adressé aux médias locaux, à l'occasion d'une conférence de presse organisée en petit comité dans le local historique du Parti communiste viganais. Le député nordiste, en pleine promotion de son livre Je vous écris du front de la Somme, a d'abord cédé la parole à Jasmine et Jessica, deux travailleuses sociales avec lesquelles il venait d'échanger.
La première, salariée du groupe Présence 30, a raconté les difficultés propres à son métier d'aide à domicile qu'elle juge "trop peu valorisé". "Au-delà du fait qu'on est mal payés, il y a des frais d’essence pour aller chez les patients. À 35 centimes le kilomètre, le barème est bien éloigné des réalités. On prend sur notre reste à vivre pour mettre de l'essence. En résumé, on donne de notre argent durement gagné pour aller travailler. C’est inadmissible !"
Des "conquêtes sociales" profitables à tous
François Ruffin avait trouvé en la jeune femme un exemple criant de la maxime qu'il défend : "Les Français doivent pouvoir vivre de leur travail, et non pas seulement survivre. C’est un principe simple. Pour cela, il faut que les paroles de Macron qui parlait des auxiliaires de vie comme des êtres 'essentiels' s’accordent avec des actes concrets." Sur la même longueur d'ondes, Michel Sala a complété : "La revalorisation des salaires, c’est par là que ça passe. On va intervenir au Parlement au niveau de la loi de financement de la Sécurité sociale. Il faut aussi qu’on fasse bouger la convention collective qui est figée depuis longtemps."
Le duo était venu avec son lot de mesures susceptibles de (re)séduire les classes populaires. "Il ne peut plus y avoir des gens qui vivent avec un Smic éternellement. On doit tendre vers les 2 000 euros net par mois", a par exemple assené l'écrivain. Et ce dernier de brasser large : "Je pense qu'on doit avoir des conquêtes sociales qui bénéficient à tout le monde dans le pays. Il ne doit pas y avoir des effets de seuil entre les gens qui sont en très grande précarité et les travailleurs modestes. Le chèque alimentation doit par exemple profiter à tout le monde !"
Un brin philosophe, l'essayiste s'est aussi livré à la défense de la valeur "DU travail", en lui attribuant un volet "spirituel". "Il faut reparler de la fierté du travail. Le maçon qui a terminé son mur et prend quelques mètres de recul pour le contempler. La coiffeuse qui vient d'achever votre coupe et vous la montre au miroir. Tout ça participe à la fierté de l’individu d’avoir accompli une tâche. Car c'est une grande souffrance d’avoir le sentiment d'être inutile ou de ne pas pouvoir faire correctement son travail. La Gauche doit savoir dire ça aussi." Un sacré défi !
Corentin Migoule