LES GARDOIS AUX J.O. Alain Portes et les Bleus, à jamais les pionniers
En 1992, aux Jeux Olympiques de Barcelone, l’équipe de France de handball dépoussière sa discipline et déjoue tous les pronostics en décrochant la médaille de bronze. Dans ses rangs figurait Alain Portes, joueur de l’USAM à l’époque, qui se souvient des bons et des mauvais moments. Vingt ans plus tard, à Londres, il retournera aux J.O. mais cette fois comme sélectionneur de la Tunisie. Retour dans le passé pour revivre l’incroyable épopée des Bronzés, avec un de ses principaux artisans. L’été où est née l’équipe de France de handball.
« C’est du bronze, mais une autre médaille ne nous aurait pas fait plus plaisir. Ce dont je suis le plus fier c’est que l’on a été les premiers. » Vingt-neuf ans après l’exploit de l’équipe de France de handball aux Jeux Olympiques de Barcelone, Alain Portes n’a rien oublié. Pour l’ancien joueur de l’USAM et capitaine de l'équipe de France, les J.O. ce sont d’abord des souvenirs d’enfant : « J’ai des parents prof de gym, alors on regardait l’athlétisme. Les premiers Jeux qui m’ont marqué ce sont ceux de Mexico en 1968 avec la télévision en couleur, et les Kenyans qui couraient partout. »
Puis Alain devient handballeur, mais sans jamais penser à participer à cet événement planétaire. « Il n’y avait pas beaucoup d’équipes qualifiées et vu l’état du handball français, cela aurait été présomptueux. » Pourtant, quand en 1983, les pays d’Europe de l’Est décident de boycotter les jeux de Los Angeles, la France fait partie des nations invitées à remplacer les absents. Mais vu les faibles chances de gagner une médaille, l’invitation est déclinée : « Je venais de rentrer chez les Bleus et on s’est dit que nous n’irions jamais aux Jeux Olympique car nous n’étions pas assez bons pour nous qualifier », se souvient Alain Portes.
« 11 mois à jouer au handball, six heures d’entraînement par jour »
Mais en 1986 intervient une tournant décisif dans l’histoire du handball français. Alors que la ville de Paris est candidate pour accueillir l’événement sportif mondial, la Fédération française de handball lance un grand projet. Le but est de mettre en place une équipe susceptible de bien figurer aux J.O. de la capitale. Les plans tricolores s’effondrent quand c’est Barcelone qui est finalement désignée comme ville hôte des Jeux de 1992, mais la FFHB n’abandonne pas son idée de créer une belle équipe de France.
« Ils ont constitué un groupe de 20 joueurs et mis en place un programme à deux entraînements par jour. C’est cinq ans de boulot. Je pense qu’on bossait plus que les gars d’aujourd’hui. Nous passions 11 mois à jouer au handball, six heures d’entraînement par jour et plus de 100 jours de stage par an. C’était très dur. Nous avons essuyé les plâtres mais ça a été payant. » Jusqu’alors la France n’est qu’une nation mineure du handball européen dominé par les pays scandinaves et ceux de l’Est. De mois en mois, le Bleus grimpent une à une les marches de la gloire.
Hôtels pas chauffés, cercle polaire et trains de nuit
L'aventure prend tournure en 1989, à Marseille, face au Danemark où les Français s'imposent et décrochent le ticket d'entrée au mondial qui se dispute en Tchécoslovaquie. Sur place, ils prennent le dessus sur les Islandais (29-23), pour leur part repêchés après le forfait des Yougoslaves, et terminent à une neuvième place qualificative, elle, pour leurs premiers J.O.
Pendant cette période, les hommes de l'entraîneur Daniel Constantini multiplient les tournois et parfois dans des conditions loin du confort du handball actuel : « Nous avons fait des stages en Roumanie où on dormait dans des hôtels pas chauffés et il y avait la Polar Cup qui se disputait en Norvège, dans le cercle polaire, au mois de janvier. Avec changement de villes et trains de nuit. » Les conditions ne sont pas forcément optimales mais l’expérience de vie est exceptionnelle et la cohésion du groupe en est renforcée.
La qualification en poche, l’objectif est de faire mieux de la neuvième place. Cela paraît facile mais pas quand on se replonge dans le contexte de 1992 et que l’on observe les adversaires des Français, cela semble beaucoup plus compliqué. Il y avait l’Allemagne, la Roumanie, qui avait fini 3e au mondial 90, la CEI (Communauté des États indépendants qui est née après le démantèlement de l’URSS, NDLR), l’Espagne, qui visait le podium, et l’Égypte.
« À part cette dernière, ils étaient tous meilleurs que nous et on les a tous bousculés », rappelle Alain Portes. La compétition des Français débute par un match contre le pays hôte l’Espagne dans une grosse ambiance, la est rencontre tendue (victoire française 18-16). Les Bleus brûlent ensuite un joker face à la CEI du grand Dujshebaev (défaite 22- 23). La France va alors déjouer tous les pronostics en battant successivement l’Allemagne (23-20) et la Roumanie (26-20). Les Bleus ne se prennent pas la tête et ils profitent de chaque instant.
« J’en veux à Constantini »
« C’était une fête pour nous. On en prenait plein les yeux dans le village olympique. Un jour, je mangeais avec Attila Borsos, mon coéquipier hongrois de l’USAM, et au bout d’un moment on s’est rendu compte que la personne qui était assise à la table à côté était Merlene Ottey, la célèbre athlète jamaïcaine. » Deuxièmes de leur poule, les Français se qualifient pour les demi-finales où ils doivent affronter les Suédois. « Ils nous battaient tout le temps et c’est le seul match où on a regardé notre adversaire jouer. »
Il n’y a pas de finale olympique au bout mais ce n’est pas grave. « On a vite digéré. On ne se posait pas de question. » Le travail n’est pas fini car contre l’Islande c’est la médaille de bronze qui est en jeu, le rendez-vous d’une vie auquel Alain Portes n’est pas convié. « C’est mon pire souvenir de handball, je l’ai vécu comme une grande injustice et j’en veux à Constantini. Nous étions quatre à mettre un terme à notre carrière internationale après les J.O. et la veille de la petite finale, le sélectionneur nous a convoqué pour nous annoncer ''Je vais dire aux jeunes d’aller vous gagner la médaille demain.'' Il nous a fait mal. J’avais 31 ans et j’étais à mon meilleur niveau. Je jouais la Ligue des champions avec Nîmes. »
« Certains en rajoutaient pour passer à la télé ou dans les journaux »
Près de trois décennies plus tard, la blessure est encore vive pour Alain Portes : « Certains en rajoutaient pour passer à la télé ou dans les journaux. » Barcelone c’est aussi les débuts de la médiatisation du handball en France. Pour le meilleur et pour le pire... « On l'a senti avec le côté sympa parce que l’on parle de nous mais avec le côté moins positif car les intérêt individuels commencent à prendre le dessus sur celui du groupe. Certains en rajoutaient pour passer à la télé ou dans les journaux. Il y avait des journalistes que l’on n’avait jamais vu. Paris-Match a débarqué à l’entraînement la veille de la petite finale. Il fallait faire la photo, rigoler, se mettre torse nu… » Les Bleus sont rebaptisés ''Les Bronzés'' avant de devenir ''Barjots'', des appellations fantaisistes ne mettant pas en valeur le côté travail et les efforts de la performance sportive. Des têtes tournent et gonflent un peu vite.
Vingt ans plus tard avec la Tunisie En 1992
« Certains avaient décidé de se raser la tête après le podium ou de se teindre en blond. La pression médiatique augmentant, ils l’on fait avant. Ça ne donnait pas la vraie image. » Dans ce contexte, le podium reste un moment inoubliable pour ces inattendus Français. Barcelone sont aussi un peu les J.O. de l’USAM qui, entre ceux qui arrivent, ceux qui restent et ceux qui partent de Nîmes, est représentée par sept joueurs. Il y a là Portes, Médard, Stoecklin, Volle, Lathoud, Gardent et Borsos (avec la Hongrie).
Au retour de Catalogne, Alain fête sa médaille simplement avec ses copains. « Je suis allé au café le Cygne pour boire une coupe de champagne avec Philippe Courbier, mon coéquipier de l’USAM, et Raymond Legrand (journaliste à Midi Libre, NDLR). » Le parcours des Bronzés est l’acte de naissance de l’équipe de France et ils ont a dépoussiéré le handball mondial tout en renversant la hiérarchie. En 2012, à Londres, Alain Portes retrouve les Jeux Olympiques, mais cette fois en qualité de sélectionneur de l’équipe de Tunisie.
Une bonne organisation, des salles pleines et une équipe tunisienne qui crée la surprise. Alain Portes est aux anges : « Je me suis régalé. C’était passionnant, mes joueurs en prenaient plein les yeux et je me revoyais 20 ans plus tôt. On a fait un quart de finale, et on ne passe pas loin de la demie. » Aujourd’hui la France fait partie des grandes nations du handball mondial et elle le doit à une bande de joueurs qui ont débarqué sur nos écrans de télévision lors de l’été 1992. On les appelait les ''Bronzés'' et ils sont à jamais les pionniers.
Norman Jardin.
Les Gardois aux J.O., une rubrique à retrouver chaque vendredi de l’été sur Objectif Gard.com