NÎMES La Maison Carrée rouvre et retrouve ses volumes intérieurs en attendant l'Unesco
La Maison carrée a enfin fait sa réouverture suite à des travaux de dégagement de ses volumes. Fini le cinéma qui siégeait à l'intérieur du temps, place à la pédagogie pure et surtout à l'immensité du lieu méconnu, mêle des Nîmois.
C'est une chose que Nîmes et ses habitants attendent depuis fébrilement des lustres. Miroir aux alouettes ou reflets d'une valeur universelle, l'inscription en 2023 du temple romain le mieux conservé au patrimoine mondial de l’Organisation des Nations Unies pour l’Éducation, la Science et la Culture (UNESCO) apportera, si elle est validée l'année prochaine, son lot de surprises à l'édifice antique. L’inscription sur la liste du patrimoine mondial est une appellation attribuée à des lieux ou des biens, situés à travers le monde, possédant une valeur universelle exceptionnelle, dans le but de transmettre ces héritages aux générations futures.
Si le majestueux bâtiment est encore debout, 2000 ans après son édification, au coeur d'une cité qui compte aujourd'hui plus de 150 000 habitants, c'est qu'il y a une bonne raison. Plusieurs même. Les autochtones se sont toujours emparés des lieux. Une fois l'empire romain tombé en désuétude, les Nîmois ont préservé l'ancien et vénérable temple à leur manière. Pas toujours la meilleure pour sa conservation mais constatons qu'elle fut la meilleure pour sa pérennité car il reste encore aujourd'hui le plus bel exemplaire d'époque.
Les enjeux qui s'ouvrent avec cette réouverture sont nombreux. Tout d'abord la Ville et Edeis, le délégataire de service public qui gère les trois monuments antiques de Nîmes, ont dû penser, repenser l'espace de valorisation du site. L'Unesco demande que le temple retrouve ses volumes passés, la Ville s'exécute. Après une fermeture au public pour assurer ces travaux, il est temps de parler de la suite des événements.
Malgré ses nombreux et infructueux essais pour classer Nîmes à l'Unesco, la Ville a décidé de suivre les recommandations d’ICOMOS (conseil de monuments) et de proposer le seul édifice nîmois qui témoigne de valeurs négociées et partagées entre Rome et Nîmes à travers la Maison carrée, ce temple dynastique dédié aux héritiers d’Auguste.
Classé monument historique dès 1840, la Maison carrée est un temple romain hexastyle pseudo périptère de style corinthien de 31,81 mètres de long sur 15 de large et 17 mètres de hauteur. Édifié du vivant d’Auguste entre 10 avant notre ère, le temple se compose de trente colonnes de neuf mètres de haut, dont vingt sont engagées et enserrent la cella (la salle intérieure), précédée d’un pronaos (l’espace désignant le vestibule ou l’entrée) auquel on accède par un escalier de 17 marches.
Le Temple de Nîmes a été construit avec la participation des populations locales qui voulaient ainsi marquer leur adhésion au nouveau régime et leur attachement à Auguste et sa famille. "À Caius Caesar consul et Lucius Caesar consul désignés, fils d’Auguste, princes de la jeunesse"... Le temple était dédié à la gloire des deux petits-fils, fils adoptifs et héritiers présomptifs d’Auguste : les consuls et chefs militaires Lucius Caesar et Caius Julius Caesar, les fils d’Agrippa, morts prématurément.
Ici, le temple est d’ailleurs à rapprocher avec un ensemble plus vaste, la source de la Fontaine qui constitue le premier lieu d’habitation des Volques arécomiques, mais aussi un espace sacré dédié à l’empereur romain comme l’Augusteum, aujourd’hui disparu.
Parfait exemple d’architecture impériale en Gaule narbonnaise, la Maison carrée de Nîmes est, avec le Panthéon de Rome, le seul édifice cultuel de l’antiquité qui nous soit parvenu pratiquement intact avec son décor extérieur. Mais son passé fut troublé par de n ombreux changement d'affectation. Demeure particulière au Moyen-Âge, propriété des moines augustins, maison des Consuls, préfecture, musée, musée archéologique, cinéma... Elle a même failli être le tombeau d'un certain noble local !
Pour l'élue Mary Bourgade, "Nous avons tenu a garder les traces du passé à partir du XVIIe et la présence des Augustins. Ce travail a été fait en collaboration avec le Ministère des affaires culturelles et la DRAC. Je tiens beaucoup à cet aspect de partage et de transmission, c'est ce que l'on veut avec notre délégataire."
À l'intérieur de l'édifice restauré, sept grands panneaux explicatifs en trois langues (français, anglais et espagnol) sont fixés aux murs. Colonia Augusta Nemausus, le culte impérial, la Maison carrée un chef d'oeuvre de l'architecture romaine, un monument exceptionnel, regard croisés sur la Maison carrée, redécouvrir et restaurer la Maison carrée, la Maison carrée au fil des siècles.
Tout cela apporte une belle note de pédagogie à la visite. En effet, les volumes du bâtiment sont retrouvés, l'esprit sacré n'est pas encore tout à fait perceptible mais tout devrait s'affiner avec le temps. Un chapiteau mis en lumière, des écrans tactiles et des tables rétro-éclairées permettent une compréhension parfaite du site. L'ambiance des lieux est douce et lumineuse, agréable à ressentir. Seul l'écho des visiteurs bruyants sera désagréable.
Gageons que les visites se fassent dans un silence quasi religieux... Eh oui, retour aux sources de l'édifice on vous dit ! La Maison carrée est ouverte dès ce soir à 19h30 puis demain et dimanche gratuitement de 9h30 à 20h15.